Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine
Pok Pok / Photo : Facebook Joseph Ponthus
J’ai reconnu, tout de suite, dans ton regard bleu – le tourment. Ça brûle, parfois, ce type de regard, cela reste. Et je ne l’oublierai jamais. Tu es donc parti. Aujourd’hui, je me suis baladé au bord de la mer, en Bretagne. Certains oiseaux commencent leur migration, la marée amène ses couleurs mélancoliques – gris ardoise, bleu roi, vert d’eau, beige lessivé et autre corail. Ici, il y a des arbres remarquables, pluri-centenaire, qui nous rappellent que nous ne sommes que de passage. Mais c’est trop violent cette brièveté Joseph, vraiment. Continuer la lecture de « The Wild Kindness – Joseph Ponthus, Bill Callahan, Will Oldham & Cassie Berman, François Truffaut »
« Ce qui n’est pas déchirant est superflu, en musique tout au moins. » La phrase est de Cioran mais elle illustre à merveille la nouvelle chanson de Glenn Donaldson, et dans une très large mesure tout ce qui existe sous le nom de The Reds, Pinks & Purples. The Record Player and The Damage Done – qui ressemble à s’y méprendre à une lettre d’intention – est un hommage nostalgique à toutes ces chansons qui nous ont bouleversés sans avoir la moindre expérience du vécu qu’elles accompagnent. « Je n’écris pas toujours consciemment, mais je peux tenter une interprétation de cette chanson. Pour moi, elle parle du pouvoir spirituel des disques. Je suis sûr que tu connais The Needle and The Damage Done. J’ai simplement remplacé l’héroïne par les disques. J’imagine donc qu’il y a une part d’humour noir… Mais aussi, plutôt qu’une révolution politique ou spirituelle, je préfère un morceau dévastateur qui signifie quelque chose pour moi et qui me sauvera la vie. Ironiquement, donc, mon besoin de musique est aussi spirituel. »
Fidèles à ce que l’on attendait d’eux, Arab Strap a effectué un retour remarquable avec le single The Turning Of Her Bones. Le morceau évoque le comeback du groupe avec l’humour qui leur est propre, sous l’angle de la résurrection et du sexe. A l’écoute de ce titre introductif, on s’est mis à rêver d’un nouvel album aventureux, ne reprenant pas les choses là où le groupe les avait laissées en 2005 avec The Last Romance. Sans tout révolutionner, As Days Get Dark passe le cap du changement haut la main. D’une dominante générale plutôt sombre, l’album sait rester aventureux sans désorienter, même lorsqu’un solo de saxo surgit de nulle part. La présence de Paul Savage, producteur historique du groupe et de certains de leurs projets solo, n’y est sans doute pas pour rien. Si Aidan Moffat et Malcom Middleton arrivent à nous mettre à genoux tant ils content le désespoir avec beauté, leurs choix respectifs pour ce Selectorama nous prouvent qu’ils ne passent pas leur temps à pleurer leur désespoir dans leurs pintes de Lager. Ils sont aussi capables de danser sur du Cerrone ou de s’émerveiller devant un solo de guitare d’Alice In Chains… Continuer la lecture de « Selectorama : Arab Strap »
“Chercher à mettre un rond dans un carré / Célébrer l’animal et le manger / Hidalgo dans les limbes à Paris / Y’a du sang dans les fresques d’Annie”
Il n’est jamais trop tard : je découvre en ce moment l’objet idéal de ma vocation tardive de rock-critique (et de Monsieur Du Snob, un peu) : le tout petit tirage. Si possible amical et confidentiel, il détient ce quelque chose d’humanité et de proximité qui renverse la table de l’habitude. Pressé, dupliqué, gravé, scotché, crayonné, passé de la main à la main, ou mieux, envoyé par la Poste, il exhale à une micro échelle ce petit goût de l’attente, ce parfum de découverte, cette jouissance de l’instant, tout en trouvant la quantité adéquate à son rayonnement intime. Continuer la lecture de « Kim & Cléa, Quelque chose qui me chiffone / Antinomique (autoproduction) »
Un quart de siècle, presque. Cela ne rajeunit personne mais je me souviens quand même. J’ai rencontré Hervé Paul un peu après avoir entendu ses chansons et, d’abord, son nom. Je me souviens de la plaisanterie qui trainait à l’automne 1997, dans les bureaux de cette maison de disques, quand il était question de son œuvre. Un autre Monsieur Paul – Henri, de son prénom – venait tout juste d’accéder à son quart d’heure de notoriété posthume en fracassant une berline et ses célèbres passagers sur le pilier du tunnel de l’Alma. Autour de la machine à café, il était même évoqué l’idée d’enregistrer un version hommage au chauffeur – Ricard In The Wind, tel en serait le titre, pour parodier le succès mondial du single larmoyant consacré par Elton John à la princesse défunte. Ça faisait sourire : il n’en fallait pas beaucoup. Mais ne nous égarons pas davantage et revenons-en à Hervé Paul. Continuer la lecture de « Vieilles gens mödernes – Hervé Paul et Floo Flash »
C’est le 6e arrondissement de Paris. À l’ombre du Panthéon. C’est un disquaire indépendant, un samedi après-midi, un été indien comme tant d’autres, des clients qui viennent, flâner, écouter des nouveautés (et parfois quelques classiques), boire un café. C’est l’automne 1992 et deux d’entre eux ont des têtes de vrais gamins, à tel point qu’ils ne font même pas les 17 et 18 ans que leur prête l’état civil. Quelques mois plus tôt, en février, ils ont piqué un titre d’une chanson des Beach Boys pour former un groupe. Ils ont un album de chevet, c’est Screamadelica de Primal Scream, sorti l’année d’avant. Mais pas que. Ils parlent de Pierre Étoile, de Urge Overkill, du MC5, d’Andy Weatherall. Ils ont donné un concert surréaliste en banlieue – je crois que c’était à Anthony, mais je n’en suis plus sûr, pour lequel ils avaient peint des étoiles sur leurs joues. Avant cela je crois, je me souviens de l’un d’entre eux, assis sur le bord de la scène, qui avait pleuré pendant toute la prestation touchée par la grâce du revenant Arthur Lee, à l’Européen de Paris. Ils ont trouvé en la personne de Daniel Dauxerre, disquaire, mélomane et érudit, alors bassiste de Colm et collaborateur du fanzine magic mushroom, un manager enthousiaste – et entre nous, on le serait à moins. Alors quand le journal a décidé de faire un état des lieux de la scène d’ici, il était impensable de ne pas évoquer ces jeunes gens, dont la démo venait de séduire Tim Gane et Laetitia Sadier de Stereolab, qui avaient retenu deux titres pour un double 45 tours dont personne ne pouvait prédire l’importance historique (et qui paraitra au printemps 1993). Aussi timides qu’enthousiastes, ils avaient alors répondu à ces quelques questions…
Si vous avez déjà entendu le nom d’Indigo Sparke, alors il y a de grandes chances pour que vous ayez connu et apprécié la musique d’Adrianne Lenker et de son projet Big Thief. Dès 2017, la complicité intime et artistique partagée par l’Australienne et l’Américaine conduit Indigo Sparke à assurer les premières parties de Big Thief en Australie. Elle joue alors les titres de Nightbloom, son premier EP, dont le secret reste d’abord gardé de son côté de l’océan. C’est en 2019, invitée au festival texan SXSW, qu’elle se fait repérer par NPR : le Tiny Desk Concert qui en résulte, début 2020, lui augure une belle année ; avant que l’univers n’en décide autrement.
