Des fragments de plusieurs passés épars. Des souvenirs déjà usés – plus ou moins – mais ouverts à la réappropriation active. Un bric-à-brac hétéroclite dont la seule cohérence réside dans le fait d’avoir appartenu, à un moment ou à un autre, à une même vie. On ne peut qu’être sensible à tout ce qui fait ainsi le charme ineffable des vide-greniers. Tim Keegan aussi qui expose ici au grand jour onze bribes, trop longtemps enfouies, de ses décennies consacrées au noble artisanat du songwriting. Onze chansons, donc, ébauchées entre 1988 et 2024, parfois évoquées au détour d’un concert mais jamais encore enregistrées. Deux guitares, une basse et une batterie suffisent à en constituer l’unité en les inscrivant résolument dans cette tradition toute britannique qui s’ancre formellement dans les références aux modèles transatlantiques – Reed, Dylan, Cohen pour ce qui est de la Sainte Trinité. Continuer la lecture de « Tim Keegan & The Personals, Vide Grenier (Meek Giant) »
Étiquette : Lieu : Angleterre
Catégories mardi oldie
Ten CC, How dare you! (1976, Mercury)
Quand Théophile Gauthier théorise L’art pour l’art en 1834 en préface de son sulfureux roman Mademoiselle Maupin, il est loin d’imaginer que 142 ans plus tard un groupe de crétins britanniques en tireront Art for art’s sake, l’exceptionnel single porteur de leur grand-œuvre de 1976, le bien nommé How dare you!.
Et, en effet, Comment osent-ils sortir ça ?, serait-on tenté de dire… L’année précédente, 10 cc, le groupe en question, dans sa mancunienne idiosyncrasie, a fait péter le hit-single international avec I’m Not in love, slow trompe-braguette à faire passer le My Love de McCartney (dont il est le négatif parfait) pour la Marche de Radetzky, mais qui n’a pourtant rien à voir avec son cœur de métier habituel : soit un Bordello pop inconnu des services d’immigration. La chausse-trape se referme alors aussi rapidement que les royalties tombent. Nœud gordien. Un dernier pour la route ? Euhhhhh… Non. On va TENTER AUTRE CHOSE.
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Catégories hommage
So long, Marianne.

Je me souviens de son parfum, L’Ombre dans l’eau, qui habitait toutes les pièces de son appartement luxueux de la rue d’Anjou, près de Madeleine, à Paris. Du tatouage d’une petite hirondelle au creux de sa main gauche, presque complètement délavé par toutes ses années d’infortune. Continuer la lecture de « So long, Marianne. »
Catégories interview
Mike Lindsay et le puzzle Tunng

Que reste-t-il à vivre et à dire après vingt années de vie commune ? De bien belles choses semble-t-il, si l’on se fie aux premières écoutes du nouvel album de Tunng, Love You All Over Again. Au terme de deux premières décennies d’un mariage, souvent harmonieux, parfois tumultueux, Sam Genders et Mike Lindsay ont décidé de s’en tenir à ce qu’ils savent faire de mieux ensemble : un mélange des genres contrasté où les structures folk traditionnelles se mêlent aux explorations électroniques contemporaines. En l’absence du premier nommé, c’est donc le second qui, depuis son studio du Kent, partage quelques impressions, anciennes et nouvelles, sur cette recette originale de la longévité. Continuer la lecture de « Mike Lindsay et le puzzle Tunng »
Catégories mardi oldie
ABC, The Lexicon Of Love (1982, Neutron Records / Vertigo)
Ce doit être l’âge. Cela fait quelque temps déjà que j’essaye de me rappeler de certaines premières fois. Pas de toutes non, juste certaines. De ces premières fois où j’ai entendu une chanson ou un album qui m’ont marqué – marqué à un point tel qu’ils n’ont jamais vraiment disparu de mon quotidien, même sans les avoir écoutés pendant plusieurs jours, plusieurs mois. Plusieurs années. L’autre soir justement, répondant aux questions de Pierre Andrieu au sujet de The Cure – après son grand œuvre sur Jean-Louis Murat, Les Jours Du Jaguar, il a décidé de décortiquer le parcours emprunté par Robert Smith et ses troupes – et de mon rapport à ce groupe irrémédiablement lié à l’adolescence, je cherchais à me rappeler de ma première écoute de l’album Pornography, ou de certaines de ses chansons : un morceau passé par Bernard Lenoir lors de Feedback ? La version live de The Figurehead diffusée à la télévision un samedi de presque printemps 1982 dans Megahertz, l’émission géniale mais trop éphémère d’Alain Maneval – émission où l’on se souvient avoir vu en quelques mois des reportages sur Killing Joke, The Jam, Siouxsie & The Banshees, The Associates et sur le plateau, les débuts d’Indochine, de Polyponic Size ou de Nini Raviolette ? Peut-être sur une cassette enregistrée par un copain de la Résidence ou un samedi après-midi dans la chambre de Thierry, de deux ans notre ainé et qui était au fait de pas mal de sorties et de concerts ? Je ne retrouverai sans doute jamais la réponse et qu’importe d’ailleurs… Continuer la lecture de « ABC, The Lexicon Of Love (1982, Neutron Records / Vertigo) »
Catégories borne d'écoute
Plus Bell la vie

