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Michael Hiscock / The Gentle Spring : « J’ai appris le pouvoir de la chanson en vivant en France »

The Lilac Time / Photo : Philippe Dufour
The Lilac Time / Photo : Philippe Dufour

On ne peut pas donner tort à cent pour cent à Malraux lorsqu’il affirmait que “à force de déterrer le passé, on finit par enterrer le présent”. Mais ce serait négliger la beauté de l’intemporel au sens large. A sans cesse vouloir innover, se démarquer, on prend le risque d’oublier le principal, la cohérence et la qualité. Qui n’a pas été déçu par la réécoute d’albums adorés il y dix ans qui sonnent affreusement datés ? On sait dès la première écoute que Looking Back At The World, le premier album du trio The Gentle Spring ne tombera pas dans cet écueil. Avec une guitare, une basse et un synthé, les mélodies et les textes de l’ex Field Mice Michael Hiscock et d’Emilie Guillaumot vont à l’essentiel. La combinaison d’une musique minimaliste où les moments de silence sont parfois aussi importants qu’un subtil changement d’accord et de textes/mini scènes de vie dans lesquels tout le monde se reconnaîtra, font de Looking Back At The World un disque qui va nous accompagner pendant un long moment. Trente-quatre ans après le dernier album des Field Mice, groupe initialement formé en duo avec Bobby Wratten, Michael Hiscock nous prouve qu’il sait encore s’entourer de gens talentueux pour produire une musique qui n’a rien à envier au passé. Continuer la lecture de « Michael Hiscock / The Gentle Spring : « J’ai appris le pouvoir de la chanson en vivant en France » »

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Selectorama : Marquis de Coco Nut (Les Lolitas)

Coco Nut & Françoise Cactus, 1986 / Photo : Christian Schulz
Coco Nut & Françoise Cactus, 1986 / Photo : Christian Schulz

Lorsqu’il a eu 18 ans dans les années 1980, Coco Neubauer – plus connu sous le surnom de Marquis de Coco Nut -, a été pris d’une folle envie de quitter Paris pour aller chercher l’aventure à Berlin, galvanisé par ses idoles musicales. Son envie ? Créer un groupe au plus tôt et se vouer corps et âme au rock and roll. L’histoire est à peine croyable mais en 1981, au bout de seulement une semaine dans la capitale allemande, il rencontre la formidable Françoise Cactus – très regrettée frontgirl des magnifiques Stereo Total, disparue en 2017 -, avec laquelle il formera bientôt les Lolitas. Entre 1986 et 1992, ils sortiront pas moins de 7 albums, notamment sur les labels allemands What’s so Funny About… et Vielklang ainsi qu’une palanquée de singles et EPs dont certains, comme le 45 tours comprenant l’excellente Touche Moi, sont sortis sur le label français New Rose mené par Patrick Mathé et Louis Thévenon, les transformant en camarades de label de Johnny Thunders et des New York Dolls ! Un de leur album – Fusée d’amour (1989) – sera même produit par Alex Chilton ! L’exil berlinois aura été salutaire… Le Marquis de Coco Nut vivra plus tard 8 ans en Guadeloupe et ne cessera de sillonner les États-Unis, de Memphis à la Nouvelle-Orléans. Continuer la lecture de « Selectorama : Marquis de Coco Nut (Les Lolitas) »

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Heimat, cabale art brut

Heimat / Photo : Julie Hascoet
Heimat / Photo : Julie Hascoet

Cirque Electrique à Paris, avril 2019. Trois ans après la sortie de leur splendide album éponyme, le duo formé par Armelle Oberlé (The Dreams, Badaboom, Le Renard) et Olivier Demeaux (Cheveu, Accident du Travail) ont su faire remuer les guiboles les plus raides et mettre tout le monde d’accord à base de morceaux hypnotiques et lancinants. Un duo qui prend son temps : jusqu’à maintenant, ils ont livré un album tous les trois à cinq ans, juste l’intervalle idéal pour les écouter aussi religieusement qu’il se doit. Déjà culte dans les scènes souterraines, Heimat convoque ensuite le gratin des musiques incongrues et électroniques (Sonic Boom ou Tolouse Low Trax) pour revisiter leurs deux premiers albums. Iti Eta No sera donc leur troisième long format, dont trois titres sont en écoute depuis quelques semaines, pour notre plus grande joie. Toujours mécanique, aventureuse et brute, leur musique est magnifiée par le lyrisme, la singularité du chant ensorcelé et germanique d’Armelle. Waldi, clip réalisé par la talentueuse Iris Chassaigne (réalisatrice du long Le Ravissement en 2023), mélange déambulations circassiennes en milieu rural, désolation et sonorités martiales.