Dans la sélection en ligne du festival, un bouleversant récit chronologique de la vie fracassée du leader des Pogues.
“Crock Of Gold, A Few Rounds With Shane Mac Gowan” de Julien Temple
L’homme est un sujet idéal. Le mythe est un piège. Pour Julian Temple, il n’a donc sans doute pas été totalement aisé de concevoir ce récit filmé des boires et des déboires de l’ex-leader des Pogues. Shane MacGowan a lui-même tout fait, ou tout laissé faire plutôt, à certaines périodes clefs de son existence pour finir par être réduit à la dimension schématique et limitée d’un cartoon. Comme pour Polnareff, les déclinaisons d’un logo – stylisé sous forme de quelques accessoires pourrait amplement suffire à entretenir l’illusion visuelle d’une présence et les souvenirs lointains d’une grandeur passée : une paire de Wayfarer bien accrochée sur des oreilles surdimensionnées, une dentition poreuse dont s’échappe un ricanement aussi célèbre qu’inarticulé, cette onomatopée impossible à retranscrire, quelque part entre les soubresauts d’une boite d’écrou mal secouée et le chuintement bien imbibé d’un dernier souffle. Continuer la lecture de « FAME 2021 : “Crock Of Gold, A Few Rounds With Shane MacGowan” de Julien Temple »
Tant de fois le désir d’entendre Mina tient à un déplacement. Ce n’est pas que je pense à la disco italienne que je me souviens du parquet collant dans une ville du mezzogiorno. Puis, comme une vague, tout vient avec elle : Battisti, Battiato, Pino D’Angio, Cosmo etc. Il ne s’agit plus de penser la cohérence des époques, des BPM et des genres, mais seulement de traverser comme un rêve un peu trop facile, une certaine présence au rythme, au geste, à la chaleur, en un mot, à la danse. Sous les pavés, le parquet est collant. Sous le couvre-feu, la nuit est infinie. Sous la laideur du toujours pareil, les corps sont lumineux. Il faut tenter de croire fermement à la musique pour s’apercevoir que la danse justifie toutes les attentes. Contre toutes les règles sanitaires, contre tous les éloignements, un geste de rapprochement, de sueur à sueur. Et soudain, toute la musique italienne fait nation, archipel : partir, rêver, danser (se croire éternel à cause d’un verre de trop). Continuer la lecture de « Le club du samedi soir #36 : Che disperazione! (nasce da una distrazione…) »
Les Lads de Nottingham de retour avec un nouvel album excellent, “Spare Ribs” (Rough Trade).
Sleaford Mods / Photo : Alasdair McLellan
Qui aurait parié en écoutant Austerity Dogs en 2013, que huit ans plus tard Sleaford Mods se placerait numéro 4 des ventes d’albums au Royaume-Uni ? Jason Williamson et Andrew Fearne auraient été les premiers à croire à une blague idiote. C’est pourtant sans compromis et avec une légère évolution d’album en album que le groupe s’est imposé comme l’un des plus essentiels et importants de ces dernières années. Voir sur scène un lad taillé comme un coton-tige ingurgitant des litres de bières derrière son laptop pendant qu’un ex-punk hurle dans un micro comme si sa vie en dépendait a certainement permis au groupe de se démarquer et de faire parler de lui, mais ce sont surtout la qualité des textes de Jason et l’inventivité des boucles d’Andrew qui justifient cette moisson de lauriers mérités. Depuis Eton Alive, leur précédent album, on devinait l’envie de s’orienter vers un format plus traditionnel. Si Spare Ribs emprunte cette nouvelle piste, notamment grâce aux deux singles pop Nudge It et Mork n’ Mindy, l’album n’en reste pas moins profondément marqué par l’identité du groupe. Au cours de cette interview, Jason Williamson revient sur le travail acharné qui a permis la lente ascension de Sleaford Mods, mais également sur ses remises en question et le succès totalement assumé qu’il rencontre depuis quelques temps. Avec Spare Ribs le groupe a certainement trouvé son Key Market. Vous pouvez compter sur eux pour ne pas s’y attarder trop longtemps. Continuer la lecture de « Sleaford Mods : “J’ai remis en question mes principes et mes croyances” »
Dans la sélection en ligne du festival, un vibrant hommage aux pionnières des musiques électroniques.
“Sisters With Transistors” de Lisa Rovner
Le texte lu par Laurie Anderson en ouverture du documentaire Sisters with Transistors pourrait faire figure d’énoncé programmatique conférant au film sa portée et cohérence politiques : « L’histoire des femmes est une histoire de silence, mais aussi dans le même temps celle de la manière dont on peut briser ce silence. » Un fil directeur qui ambitionne de réinterroger l’histoire des musiques électroniques du point de vue d’un questionnement sur le genre donc – et plus précisément de celui de l’invisibilisation et marginalisation des femmes au sein d’un certain récit canonisé par une histoire « officielle ». Continuer la lecture de « FAME 2021 : “Sisters With Transistors” de Lisa Rovner »
Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine
Anna Plaschg
J’ai eu l’amour des correspondances. Très tôt. Par lettres, par papier et par encre. Puis le numérique m’a offert une ligne d’horizon adorable. Tellement… presque trop. Parfois, je voudrais voir ressurgir certaines de mes correspondances : Audrey, Thierry, Julia, Emma ou Alexandra. D’autres, je voudrais les faire disparaitre, les voir mourir sous mes yeux – définitivement. Mais les réseaux sociaux sont des caisses enregistreuses et des coffres-forts impeccablement verrouillés. Mon orgueil serait celui de Kafka – mettre tout dans le feu et ne plus y penser. Continuer la lecture de « Correspondance – The Apartments, Simeon Wade, Ruth Beckermann »
Depuis la sortie en 2018 de leur très réussi dernier album Have a Cunning Plan, le groupe australien n’a pas chômé. En 2019, après un split single avec Parsnip chez le grenoblois Future Folklore qui avaient également ressorti leur tout premier disque, les Shifters avaient participé à la compil-hommage à David Berman des Silver Jews mise en place par Section 26, nous livrant une reprise très habitée de We Could Be Looking for the Same Thing. On a aussi par la suite pu se réjouir de la sortie d’un Live in Gaul, enregistré lors de leur tournée française ainsi que d’une compilation de raretés intitulée Open Vault. Mais c’est surtout leur excellent titre Left Bereft (signé chez Captured Tracks) salué par plusieurs rédacteurs de Section 26 comme l’un des meilleurs singles de 2020, qui a montré que leur inspiration était toujours intacte et le groupe prometteur. Miles Jensen, guitariste et chanteur du groupe nous a fait le plaisir d’établir une playlist des dix titres qui on sculpté sa sensibilité musicale. Continuer la lecture de « Selectorama : The Shifters »
On était très fiers, il y a deux ans, de proposer ce qui restera certainement la mixtape la plus dingue de notre collection, où nous demandons à des artistes de nous donner la clé de leur jardin secret. Stereo Total, ou un amour inconditionnel pour leur pop franco-allemande lofi, électro et punk, leur esprit barré et leur folie constante. Je ne sais pas si la disparition de quelqu’un pouvait me faire plus de peine que celle de Françoise Cactus. Elle était la bonne copine cinglée qui joue de la batterie et braille au micro d’un groupe rock de proximité, dans le sens de la petite formation punk qui vieillit bien, celle qu’on aime retrouver en concert dans de petits endroits improbables tous les deux-trois ans. Celle qui, comme une amitié de lycée indéfectible, ne s’arrête jamais. Il nous reste désormais leurs disques, témoignage indispensable d’une légèreté débridée qu’on ne connaitra peut-être plus comme avant, et cette mixtape en deux faces façon cassette oldschool, où Françoise herself joue au MC en introduisant chaque morceau d’une anecdote forcément piquante. Auf wiedersehen, mademoiselle Cactus, ich liebe dich.