Entre une future tournée européenne de Ride et une hypothétique tournée mondiale d’Oasis, Andy Bell (oui, on vous l’a déjà faite, mais non, pas son homonyme chez Erasure) surprend son monde et annonce un nouvel album. Quand il ne bricole pas avec Glok, Andy Bell enregistre des disques psychédéliques avec un certain talent. The View from Halfway Down, publié en 2020 chez Sonic Cathedral, rappelait aux plus étourdis d’entre nous que Bell en a toujours sous le pied. La bonne nouvelle avec ce nouveau disque, c’est le premier extrait chanté par Dot Allison. On n’avait plus entendu l’Écossaise depuis quelques mois. Ou quelques années. Écouter I’m in love… est un merveilleux prétexte pour se replonger dans les disques solo d’Allison et surtout ses piges pour Death in Vegas ou le trop méconnu et oublié album de One Dove. Notons aussi la participation de l’allemand Michael Rother (Neu!). Surtout, I’m in love… nous replonge dans l’œuvre des Passions. I’m in love… étant plus qu’un simple clin d’œil au hit du groupe post punk anglais fondé par Barbara Gogan et Claire Bidwell. Continuer la lecture de « Plus Bell la vie »
Catégories mardi oldie
Primitive Parts, Parts Primitive (Trouble In Mind, 2015)
Dix ans déjà ! Le temps est passé si vite depuis 2015, non ? Le COVID est passé par là certainement. La décennie est un âge ingrat pour un album, trop récent pour susciter la nostalgie, pas assez proche de l’actualité, pile poil parfait pour le purgatoire ! Voilà dans quoi les Primitive Parts sont plongés. Leur unique album, le bien nommé Parts Primitive, est sorti il y a dix piges. Le paysage musical indépendant a changé entre temps. Les groupes britanniques indépendants (Fontaines DC, Yard Act, Idles…) ont repris (commercialement) du poil de la bête. Avec le recul, la génération précédente a été largement sacrifiée. Veronica Falls, Male Bonding ou Yuck auraient, en effet, mérité mieux en matière de carrière. L’unique long jeu de Primitive Parts est ainsi à la croisée de diverses trajectoires. Continuer la lecture de « Primitive Parts, Parts Primitive (Trouble In Mind, 2015) »
Catégories chronique nouveauté
Alex Pester, Bedroom Songs (autoproduit)
« Il n’est pas de jouissance plus attrayante, selon moi, que de suivre ses idées à la piste, comme le chasseur poursuit le gibier, sans affecter de tenir aucune route. Aussi, lorsque je voyage dans ma chambre, je parcours rarement une ligne droite : je vais de ma table vers un tableau qui est placé dans un coin ; de là je pars obliquement pour aller à la porte ; mais, quoique en partant mon intention soit bien de m’y rendre, si je rencontre mon fauteuil en chemin, je ne fais pas de façon, et je m’y arrange tout de suite (…) Et quel plaisir encore d’oublier ses livres et ses plumes pour tisonner son feu, en se livrant à quelque douce méditation, ou en arrangeant quelques rimes pour égayer ses amis ! Les heures glissent alors sur vous, et tombent en silence dans l’éternité,
sans vous faire sentir leur triste passage. »
Xavier De Maistre, Voyage autour de ma chambre (1794)
« There’s a world where I can go / And tell my secrets to / In my room. »
Brian Wilson (1963)
On s’en était douté dès la première rencontre, en 2021 : Alex Pester dispose d’un talent et d’une inspiration radicalement incompatibles avec les dispositifs de mises en pause ou de court-circuit qu’imposent les rythmes communs et rationnels de l’industrie musicale – ou de ce qu’il en reste. Né sans le moindre interrupteur intégré, le jeune songwriter britannique a publié l’équivalent de sept albums en cinq ans, dont trois au cours des douze derniers mois. Continuer la lecture de « Alex Pester, Bedroom Songs (autoproduit) »