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Alex Pester, Bedroom Songs (autoproduit)

« Il n’est pas de jouissance plus attrayante, selon moi, que de suivre ses idées à la piste, comme le chasseur poursuit le gibier, sans affecter de tenir aucune route. Aussi, lorsque je voyage dans ma chambre, je parcours rarement une ligne droite : je vais de ma table vers un tableau qui est placé dans un coin ; de là je pars obliquement pour aller à la porte ; mais, quoique en partant mon intention soit bien de m’y rendre, si je rencontre mon fauteuil en chemin, je ne fais pas de façon, et je m’y arrange tout de suite (…) Et quel plaisir encore d’oublier ses livres et ses plumes pour tisonner son feu, en se livrant à quelque douce méditation, ou en arrangeant quelques rimes pour égayer ses amis ! Les heures glissent alors sur vous, et tombent en silence dans l’éternité,
sans vous faire sentir leur triste passage. »

Xavier De Maistre, Voyage autour de ma chambre (1794)

« There’s a world where I can go / And tell my secrets to / In my room. »
Brian Wilson (1963)

On s’en était douté dès la première rencontre, en 2021 : Alex Pester dispose d’un talent et d’une inspiration radicalement incompatibles avec les dispositifs de mises en pause ou de court-circuit qu’imposent les rythmes communs et rationnels de l’industrie musicale – ou de ce qu’il en reste. Né sans le moindre interrupteur intégré, le jeune songwriter britannique a publié l’équivalent de sept albums en cinq ans, dont trois au cours des douze derniers mois. Continuer la lecture de « Alex Pester, Bedroom Songs (autoproduit) »

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The Lilac Time, Astronauts Deluxe (rééd. Needle Mythology / Creation, 1991)

NDLR : Quand on aime, on ne compte pas, après celui de la semaine passée, voici un second point de vue sur la réédition du quatrième album des anglais.

Ce qui est bien ici, c’est que je peux radoter les quelques anecdotes sans fin, toujours les mêmes, parce qu’on est quand même dans une grande machine à oubli et qu’il vaut mieux se répéter quarante fois si nécessaire.

J’ai effectué quatre voyages à Londres entre 12 et 22 ans. Pas de quoi écrire des volumes de souvenirs, même si le premier, quand j’étais en 5e, était placé sous le signe de Musical Youth, dont la famille qui m’accueillait semblait épris, puisqu’elle n’écoutait que ça quand on mangeait du poulet-frites, après avoir joué au football. Mais quand même. En 3e, j’étais aussi au HMV pour la sortie de Parade de Prince, il y avait de grands portraits de lui attachés au plafond, j’avais acheté la cassette pour mon walkman Sony jaune, je crois que j’avais aussi volé la cassette d’Indochine à quelqu’un dans le bus, oui c’était moi, j’avoue, je me sentais très mal après – surtout que je trouvais ça nul, en fait. A quelques milliers de km, la centrale de Tchernobyl était en train de clamser. Continuer la lecture de « The Lilac Time, Astronauts Deluxe (rééd. Needle Mythology / Creation, 1991) »

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The Bug Club, On The Intricate Inner Workings of the System (Sub Pop)

Suractifs depuis 2021 et récemment devenus membres de l’écurie Sub Pop, The Bug Club appartient à une étrange catégorie : celles des groupes un peu inégaux mais qui restent malgré tout enthousiasmants. On trouve sur leurs disques autant de choses bigrement cool que tes trucs plus douteux à mon goût, un peu comme chez les Américains de The Cowboys, groupe quelque peu irrégulier malgré un réel talent. Mais c’est somme toute honorable pour des musiciens de parvenir à signer quelques bonnes chansons sur des albums imparfaits quand ils pourraient ne produire que de l’insignifiance. Et pour le coup, The Bug Club, emmené par les Gallois Sam Willmett et Tilly Harris, possède certaines qualités notables auxquelles il faut rendre hommage. Continuer la lecture de « The Bug Club, On The Intricate Inner Workings of the System (Sub Pop) »

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Citron Citron, Maréeternelle (Bongo Joe Records)

Nuage de lait et paysages qui blanchissent, l’heure est à des explorations plus intériorisées favorisées par le solstice d’hiver. La musique des genevois de Citron Citron évoque les brumes matinales du Bain des Pâquis, les cimes enneigées Alpines et Jurassiennes ainsi que les ombres de la villa Diodati et de Frankenstein… Point de marée dans les eaux du bleu Léman mais Maréeternelle embarque un univers vaste de flux et reflux et de paysages sonores au romantisme contemporain désabusé et aux accents exploratoires orbliviens.

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The Lilac Time, Astronauts Deluxe (rééd. Needle Mythology / Creation, 1991)

Pour une fois, l’ampleur presque démesurée de l’hommage vaut à elle seule d’être saluée. Il n’est pas certain que Astronauts (1991) soit le meilleur album de The Lilac Time – ni même le jalon majeur de la première partie de l’existence du groupe, celle qui s’est déroulée entre 1987 et 1991, avant une parenthèse solo longue de huit ans. Pourtant, Pete Paphides a fait fi de ces réserves éventuelles pour consacrer à ce quatrième volume des longues aventures de Stephen Duffy un mausolée digne des plus grand chefs d’œuvre sur son label Needle Mythology :  trois volumes, pas moins, contenant une version remasterisée de l’album original, une large ration de démos et une autre d’enregistrements live datant de la même période. Un écrin dispendieux, dont l’architecte assume – revendique même : il faut lire le texte remarquable récemment publié par Paphides sur Medium à propos de ce projet –  l’irrationalité des dimensions, érigé par pure passion pour ces chansons et pour se hausser à la hauteur du souvenir qu’en conservent les quelques amoureux, convaincus de leur importance. Trente-trois ans plus tard, Astronauts apparaît encore comme un disque de transition, d’entre-deux. Résolument à côté de son époque, de son label – Creation, donc – et même de son auteur qui, dans plusieurs interviews données au printemps 1991, étale publiquement ses insatisfactions et ses envies de tout abandonner, y compris cet album qu’il envisage d’avorter avant même sa publication. Continuer la lecture de « The Lilac Time, Astronauts Deluxe (rééd. Needle Mythology / Creation, 1991) »