C’est la lumière qui éblouit d’abord, un Soleil Blanc qui emplit tout l’espace et s’étire entre l’oreille et le monde. C’est la lumière d’un petit matin clair, le silence posé sur un bord de route où Gisèle Pape amasse des cailloux qu’elle sème, comme une petite Poucette, pour retrouver son chemin, ou plutôt ce qu’elle nomme dans le titre qui ouvre l’album, Le Chant des Pistes. Partout la terre qui se frotte à l’humanité, la terre malmenée par les hommes et les rêves qu’on piétine, des sujets empreints de gravité et traités avec une légèreté qui n’est qu’apparente, car tout est noir dès qu’on éteint la lumière. Continuer la lecture de « Gisèle Pape, Caillou (Finalistes) »
La musique cosmique fit les beaux jours de l’Allemagne de l’Ouest dans les années soixante-dix. Deux épicentres placèrent alors le pays d’Europe continentale sur la carte mondiale des musiques actuelles : l’axe Cologne-Düsseldorf (les deux villes sont séparées par un pont) et Berlin. Du premier ensemble émergea Kraftwerk, Can ou Neu!. De son côté, la future capitale du pays fut le théâtre des expérimentations de Klaus Schulze, Manuel Göttsching , Ash Ra Tempel et bien sûr Tangerine Dream. Les deux scènes furent régies par les mêmes interrogations.
Arvo veut dire après-midi en argot australien, ce moment où les concerts sauvages fleurissent dans les jardins et les lieux squattés en extérieur à la belle saison. Tout le contraire de la désolation actuelle, où l’on tuerait presque pour entendre un larsen de guitare sur scène. Chez ce label nouveau-né qui prépare quelques sorties cassettes à suivre, on essuie les plâtres avec une compilation dans l’air du temps. Ouverte sur la solidarité au pire moment du désarroi de la crise sanitaire, comme l’ont voulu les deux têtes chercheuses du label. Continuer la lecture de « Effort solo, intention collective (Arvo Disques) »
À 17 ans, on n’aurait jamais eu l’idée de chanter en français.
En revanche à 17 ans (en 1989 donc), on tentait bien de jouer dans un groupe dont les influences se rapprochaient dangereusement de celles de City Band en 2021, le disque est sorti à la fin de l’année, ce n’est pas une raison pour le passer sous silence.
On entend donc toutes nos mauvaises fortunes adolescentes dans un disque d’aujourd’hui et franchement, ça fout les boules. En bien.
Il faudra bien s’y faire. En dépit de toutes les impatiences, attisées au passage par la luxueuse réédition du chef d’œuvre Neon Golden (2002), le quatuor allemand ne consent à sortir de son silence et de son antre bavaroise de Weilheim qu’au seul rythme imposé par les méandres de son inspiration. 6 ans déjà après la publication de The Devil, You + Me (2008), imprégné par d’ambitieux arrangements orchestraux venus se mêler aux scansions électroniques et aux structures organiques de morceaux, les frères Acher et Martin Gretschmann consentent enfin à nous faire partager le résultat de cette nouvelle séquence prolongée de délibérations expérimentales et de composition collective. Continuer la lecture de « The Notwist : “Accentuer les ruptures de style, les collisions entre les références” (2014) »
Quand j’ai découvert Parklife 060, quasiment dix ans après sa sortie – c’est vous dire si je suis câblé comme disait Mitterrand -, je ne me doutais pas qu’un second numéro était au programme. C’est en interviewant Mathieu Marmillot, chef d’entrepriseS (Manson’s Child, Parklife, le label et le fanzine, entre autres) de Colmar, cette ville à mi-chemin entre Mulhouse la rebelle exhaltée et Strasbourg la belle endormie, pour la collection Papivole, qu’il m’a donné ce scoop. Continuer la lecture de « Le club du samedi soir#35 invite le fanzine Parklife »
Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine
Maria Casarès
C’est Enrique Vila-Matas, je crois, qui avait l’habitude d’écrire un court récit portant sur une ville qu’il ne connaissait pas. Il écrivait avant d’aller se rendre sur place et ensuite comparait les deux visions. C’est une belle et vieille coutume que je partage avec l’auteur barcelonais. L’intuition vient se greffer aux stéréotypes. La réalité déçoit parfois ou subjugue rarement. C’est un équilibre fragile, assez poétique, entre pensée magique et rationalité. Continuer la lecture de « Un Cœur en hiver – Anne Plantagenet, Hand Habits, Claude Sautet »
Black Country, New Road / Photo : Matilda Hill Jenkins
Au début des années 90, il aurait été impensable d’imaginer qu’un groupe comme Black Country, New Road soit signé chez Ninja Tune. La musique du septuor londonien (et non originaire des Midlands comme son nom pourrait le suggérer) est on ne peut plus éloignée des beats et des breaks hip hop qui caractérisaient le label à l’époque. On retrouve par contre dans leur premier album, For The First Time, un goût prononcé pour l’expérimentation et l’envie de s’abolir de toute frontière. Considéré jusqu’à aujourd’hui comme un excellent groupe de scène (les quelques chanceux présents au Yoyo à Paris en mars 2020 confirmeront quasi unanimement) le groupe a réussi à capturer sur disque ce sentiment de liberté, de cohésion mais aussi de cassure brutale vers l’inattendu. Vous l’aurez aisément compris, six titres de For The First Time ne dévoilent pas toute leur richesse à la première écoute. Ces longues pistes accompagnées de violon et de saxophone laissent la musique prendre le dessus sur les paroles, à l’image des dix titres sélectionnés par Lewis Evans, membre fondateur et saxophoniste du groupe, dont la culture musicale semble déjà bien affirmée malgré son jeune âge. Continuer la lecture de « Selectorama : Black Country, New Road »
Elles / ils sont des filles de, fils de – ou peut-être des cousines ou des cousins, des nièces, des neveux. Toute la journée, toute la semaine, ils subissent la musique forcément cool qu’écoutent leurs parents ou les membres de leur famille. Alors, ces ados et pré-ados sont-ils déjà condamnés à écouter ce qu’on leur impose au presque quotidien ? Pas forcément, la preuve par 16, comme en témoigne la douzième mixtape de cette série, concoctée par Anna, 9 ans.
Beige Banquet est le nouveau projet solo de Tom Brierley du groupe PKNN.
