Catégories billet d’humeurÉtiquettes ,

Le don du disque

Photo : Nicolas Kssis-Martov
Photo : Nicolas Kssis-Martov

Question sacrilège, peut-on donner ses disques ? Ou plutôt les vinyles que nous avons offerts n’ont-ils finalement pas autant d’importance, voire davantage, y compris dans notre collection, que ceux qui passent encore sur notre MK II ? Certes, arriver à un certain âge ou un âge certain, les 33 tours alignés bien serrés dans les étagères Kallax blanches racontent forcément nos vies. Nous sommes de ces égarés qui n’ont pas réussi à marcher droit sans ces béquilles grésillant sous le diamant de la tête de lecture. Le véritable collectionneur ne devrait pouvoir s’en séparer pour rien au monde. Continuer la lecture de « Le don du disque »

Catégories billet d’humeurÉtiquettes , , , ,

Flotter, vibrer, aimer

Le dernier album de Billie Eilish vu par un père et sa fille.

Billie Eilish
Billie Eilish / Photo : William Drumm

Quand je t’ai demandé ce que tu avais pensé de Hit Me Hard And Soft de Billie Eilish, la première chose que tu m’as dite était que cet album vibrait dans ton corps et puis ensuite, il y a eu ces mots, très beaux, très simples : « des mélodies qui restent dans ma tête et des paroles qui résonnent dans mon esprit ». J’ai appris avec le temps, que personne n’écoute les disques de la même façon, que l’on en a tous des visions différentes. Alors moi aussi, je l’ai écouté, ce disque, dans le désordre, pas toi mais dès la première écoute, nos impressions sont les mêmes : être face à quelque chose de familier mais aussi de totalement nouveau. Continuer la lecture de « Flotter, vibrer, aimer »

Catégories billet d’humeurÉtiquettes , , ,

Trente ans dans la vie d’une femme.

Au moment de la sortie du nouvel album de Beth Gibbons, Lisa Balavoine retrace le chemin qui la relie à elle.

Beth Gibbons, Lives Outgrown (Domino, 2024)
Pochette de l’album de Beth Gibbons, Lives Outgrown (Domino, 2024)

Il y a trente ans, je tombais amoureuse d’une femme. Je tombais amoureuse d’une voix, d’un timbre, d’un souffle, d’un murmure. Je tombais amoureuse d’une façon de se tenir debout, de s’arrimer au micro, de fermer les yeux, de porter un carré long, un jean noir et un tee-shirt noir aussi. Je tombais amoureuse d’une élégance rare, d’un phrasé singulier, d’une délicate modestie. Je tombais amoureuse de Beth Gibbons. Continuer la lecture de « Trente ans dans la vie d’une femme. »

Catégories billet d’humeurÉtiquettes , , ,

Annie Ernaux : « On ne sort pas du désir dans la chanson »

Pour l’écrivaine Prix Nobel, qui présente une exposition photo à la MEP à Paris, la musique est supérieure à l’écriture, elle offre de tout revivre à l’infini.

La femme au gant par Dolorès Marat (Collection MEP)
Détail de « La femme au gant » par Dolorès Marat (Collection MEP, Paris)

« Je suis traversée par les gens, leur existence, comme une putain ».

Cette phrase, essentielle dans l’œuvre d’Annie Ernaux, est extraite du Journal du dehors (Gallimard), texte plutôt que roman, collecte de moments glanés dans les transports en commun, les supermarchés, les rues d’une ville nouvelle, Cergy-Pontoise, et publié en 1993.

C’est à partir de ce texte qu’est née l’exposition Extérieurs, que propose la MEP jusqu’au 26 mai 2024. Constituée de photographies extraites de la collection de cette maison sélectionnées par Lou Stoppard, le parcours proposé au premier étage met en relation des extraits du Journal du dehors, occupant parfois un pan entier de murs comme le ferait une œuvre plastique, et des photographies en couleur ou en noir et blanc qui n’illustrent pas les textes, mais les complètent, les questionnent, les reflètent. Continuer la lecture de « Annie Ernaux : « On ne sort pas du désir dans la chanson » »

Catégories billet d’humeurÉtiquettes , , ,

Bérurier Noir : Salut à toi la BNF

Tambour de mastO décoré par l’artiste Muzo. Fonds / Collection Heuer, Tomas (a.k.a mastO) © Élie Ludwig / BnF
Tambour de mastO décoré par l’artiste Muzo. Fonds / Collection Heuer, Tomas (a.k.a mastO) © Élie Ludwig / BnF

Les archives de deux des principaux membres de Bérurier Noir sont désormais à la BNF. Une expo en propose un petit aperçu. Celui d’une époque et du rock alternatif. Un enterrement ou héritage ?

