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Sous surveillance : Klein

Klein / Photo : Chloé Tocabens
Klein / Photo : Chloé Tocabens

Qui ?

Benjamin Porraz endosse le nom de jeune fille de sa mère, Klein, et place sur la carte, sans image, sans enrobage, sa musique instrumentale qu’il veut disponible pour l’autoradio, pour la maison. Quand il a du temps, il compose et s’enregistre où il peut, tout seul, en multi instrumentiste, jouant du logiciel Logic, un instrument à part entière. Depuis ses 11 ans, il en a 32 aujourd’hui, il joue aussi de la guitare. Au lycée, il fréquente le Gibus, joue avec ses groupes de copains au moment où sa génération réinvente le rock à Paris, en jeans serrés et blouson de cuir, « une bonne école ». Après le bac, il fait une école de cinéma (ESRA, Paris, XVe) pour devenir ingé son et à partir de là, tout s’enchaîne : le groupe sérieux et «pro » (Agua Roja, avec Clément Roussel, rencontré pendant ses études et la chanteuse November Ultra), puis le contrat avec la grosse maison de disques et le split, comme un parcours initiatique classique. Sûr de ne pas avoir envie de trainer dans les studios et par goût des voyages (« il y a un côté partir à l’aventure que j’aime beaucoup »), il sera guitariste professionnel, spécialité scènes, pour accompagner Clara Luciani ou Jain. Klein aime le rock allemand, Neu!, Ash Ra Tempel, Amon Düül, reconnaît aussi les Cocteau Twins, Beak, GUM« Au final, ce ne sont pas des choses que j’écoute le plus, mais elles m’ont marqué et j’y reviens régulièrement ». Actuellement, il se sent proche des albums instrumentaux de la canadienne Mélissa Fortin (« un coup de cœur ») issue du groupe Bon Enfant, quelqu’un qui semble partager ce même goût de l’instrumental imagé

Où ?

Paris. Klein y est né, y a toujours vécu,« c’est la maison ». C’est aussi un petit monde professionnel qui permet les échanges, les plans, la ville où « tu es en permanence en train de rencontrer des gens ».


Quoi ?

Un second album, Prodrome, sans label qui est sorti au printemps « dans la continuité du premier » (s/t, 2020). Une forme de défi pour celui qui a toujours travaillé en groupe, l’idée d’une musique « qui ne représente que [lui] ». Diffusé via les plateformes et remarqué aussi bien par Gonzaï que par les Inrockuptibles, l’album, mixé par l’ami de longue date Clément Roussel, renvoie en toute innocence sa ribambelle de références au passé : motorik allemand pour les uns, Library Music pour les autres (« le label KPM, avec ces instrus au format chanson, des formes courtes, très normées, avec des petits thèmes qui se développent »), Durutti Column pour certains, et pour nous ça sera quelques arpèges qui traînent au début du disque et qui nous chantent dans l’oreille du Maurice Deebank en voyage dans l’Inner Thought Zone, on ne se refait pas chez Section 26. La musique appelle l’image, le cinéma pourquoi pas (« J’aimerais beaucoup composer des musiques de films, mes premiers émois, ce sont les bandes originales de John Williams pour Spielberg, ou les musiques de Danny Elfman, elles ont bercé mon enfance, je suis assez nostalgique de tout ça »), même si les instrumentaux sont bâtis « comme des chansons » (couplet, refrain) sans paroles. Le format est pop, et donc, les mots et la voix ne sont pas requis chez Klein. « Je pars d’une base rythmique, j’écoute des loops de batteries qui m’inspirent, là-dessus je trouve une mélodie de guitare, et après je brode ». Benjamin possède les deux religions, Gibson SG d’un côté, Fender Telecaster de l’autre, même si le disque a plutôt été composé sur une Stratocaster, abandonnée depuis. « J’aime surtout l’idée de travailler avec ce que j’ai sous la main, sous contrainte. »

Tube absolu

On n’est pas sûr du mot tube pour définir la musique de Klein. Il s’agirait plutôt de phases rêveuses qui permettent à chacun d’y glisser ses obsessions : rom com, voyage, trip, mélancolie, on remettra en boucle Eros Nero (« le nom d’un projet qui n’a jamais abouti »), Navigli (« un super quartier de Milan »), Le Signal, Les Valeureux, ou Au vent.

Futur Proche

Priorité au métier, une tournée dense en cours avec Jain, puis retour prévu avec Clara Luciani bientôt. Entre les tournées, besoin de se ressourcer, avoir une vie sociale. Sa musique attendra, même si un clip est prévu sur Les Valeureux. Et puis la vie, quoi.

Propos recueillis par téléphone le 23 juillet.


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Terminal 1 : décollage immédiat

Phoenix / Photo : Philippe Levy
Phoenix / Photo : Philippe Levy

On a beau vivre plusieurs vies, elles ne sont pas imperméables… Il n’y a pas d’étanchéité absolue – encore moins aujourd’hui qu’il y a une dizaine d’années. Encore moins lorsque la musique y occupe à chaque fois une place de choix. Pour beaucoup de gens qui ont vécu de l’intérieur les années charnières 1990 – 2000 – n’y voir aucun mérite, au delà du privilège de l’âge et de la date de naissance (le lieu peut aussi avoir son importance) –, l’événement qui s’est tenu ce mercredi 17 juillet sur le toit du Terminal 1 pour fêter les cinquante ans de l’aéroport de Roissy était une sorte d’aboutissement – comme un rêve devenu réalité, et encore, fallait-il déjà avoir fait rêve aussi grand.

Terminal 1 / Photo : Philippe Levy
Terminal 1 / Photo : Philippe Levy

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Sous surveillance : Tiffanie de Falaise

Tiffanie de Falaise / Photo : Flore Layole
Tiffanie de Falaise / Photo : Flore Layole

Qui ?