Où ?
Après avoir passé son enfance dans le West Yorkshire à Halifax, Tom a passé quelques années à vivre entre Melbourne et Londres où il officiait dans les formations Moths, Noughts et Modern Rituals. Bien qu’établie à Londres, la future formation live nous vient du nord de l’Angleterre, d’Écosse et de France.
Après trente ans de carrière, le leader de Wilco est arrivé à un point de son parcours où la vie de son foyer et celle de la scène s’enchevêtrent pour le meilleur. Depuis onze mois que le monde se trouve confiné, fragmenté dans des millions de bulles domestiques (pour ceux ayant la chance de vivre sous un toit s’entend), Jeff Tweedy, sa femme Susie et leur deux fils Sammy et Spencer se sont comme d’autres lancés dans leur propre rituel quotidien pour conjurer les angoisses et les solitudes de ce jour sans fin. Continuer la lecture de « Wilco, A Ghost Is Born (Nonesuch, 2004) »
Son C.V. parle pour lui. Peut-être un peu trop souvent à sa place. Diffuseur, à ses heures perdues, de friandises chocolatées estampillées à son nom – Farmer Dave’s Roasted Hot Nuts – spécialiste éminent de l’herboristerie chamanique – il a gagné son surnom lors de ses stages plus ou moins qualifiants dans un domaine agricole du côté d’Ojai, Californie – Dave Scher s’est surtout taillé une solide réputation de virtuose de la pedal steel en prêtant ses services d’instrumentiste à tout ce que le gotha du folk-rock et de l’indie-rock américain compte de figures marquantes. Continuer la lecture de « Farmer Dave & The Wizards Of The West – S/T (Big Potato) »
L’idée est née dans la voiture, lors d’un trajet quotidien et de la lecture aléatoire de chansons empilées dans une clé USB. Ces deux-là – celles qui ouvrent justement cette sélection – se sont succédé et j’ai tout de suite pensé à cette expression que j’ai toujours trouvée épatante : la mélancolie bleue. C’est une expression que je sais avoir utilisé plus que de raison, en particulier lors des années de 1990, à l’époque du passage de témoin entre magic mushroom et la RPM. C’est une expression qui je crois en dit long, même si en fait, on ne sait pas exactement ce qu’elle dit – ou plutôt si : juste un état d’esprit (et un état d’esprit, ça dit en fait presque tout).
Parce que c’était elle, parce que c’était lui. Cela s’impose parfois aussi simplement que l’évidence des poncifs. Il n’en faut sans doute pas davantage, en tous cas, pour identifier les sources de cette grande amitié musicale, née il y a une quinzaine d’années et qui aboutit enfin, après de multiples balbutiements infructueux, à une réussite majeure. Elaboré à quatre mains, Freeze Where U R est de ces albums dont on se plaint parfois qu’il ne s’en fasse plus. Ou plus assez. Une collection de chansons à la fois stylistiquement diverses et très cohérentes, portées par une passion commune et communicative pour un certain classicisme bien tempéré, où le respect mutuel et l’envie de s’abandonner aux envies musicales du moment l’emportent sur les pulsions nostalgiques ou rétrogrades. Continuer la lecture de « Big Pop – Brisa Roché & Fred Fortuny »
Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine
“The Servant” de Joseph Losey (1964)
C’est un rendez-vous. Il peut-être pris à l’abri des regards, dans le coin retiré d’un parc ou le long d’une petite plage de galets, abritée du vent. Mais aussi – dans un bus, dans l’intimité d’une chambre – que sais-je encore? Ce rendez-vous est une voix. Cette voix, elle m’accompagne chaque jour, elle devient un besoin. Besoin de l’entendre, de la retrouver. Continuer la lecture de « Je vous salue, Marie – Marie Richeux, The Notwist, Joseph Losey »
Découvert par ici chez Born Bad via les conseils avisés de Maxime, Borrowed Floors, le premier album de Lithics paru chez Water Wing Records en 2016 a été repressé à quatre reprises jusqu’à maintenant tellement il est excellent. Depuis, ce quatuor de Portland, ville riche en groupes, nous régale tous les deux ans d’un nouveau LP. Mating Surfaces chez Kill Your Rockstar en 2018 a été agrémenté d’une première tournée européenne, dont une date mémorable dans la cave ruisselante de la Pointe Lafayette en septembre de la même année. En 2020, en pleine pandémie, Trouble in Mind a eu la bonne idée de sortir Tower Of Age, leur dernier LP en date.
Il y a eu ce moment, que je perçois aujourd’hui comme un songe. Pearl Charles, se produisant sur la scène de l’Hotel Vegas, dans la moiteur d’une nuit texane, en août 2019. La californienne avait déjà attiré mon attention, non pour sa musique que je ne connaissais pas encore, mais pour son image : toujours joliment mise en scène sur les réseaux sociaux, cette cowgirl des temps modernes nourrissait mon rêve américain. Continuer la lecture de « Pearl Charles, Magic Mirror (Kanine Records) »
Il ne s’agit pas d’une session totalement inédite puisque Flennen, le label berlinois dont nous vous avions parlé dans un Sous Surveillance vient de poster la vidéo. Mais l’urgence et l’excellence des deux titres de Liiek nous a semblé être une évidence à partager. One / Two et Reckless, ou 4 minutes 29 de post punk du meilleur cru enregistrés à ADK à Berlin il y a quelques mois à peine, et mis en images par Julius Berger. Pas une seconde à perdre, on appuie sur play.
Retour sur ce chef d’œuvre absolu réédité en vinyle ces jours-ci.
Lorsque Selected Ambient Works 85-92paraît pour la première fois en 1992 sur le label Apollo / R&S Records, le jeune Richard D. James est déjà précédé de l’aura flatteuse du synth freak, du créateur génial et bricoleur surdoué. Repéré avec Analogue Bubblebath (Mighty Force, 1991), premier EP de la série, c’est par sa manière très personnelle de proposer une musique électronique radicale et ludique qu’il s’impose immédiatement comme l’une des figures majeures d’une scène alors en pleine effervescence. Bleep, ambient techno ou early IDM, différentes appellations pour un genre dont la mythique compilation-manifeste du label WarpArtificial Intelligence (1992) aura pu dessiner les contours : immédiatisme dancefloor et psychédélisme domestique fusionnent au sein d’une esthétique post-rave dont il s’agit d’incarner le versant le plus aventureux et expérimental. Continuer la lecture de « Aphex Twin, Selected Ambient Works 85-92 (Apollo/R&S Records) »
Marrant d’évoquer des oeuvres si minuscules (après Les Sapins de la nuit de Renz, ça va devenir une habitude), celle-ci tirée en vinyle 45t à 10 exemplaires par le label suisse bien nommé Poor. Son support, sans doute épuisé en quelques minutes, qu’en reste-t-il après le jour (l’heure) de sa sortie (jeudi dernier)? Il en reste déjà une empreinte numérique augmentée de trois inédits qui permettra à ceux à qui l’objet des Porta’s aurait échappé de se rattraper. Et surtout, une étrange vibration, celle de sa chanson titre Insupérable, néologisme (je comprends : “qui ne peut être qualifié de super”?) qui met sur la piste de la nature même de sa petite musique : impure, mutante, amateure, spontanée, elle émerge en petit comité d’un terreau familial et amical qu’on devine patient, passionné, artisanal. Continuer la lecture de « Porta’s, L’Argenté du Népal (Poor Records / Stomoxine) »
S’il est difficile d’être certain.es de quoi que ce soit par les temps qui courent, il y a tout de même une chose que nous pouvons vous assurer : en 2021, nous continuerons, chaque dernier dimanche du mois, de faire l’inventaire de nos sorties musicales préférées et de vous les partager. La playlist se serait même refait une beauté pour la nouvelle année ! Rendez-vous confirmé donc, puisque les nouveautés abondent et nous réjouissent : en voilà plus de deux heures dans cette pelletée hivernale, que nous vous invitons à écouter sur Deezer, Spotify ou Youtube, c’est comme vous préférez. C’est bon d’avoir des repères… (Coralie Gardet)
A écouter ici sur YouTube, Spotify et Deezer. Et ci-dessous en version commentée.