La musique populaire, et surtout le punk , peuvent-ils rentrer dans le patrimoine de la nation ? Évidemment, d’une simple perspective chronologique (celle des cheveux blancs et des lunettes de vue), le temps de l’histoire, et de la mémoire collective, semble venue. Cependant, peut-on aborder les squats et les labels indépendants (Bondage Records, fondé au passage, entre autre, par le futur Kid Loco), comme Marc Bloch dressa le portrait complexe de ses rois thaumaturges. Ou au contraire finalement une telle entreprise s’impose désormais. Il faut après tout autant avoir lu Notre Jeunesse de Péguy que compiler la presse de l’époque pour appréhender l’impact de l’affaire Dreyfus. Alors nous savons, surtout pour ceux qui n’ont pas été de cette génération qui débarqua dans les années 80 en fuyant le rock giscardien de Téléphone, que la seule écoute sur Deezer de Macadam Massacre ne suffira pas… Continuer la lecture de « Bérurier Noir : Salut à toi la BNF »

Catégories billet d’humeurÉtiquettes , ,

Chère Madame Del Rey,

Chère Madame Del Rey,

Comment allez-vous ?
Nous espérons que la douceur californienne vous a permis de savourer des fêtes de fin d’année plastiques, les auréoles californiennes de rigueur, plages et montagnes, océans et continents, autoroutes et voisinages à perte de vue, à perte de soi. Nous espérons aussi que l’accordeur a pu passer pour le piano, que la gazinière fonctionne de nouveau et que, malgré les événements, effusions et autres tempêtes qui ne manquent jamais d’animer la fin de décembre, vous avez pu vous asseoir un peu, chaque jour, pour coller de nouveaux mots à d’autres, de nouvelles mélodies à d’autres, cet art qui vous est unique, et que vous continuez de vouloir le partager avec le monde, les autres mondes que le vôtre, à la faveur d’éventuels albums. Continuer la lecture de « Chère Madame Del Rey, »

Catégories billet d’humeurÉtiquettes , , , , , ,

Hit The North(ern soul)

La Northern Soul fête ses cinquante ans

Les danseurs du Wigan

50 ans. La Northern soul a 50 ans, plus jeune que moi, la saleté. Ce courant musical, ou plutôt cet état d’esprit bâti sur un empilement de 45 tours de raretés soul des années 1960, resta longtemps en France un clin d’œil élitiste entre ex-mods et ceux qui prenaient la peine de lire les crédits des morceaux de The Jam ou de Soft Cell. À en croire la BBC, “Le Wigan Casino a organisé sa première nuit blanche de Northern Soul le 23 septembre 1973. (…) Pendant huit ans, le club a été l’épicentre d’une sous-culture musicale improbable. Ces chansons soul à haute énergie – dont la plupart avaient été enregistrées par des artistes noirs américains, mais avaient échoué lors de leur sortie originale dans les années 1960 – ont été redécouvertes par des DJ à Wigan, Stoke et Blackpool. Ils ont fédéré une large base de fans anglais enthousiastes, qui ont développé leur propre danse très athlétique”.

Continuer la lecture de « Hit The North(ern soul) »

Catégories billet d’humeur, track-by-trackÉtiquettes , , , , ,

« Javelin » de Sufjan Stevens écouté par Stéphane Auzenet (The Reed Conservation Society)

« Mon amour est une arme jetée dans l’oubli de ton corps. »

Cet album de Sufjan Stevens est à écouter comme un recueil épistolaire. Des lettres d’amour mises en musique. Une histoire au long cours. L’amour de Sufjan ? Un amour perdu ? Disparu ? On a su il y a quelques jours que Sufjan dédiait ce disque à son compagnon décédé. Et le disque prend une autre tournure. Plus profonde, plus intense. La musique et surtout les paroles prennent un sens particulier. Il nous avait habitué avec Carrie and Lowell, 2015 à se livrer complètement. De manière somptueuse. On vit un peu plus à chaque nouveau disque la vie de Sufjan. Depuis toujours, avec lui, il nous invite à incarner ses émotions. Javelin, ou le javelot de l’amour ? Sufjan : Cupidon de la pop ? Continuer la lecture de « « Javelin » de Sufjan Stevens écouté par Stéphane Auzenet (The Reed Conservation Society) »