Tiffanie, c’est son prénom et Falaise, c’est le village de Normandie où elle est née. Trentenaire et déjà plusieurs vies : un BTS (« en arts appliqués »), une école en cinéma, celle de la Cité à Saint-Denis, puis une signature en 2017 sur une major, avec l’histoire maintenant classique : sur des rails, contrat de trois albums, équipe dédiée à fond sur la pochette, les photos, le premier disque est en boîte et badaboum, le directeur artistique s’en va et les rêves de la jeune chanteuse avec. Mais Tiffanie n’en fait pas une maladie, elle en a souffert bien sûr, mais la page est tournée, et – le plus important – les bandes sont toujours sa propriété. Continuer la lecture de « Sous surveillance : Tiffanie de Falaise »

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Those Pretty Wrongs (Luther Russell + Jody Stephens) : « J’essaie vraiment de ne pas me reposer sur ce que j’ai pu faire il y a très longtemps. »

Those Pretty Wrongs
Those Pretty Wrongs

Il aurait pu, sans qu’on lui en tienne rigueur, se contenter d’être le dernier des quatre. Le survivant. Le conservateur d’un patrimoine suffisamment riche pour continuer d’irriguer une bonne partie de la musique qui nourrit nos vies. Alex Chilton, Chris Bell et Andy Hummel ont disparu : à l’ombre des studios Ardent au sein desquels il a conservé ses fonctions officielles, Jody Stephens entretient seul le culte vivace de Big Star, comme en témoignent encore les concerts commémoratifs organisés cette année pour célébrer les cinquante ans de Radio City (1974). Il aurait pu, et pourtant, depuis dix ans, il s’est également mis en tête d’ajouter une nouvelle page, plus personnelle, à la légende. Continuer la lecture de « Those Pretty Wrongs (Luther Russell + Jody Stephens) : « J’essaie vraiment de ne pas me reposer sur ce que j’ai pu faire il y a très longtemps. » »

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Sous surveillance : Dear Pola

Dear Pola / Photo : bandcamp
Dear Pola / Photo : bandcamp

Qui ?

Mary Daste écrit des chansons depuis l’âge de 10 ans, depuis donc deux décennies et des galets. S’il s’agit d’une apparition récente, le métier de la chose folk est chevillé au corps autodidacte, mûri en solitude artistique de fait et de goût. Une guitare, une voix, et le XXIe siècle : le studio de chambre. Au long des étagères, de la poésie, et Woolf, Plath, Kerouac, Cohen, et l’anglais donc en évidence, en pratique cruciale, en rideau que le vent agite. Continuer la lecture de « Sous surveillance : Dear Pola »

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Selectorama : R. E. Seraphin

R. E. Seraphin / Photo : DR
R. E. Seraphin / Photo : DR

Pour son second album Fool’s Mate, Ray Seraphin confirme et prolonge les belles promesses déjà saluées en ces colonnes il y a quatre ans. Membre désormais éminent de la scène indie californienne, il témoigne d’une érudition impressionnante sans pour autant sombrer dans le pastiche révérencieux. Du bruit, des mélodies et du style : on retrouve ces mêmes ingrédients dans la sélection proposée. Continuer la lecture de « Selectorama : R. E. Seraphin »

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Johnny Cash, Songwriter (Universal)

Et bien celui-là, on ne l’avait pas vu venir… Retrouvées de manière inopinée par son fils John Carter Cash, une dizaine de démos de Johnny Cash refont aujourd’hui surface et composent le disque posthume Songwriter. Sont-elles d’un meilleur niveau que les chansons de The Mystery of Life, son « dernier disque » avant l’ère Rick Rubin ? La réponse est affirmative. Sont-elles d’un meilleur niveau que les chansons d’American Recordings publiées le 26 avril 1994 ? La réponse est négative. Continuer la lecture de « Johnny Cash, Songwriter (Universal) »

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Sur la route avec Lush, raconté par Phil King et Emma Anderson

Photo extraite de Lush: A Far From Home Movie de Phil King et d'Emma Anderson
Photo extraite de Lush: A Far From Home Movie de Phil King et d’Emma Anderson

Je me souviens très bien de la première fois que j’ai vu Lush en concert. C’était dans la moiteur d’un été londonien, en plein mois d’aout de l’année 1990. Le groupe avait eu le droit à un encadré dans les pages “news” du NME – ou du Melody Maker – pour annoncer sous le pseudonyme de Hush un “concert secret” – qui ne l’était donc plus tellement –, la veille de sa participation à la garden party organisée par The Cure. Comme Phil King pour sa première fois, je ne me souviens plus vraiment des chansons jouées ce soir-là, mais très précisément de la présence de Lawrence dans la salle (et bien évidemment, je m’étais dit que c’était bon signe) avant de découvrir quelque temps plus tard que le groupe de première partie n’était autre que Moose… En revanche, je me souviens nettement mieux des autres fois où j’ai pu voir Lush sur scène, à la Cigale pour le festival des Inrocks 1991 – la fameuse soirée des noms de groupes en une syllabe –, au Bataclan pour la tournée Spooky, au New Morning en septembre 1994 – d’autant que Spring avait assuré la première partie –, au Divan du Monde et à Benicassim en 1996. Je ne pouvais qu’ignorer bien sûr que sous le soleil de la Costa del Azahar, ce serait la dernière fois que je verrai Lush en concert – et l’avant-dernière que je prendrai un polaroid du batteur Chris Acland, qui était venu passer après coup quelques jours de vacances en Bretagne et au festival de la Route du Rock. Avant de se donner la mort deux mois plus tard…

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