Photo : 5 Pointz , Queens – New York, la “Mecque” du graffiti, détruite en 2014
Le 1er Janvier 2020, en buvant le premier café de l’année, j’apprends la mort de Daniel Dumile Thompson AKA MF Doom, célèbre producteur de hip hop Anglais né en Angleterre et qui a grandi à New York. Sa discographie si riche m’a donné envie de fouiner dans mes cds et disques durs à la recherche de ce que j’ai pu écouter par période, le hip hop. De fil en aiguille, j’ajoutais des morceaux sur lesquels il a collaboré, comme le projet Madvillain, mais aussi des artistes qui ont compté dans sa carrière comme Jaylib (J Dilla et Madlib) ou Madlib en solo, la liste est non exhaustive.
Un Breton aux origines espagnoles, amoureux du Pays Basque et du ballon ovale : a priori, il y avait de fortes chances pour qu’on s’entende, Éric et moi. D’autant qu’en plus de tout cela, il y avait une certaine insouciance, un gout sûr pour le Rioja et donc, la musique. Dans l’équipe de Magic Mushroom puis parmi les quatre cofondateurs de la RPM, il tenait à merveille le rôle du taiseux : observateur plus que bonimenteur, il prenait la parole toujours à bon escient et se démarquait de nous tous par ses gouts fortement ancrés dans une certaine tradition rock – à prendre dans son sens non galvaudé – et je crois que sa sélection de photos confirme un peu cela. Continuer la lecture de « Pictures on my wall : Éric Pérez »
Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine
Hélène Frappat / Photo : Philippe Matsas
Comment ai-je connu Hélène Frappat ? Je n’arrive pas à m’en souvenir et lorsque je me rapproche de la vérité de cet instant, tout se tait – tout meurt à la lumière. Peut-être était-ce près de la Fonte Gaia, à Sienne ? Jour de pluie où le brun sale des façades me remplissait d’une immense mélancolie. Non, c’était une nuit. C’était, une nuit d’été à La Rochelle. Le parfum de la glycine, les murs blancs et les mots prononcés très bas. Je lisais Sous Réserve, petit livre violet que je trimballais dans ma poche. Je tombais amoureux d’une écriture. Continuer la lecture de « La Chanson d’Hélène – Hélène Frappat, Still Corners, Vittorio de Sica »
Sorti en fin d’année dernière, Magic Touch, le troisième album de Jack Name a surpris par sa simplicité et sa beauté. En produisant jusqu’alors des œuvres plus denses et complexes, Jack Name laissait moins transparaître sa personnalité. Avec cet album intimiste enregistré dans son appartement, il laisse entrer un peu de lumière, notamment grâce à un jeu de guitare plus subtil. Si Jack Name flirte parfois avec un rock plus classique, certaines influences se démarquent particulièrement. Celle de Serge Gainsbourg est sans doute la plus évidente, jusque dans son titre, sur I Came To Tell You (In Plain English) That I’m Leaving You. Composé sur plusieurs années, on jurerait pourtant que Magic Touch a été composé pendant le confinement tant l’album semble imprégné de solitude. La solitude ne rimant pas systématiquement avec la déprime, Magic Touch est à l’image de ce Selectorama, il alterne l’ombre et la lumière avec une classe incroyable. Continuer la lecture de « Selectorama : Jack Name »
Bobby Would, Vienne, 2020 / Photo : Félix Leblhuber
Robert Pawliczek, artiste talentueux multi-supports (arts plastiques, peinture, photographie, scuplture, installations) et musicien naviguant entre l’Autriche où il réside, et l’Allemagne où il participe à de nombreux projets musicaux variés (AUTOR, Heavy Metal, Schiach) revient avec son projet solo Bobby Would pour un deuxième album World Wide Worldà paraître chez Low Company le 29 janvier prochain. Après l’excellent et souterrain Baby sorti en 2018 et enregistré en groupe, on se souviendra aussi de leur date à la Pointe Lafayette avec Sex Sux et Jacques Grèle et les Fausses Fuites (Merci Nick), l’alter égo que Robert s’est construit pour déclarer son amour à la mélodie revient avec un album enregistré seul, que l’on pourrait assimiler à une longue balade, intégrant des éléments psychédéliques et mélodiques aux accents country, avec une voix au grain mystique qui plane au-dessus de l’ensemble. Essai transformé, donc. Sehr gut, Bobby !
Compte-rendu du documentaire sur l’affaire Ariel Pink lors de sa sortie en… 2022.
Un an après les événements du Capitole, peut-on vraiment dire que l’on connait désormais le fin mot de l’histoire ? Smoke and Mirrors (que l’on pourrait traduire par Le Miroir aux alouettes), le documentaire aux nombreux niveaux de lecture d’Alex Lee Moyer diffusé à partir de lundi 24 janvier 2022 sur Amazon Prime, s’avère être l’une des grandes mystifications postmodernes de la culture populaire, et soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses. C’est d’ailleurs là que réside sa principale qualité, au-delà de la duperie merveilleusement orchestrée à laquelle se sont livrés Ariel Rosenberg et John Maus que l’on suit pendant une année, depuis la mise en place du dispositif sous le regard de leur complice et amie réalisatrice Alex Lee Moyer.
Il y a plusieurs manières de raconter cette histoire. Différentes façons aussi de lire le titre de cette édition intégrale, publiée il y a quelques mois, d’une œuvre intermittente et méconnue, dont les fragments ont été dispersés sur trois décennies. La plus simple et la plus évidente consisterait à accentuer tout bonnement le possessif. MY Song. Comme s’il ne devait n’en rester qu’une seule, la plus connue, dont il s’agirait de revendiquer ici la paternité. Il est vrai qu’avant de plonger dans ces neuf albums et de s’abandonner au plaisir de la découverte, c’est à peu près la seule dont on connaissait l’existence. Pour le grand public anglo-saxon, Labi Siffre demeure l’auteur d’un seul et unique tube dont il n’a même pas interprété la version la plus populaire. Continuer la lecture de « Labi Siffre, My Song (Edsel) »
Quelques temps se sont passés depuis la sortie de leur dernier album Between Us chez Gravity Music, mais les Young Like Old Men ne sont pas restés à se tourner les pouces. Histoire de patienter avant un nouvel EP qui devrait pointer le bout de son nez dans les prochains mois, le groupe parisien (composé de Nicolas Pommé, vu chez Pop Crimes et Guillaume Siracusa, moitié de Special Friend dont on attend le premier LP) en a également profité pour se rappeler à notre bon souvenir avec ce Don’t Want To de belle facture, toutes guitares dehors, toujours à la croisée des chemins shoegaze / indie / garage. Mis en images par leur batteur Pablo Valero qui a tourné du côté du Lac Baïkal en Russie, puis s’est enfermé à Bagnolet pour fignoler les éléments en stop motion, il nous rappelle ô combien nous sommes pressés de revoir sur scène cette poignée de groupes franciliens que nous aimons tant.
Revenu du diable vauvert, Damien Mingus était un très proche du label Clapping Music, galaxie noire implosée il y a quelques années qui irrigue encore les musiques d’ici. Sous son masque de My Jazzy Child, il explore une musique de marges en se tenant toujours sur un fil sans jamais vouloir tomber définitivement dans une cuve étiquetée : ni pop, ni prog, ni bruitiste, ni folk, ni savant, il est trop curieux pour s’encombrer de certitudes, et aime les surprises. Continuer la lecture de « My Jazzy Child, Innéisme (Akuphone) »
On profite de la sortie de son intégrale en solo, plusieurs déclinaisons de ce coffret mastodonte sont à découvrir içi, pour vous ressortir de nos archives un blind test soumis à l’infatigable Bob Mould datant de 2014. À l’époque, cette véritable institution du rock américain, vient de sortir son deuxième album en deux ans. Après l’éclat irisé de Silver Age (2012), Beauty And Ruin confirmait la verdeur éternelle de ce pionnier du bruit. Verdeur qui ne s’est pas démentie par la suite puisque de Patch The Sky(2016) au tonitruant Blue Hearts paru l’an dernier en prélude aux élections américaines, aucune baisse de régime n’est à constater. À l’épreuve du blind test qu’il craignait un peu, confessant pince sans rire : « I know nothing about music », nous lui avions soumis cinq de ses influences avouées, puis cinq groupes sur lesquels son influence était patente. Affable, charmante et ouverte malgré la légère appréhension du début, la conversation lui a permis de revenir sur plus de trente ans de carrière et plus particulièrement sur ses débuts au sein du mythe fondateur Hüsker Dü. Humble, généreux et volontiers jovial, Bob Mould était déjà l’un de mes héros, il reste l’un de mes meilleurs souvenirs d’interview ever. Il ne faudrait jamais rencontrer ses idoles dit-on. On dit souvent n’importe quoi. Continuer la lecture de « Blindtest : Bob Mould »
Phil Spector et Veronica Bennett, alias Ronnie Spector
Une compilation anglaise parue en 1968, The Phil Spector Sound, avait pour autre intitulé Basic History Of Modern Pop. On ne saurait mieux ni plus simplement résumer l’apport et le génie d’Harvey Phillip Spector ce petit (1 mètre 65 sans les talonnettes) juif new-yorkais né le jour de la Saint Étienne en cette première année de la deuxième guerre mondiale. Être (in)humain frappadingue, alcoolique (Manishevitz et Cognac) paranoïaque (menaçant de mort sa compagne Ronnie Spector si elle le quittait), violent, fasciné par les armes (dont il menaçait régulièrement ses poulains, des Ramones à Leonard Cohen) et finalement féminicide, condamné en 2009 pour le meurtre de l’actrice Lana Clarkson, mort en prison où il côtoyait dit-on Charles Manson, qui n’en avait lui aucun, de génie. Continuer la lecture de « Le club du samedi soir #32 : He Had The Whole World In His Hand – Phil Spector (1939/2021) »
Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine
Fedora de Billy Wilder (1978)
C’est un arbre. Un chêne. Un vieux chêne qui porte de vieilles coupes sur son écorce. Il est beau, simplement là, depuis 1793. Il se nomme : arbre de la liberté. Sa résistance à être présent, je la trouve bouleversante. J’imagine la répétition des jours, des mois et des saisons. Ici, rien ne change véritablement. La bruyère incruste sa beauté entre les ardoises, au loin sur les routes un boucan de fleurs résonne à chaque rond-point. C’est marée haute et le sel dépose sa patine sur les vitres. Continuer la lecture de « À voix nue – Jean-Philippe Toussaint, Frida Hyvonen, Billy Wilder »
En deux jours, un texte sur chaque chanson du nouvel album de Chevalrex, “Providence” (Vietnam)
Désirade, tu as surgi dans cette vie pesante, et voilà que mon cœur m’a semblé – comme par magie – si léger. Tu m’as amené haut, très haut, comme rarement je l’ai été. Rien que d’écrire ton nom – Désirade –, rien que de le dire – Désirade –, et voilà que je sens que les possibilités d’une vie plus humaine sont à ma portée. Qu’est-ce que je te trouve belle Désirade. Il y a cette voix, si douce, si empreinte de sensibilité qui chante ces paroles – ambiguës –, ces paroles qui questionnent et se répondent. Continuer la lecture de « 12. Désirade »
En deux jours, un texte sur chaque chanson du nouvel album de Chevalrex, “Providence” (Vietnam)
« Cow-boy retire ton chapeau oh-oh-oh » entonne quelque part un Rémy Poncet hâbleur à l’oreille du taciturne Stéphane “Thousand” Milochevitch. C’est l’une des répliques d’Une Rose est une rose, tir croisé jubilatoire, insolente pleine lucarne et climax (anti) romantique de cette nouvelle collection de chansons. Continuer la lecture de « 11. Mauvais Départ »
En deux jours, un texte sur chaque chanson du nouvel album de Chevalrex, “Providence” (Vietnam)
Pépite de deux minutes et vingt secondes lovée dans le dernier quart de l’album de Chevalrex, cette petite chose qui galope, manches de guitares au vent, vaut bien sûr par l’apparition surprise de Thousand – il faudrait redire « cette voix ! » à chacune de ses sorties – éloigné de son univers crypté et cabossé (Le tunnel végétalen 2019, et Au paradis, l’année dernière). La confrontation amicale qui en résulte installe Stéphane Milochevitch dans une sorte d’ouate accueillante dans laquelle il va fredonner et échanger avec la voix tendre du propriétaire des lieux, Rémi Poncet, une sorte de buddy movie de poche. Continuer la lecture de « 10. Une rose est une rose (feat. Thousand) »
En deux jours, un texte sur chaque chanson du nouvel album de Chevalrex, “Providence” (Vietnam)
Avec moi, c’est toujours la même histoire. Enfin presque. C’est presque toujours la même histoire, donc. Tout commence par des images. Des images que suscitent la chanson, les arrangements, le tempo, quelques mots qui s’échappent du texte. Et il n’a pas fallu beaucoup de temps pour qu’ici, elles se bousculent… Alors, c’est une photo magnifique de Bruce Davidson, ce couple de Brooklyn réuni autour d’un distributeur de cigarettes ; c’est le bar tenu par Tom Waits dans Rumble Fish, au moment même où l’on comprend que Smokey a piqué Patty à Rusty ; c’est bizarrement plus l’Amérique d’Eggleston que la France de Doisneau – les couleurs comme pastel qui l’emportent –, mais c’est plus logiquement la fête du Grand Meaulnes qu’une de celles organisée par Gatsby… Continuer la lecture de « 09. Dis À Ton Mec »
Artwork : François Dejoie / Photographie : Aurore Bagarry / Traduction obi : Kumi – solo – Okamoto
Je me souviens de la première fois que j’ai écouté une chanson de Joseph Sainderichin. C’était à l’occasion du premier et (pour l’instant) unique concert organisé par Section 26. Le jeune homme, sous le nom de Suoni Sognati, avait pour délicate mission d’assurer la première partie d’une performance mémorable de Jorge Elbrecht au Zorba. Dans la chaleur caniculaire de ce mois de juin 2019 à peine tempérée par la moiteur de la cave dans laquelle il s’est produit, il me reste le souvenir diffus d’une adaptation de La Ballade des dames du temps jadis de François Villon, et surtout d’un univers et d’un courage singuliers. Pour résumer les enjeux, on sentait davantage d’aspirations poétiques qu’un désir de coolitude, ce qui est forcément bon signe. Depuis, le même Joseph, toujours seul mais désormais derrière le nom d’Amour Courtois, ne cesse de m’impressionner.
En deux jours, un texte sur chaque chanson du nouvel album de Chevalrex, “Providence” (Vietnam)
C’est une « ghost track » qui porterait bien son nom, mais qu’on n’aurait pas voulu reléguer en dernière place dans un jeu un peu artificiel avec l’auditeur. Ophélie est un morceau caché qui ne se cache pas, que Chevalrex expose comme une cicatrice. Une chanson fantôme de fantôme (« Sans Ophélie quel est mon nom ? »). La guitare classique y entre dans l’espace comme des musiciens qui se tiendraient hors champ d’un plan-séquence au milieu d’une clairière (où l’on entend les oiseaux, le vent, la rivière). Continuer la lecture de « 05. Ophélie / 06. Ophélie suite »
En deux jours, un texte sur chaque chanson du nouvel album de Chevalrex, “Providence” (Vietnam)
On avait pu s’échapper, quelques décennies en arrière, sous les océans, mobiles dans le mobile, et vous pouvez me voir venir, par cette guitare slide, sorte d’écho qui annonce la même ampleur : d’une Affaire à un Cheval, on rencontre toujours la chanson comme on rencontre un toit où se chauffer. Mais chez de tels amis, la terre est-elle si morte alentour ? Autre question : d’où vient ce frisson qui pousse spontanément à s’abriter dans l’un de ces grooves de milieu de tempo ? Continuer la lecture de « 04. La Tombe de Jim »
En deux jours, un texte sur chaque chanson du nouvel album de Chevalrex, “Providence” (Vietnam)
Ça te cogne comme on n’ose pas, le rythme, ça s’assouplit avec la voix qui sait, les mots qui savent, puis la guitare de science, puis déjà le refrain, à peine, sans peine. Ce n’est pas un tube, ni un rouleau, ni ce genre d’engin, c’est d’un autre genre, celui de la chanson aux contours internes plutôt qu’externes, qui tremblent en dedans plutôt qu’ils n’arrêtent en dehors, ce genre de contours. Continuer la lecture de « 03. Tant de fois »
En deux jours, un texte sur chaque chanson du nouvel album de Chevalrex, “Providence” (Vietnam)
C’est depuis mon lit, avec 38.4° de fièvre, que j’écris ce texte sur Providence, neuf mois après avoir terminé le mix de l’album. Je n’avais encore jamais expérimenté un tel délai entre la finalisation d’un disque et sa sortie. Il y a eu de l’impatience par moment mais je dois dire aujourd’hui que cette période a été bienvenue. Après avoir passé des mois à travailler sur l’album entre 2019 et début 2020, à guetter la lumière, rayer des quantités invraisemblables de phrases, de mots dans mes carnets, je crois que sortir le disque plus tôt ne m’aurait pas permis d’avoir les idées aussi claires sur ce qui le constitue intimement. Continuer la lecture de « 02. Providence »
En deux jours, un texte sur chaque chanson du nouvel album de Chevalrex, “Providence” (Vietnam)
C’est le début. Le début de la nuit ou le début du jour. Le début de l’histoire et le début du disque. C’est le début et rien n’a encore été dit, rien n’a encore pris forme. Tout est calme, le temps prend son temps et l’air réchauffe les corps. Au loin, on entend le bruit d’une sirène. Un chant, une prophétie, une voix nouvelle. Continuer la lecture de « 01. Au Crépuscule »
Le paradoxe du songwriter vaut bien celui du comédien. Il y a ceux qui cherchent à restituer au plus proche l’illusion de l’intimité, qui jouent le jeu du dévoilement privé pour mieux laisser croire à chaque auditeur qu’il partage, le temps d’une chanson, un peu d’un secret singulier et authentique. L’art sans artifice en quelque sorte. Daniel Knox n’est décidément pas de ceux-là. Pour son cinquième album en un peu moins de quinze ans, il demeure profondément ancré dans le camp du subterfuge où se regroupent tous ceux qui semblent persuader que l’émotion juste ne se conquiert qu’au terme d’un labeur spécifique qui engage une part de dissimulation, de transfiguration et de mise en forme. La vérité la plus crue révélée grâce aux masques. Continuer la lecture de « Daniel Knox, Won’t You Take Me With You (H. P. Johnson Presents) »
Ever Fallen In Love? des Buzzcocks est le genre de chanson si mémorable que l’on en oublierait presque que le groupe n’était pas seulement l’aventure d’une nuit. Pendant des années, il était mal vu de la passer aux platines dans les bars, tant elle était jouée. Aujourd’hui, cette affirmation serait, somme toute, plus difficile à défendre. Le rock (et ses tubes) n’est plus cette forteresse imprenable qu’il faut contester. Au contraire, affirmons ses évidences et son souffle à travers l’actualité et ses classiques. Singles Going Steady (1979) fait incontestablement partie de cette seconde catégorie. Certains en seraient peinés pour les Buzzcocks. Pas tant à cause du caractère culte de la chose, mais de la nature scolaire derrière l’idée de classique. La lecture du passé selon un schéma établi se prête bien mal à la nature contestataire du punk. Continuer la lecture de « Buzzcocks, Singles Going Steady (IRS/UA, 1979) »
“Vous êtes plus penchés que nous, vous êtes trop lourds parce que vous êtes penchés, et vous êtes penchés donc vous tombez dans la boue”
Quand Antoine m’a proposé d’écouter ce disque longtemps avant sa sortie (repoussée plusieurs fois, dans l’espoir de le voir s’accomplir sur scène j’imagine), j’y ai d’abord décelé, au doigt mouillé et à vue de nez, une approche assez simple, folk(lorique) et expé. Puis j’y ai décelé des pistes pour l’avenir des musiques vivantes, peu ou prou. Car ce disque bicéphale, une face Bégayer, une face Antoine Loyer & Mégalodons malades, fait écho à une tribune récente de Vincent Moon qui m’avait passionné. Après avoir fait le tour du monde des musiques, disons de transes pour aller vite, celui-ci détaillait son nouveau projet sur le territoire ; le bien nommé Territoires, justement. Continuer la lecture de « Antoine Loyer & Mégalodons malades / Bégayer, Sauce chien et la guitare au poireau (Gluck, Le Saule) »
Tauba Auerbach, How to Spell the Alphabet, 2005. Source : Letterform archive
Nous voilà arrivés au 16 janvier de cette nouvelle année 2021 à peine démarrée et tout semble déjà désordonné. Il était difficile d’imaginer, même depuis des temps récents, que le monde puisse être capable de tourner tant à l’envers ! À échelle individuelle, peu de remèdes efficaces face à la crise, si ce n’est sans doute de tenter de reprendre les choses dans l’ordre pour voir ce qui nous avait peut-être échappé. Au jeu du langage humain, et d’où qu’il vienne géographiquement, l’ordre alphabétique forme cette petite musique fondamentale que nous connaissons depuis l’enfance et qui a bâti notre esprit. Lettres sacrées, inconnues mathématiques, prétextes acrostiches : qu’importent leurs formes et leur sens, ces signes ensemble illuminent le monde de notre pensée. Et à défaut de le guérir ou de le tordre dans un sens ou un autre, chérissons-le dans sa forme et dans son cœur tout simplement. Quelques titres donc, piochés ça et là dans ma mémoire typographique, en clin d’œil à tous ceux qui, comme moi, adorent les alphabets.
Rencontre avec le guitariste de Big Thief pour la sortie de son second album solo.
Buck Meek / Photo : Adrianne Lenker
Reconnaître. On a quelques nuages devant soi, l’arrière du crâne doucement enfoncé dans la pelouse, et on reconnaît. Si l’on a devant soi des nuages, on peut reconnaître des formes. Ou les laisser venir sans les associer à quoi que ce soit, et les apprécier tout aussi tranquillement, apparitions, disparitions. Si l’on a dans les oreilles un nouveau disque – je pense souvent au plafond de ma chambre, à l’encadrement de la fenêtre et au ciel bleu de l’été tandis que je découvrais et reconnaissais infiniment Washing Machine l’été d’après sa sortie, interdit par l’émotion, c’était mon premier –, on peut y reconnaître ou non des formes. Continuer la lecture de « Buck Meek : “L’enregistrement a été une guérison” »
Outdoor ceremony at the church, ca. 1900 / Photo : Charles R. Pratsch
On avait peu de nouvelles depuis ce qui paraissait des lustres de l’ami Pain-Noir, une grande chanson, des échos de déménagements, quelques mots de chaleur lors du premier confinement, ce moment que des majorités silencieuses ont dédié, comme souvent le font les majorités silencieuses, à la fraternité.
On a le droit d’aimer ces silences-là, apparents, calmes. Ça va bien avec l’idée que je me fais de Pain-Noir, peu de bruit et peu de fureur, mais des chansons qui de loin en loin, quand on s’y attend le moins, vous explosent en plein cœur.
” Si j’avais choisi mes chansons préférées de tous les temps, j’aurais certainement choisi Elvis Costello, Tom Petty et les Beatles. Mais ça aurait été un peu trop évident : tu me connais déjà. “ C’est vrai qu’on a fini par se connaître un peu, avec Andrew Taylor. De loin en loin, on cause même parfois, à l’occasion. Et puis surtout, il a fini par comprendre – sa modestie naturelle dût-elle en souffrir – que j’entretiens un rapport de plus en plus obsessionnel avec ses chansons. Mélodiques et harmonieuses, simples et belles. Au fil des ans, il s’est même créé comme un équilibre bienheureux entre ma compulsion croissante et sa productivité de plus en plus impressionnante. Continuer la lecture de « Selectorama : Andrew Taylor (Dropkick) »
Il n’aura pas fallu bien longtemps pour le dénicher – l’oubli malencontreux, l’omission impardonnable, la boulette du palmarès. L’année 2020 s’achève à peine et mon album préféré vient tout juste de me parvenir. Les circonstances atténuent quelque peu, il est vrai, l’ampleur de la faute. Il est peu fréquent, en effet, dans une ère d’accessibilité universelle et instantanée qu’un album – publié de surcroît sous un label prestigieux et majeur – demeure aussi difficilement accessible : une sortie annoncée en fin d’été, une ou deux vidéos alléchantes diffusées en marge de toute opération de promotion repérable, quelques exemplaires vendus à la sauvette sur le seul site de l’artiste et… et c’est à peu près tout. A se demander si l’œuvre entraperçue est bien réelle. Heureusement, l’assouvissement d’un désir stimulé par ces quelques longs mois d’attente ne s’accompagne, en l’occurrence, d’aucune déception. Au contraire. Quand bien même aurait-on tenté d’imaginer plus bel album qu’on n’y serait sans doute pas parvenu. Continuer la lecture de « Joe Wong, Nite Creatures (Decca) »
Retour sur la frontgirl des Fat Tulips avec les souvenirs de son ami et batteur du groupe, Matt Johnson.
Sheggi / Photo : Alison Wonderland via Damaged Goods Records facebook page
En novembre dernier, nous apprenions la disparition de Sheggi (de son vrai nom Katy Clarkson), guitariste et chanteuse des Fat Tulips. Comme Alex Taylor des Shop Assistants – également décédée cette année -, Frances McKee des Vaselines ou encore Amelia Fletcher de Talulah Gosh et Heavenly, Sheggi faisait partie de ces frontgirls iconiques des années 1980-1990 qui ont incarné la quintessence d’un certain type d’indie pop conjuguant l’amour des mélodies acidulées, des rythmiques souvent rapides et des parties de guitare énergiques. Continuer la lecture de « Sheggi forever »
Détesté ou adoré, tout le monde, ou presque, a son avis sur Aja(1977) de Steely Dan. Disque par excellence pour tester sa chaîne hi-fi haut de gamme, l’album synthétise son époque, dans ses excès, ses folies mais aussi sa grandeur. Il marque le zénith d’une approche perfectionniste jusqu’à la maniaquerie du studio, devenu principal médium d’expression pour Walter Becker et Donald Fagen. Aja de Steely Dan est, en effet, aux années soixante-dix ce que Pet Sounds des Beach Boys est à la décennie précédente : un remarquable concentré de savoir-faire condensé en moins de quarante minutes par des musiciens aussi doués qu’obsédés. Continuer la lecture de « Steely Dan, Aja (1977, ABC) »
“Comment décrire ce qui ne nous est jamais apparu ?”
Il est des disques – L’inattingible est sorti l’hiver dernier, une éternité – qui mettent du temps à se révéler, auxquels on s’accroche sans trop savoir pourquoi, puis qui tombent comme une évidence quand on pense à nos satanés bilans de l’année. Il est des disques qui ne se présentent pas avec le mode d’emploi, qui ne sont pas là pour vous prendre par la main. Ou plutôt si, pour vous amener en pleine forêt et vous y abandonner, comme un Petit Poucet, privé de cailloux et d’encyclopédie du rock. L’inattingible est de ceux-là, et si comme moi, votre vocabulaire est légèrement allergique aux termes à la mode, genre sorcière, il va falloir creuser un peu pour décrire ce qui vous met en joie en cette fin d’année magnifique par la densité en propositions musicales d’ici hors du commun. Continuer la lecture de « Delphine Dora, L’inattingible (Three:Four) »