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Thousand, Au paradis (Talitres)

« Condamnés par Dieu à manger de l’or, et une fois remplis, en manger encore, qu’ils voient dans l’immense pauvreté de la mort, que la faim est un trésor »

Le retour de Thousand m’a pris par surprise. Loin d’avoir épuisé Le tunnel végétal, que je m’étais habitué à explorer plus que régulièrement, en m’attachant tour à tour à des titres aussi marquants que Le nombre de la bête et La nuit des plus beaux jours de ta vie, je ne pensais être prêt ni à passer à la suite, ni à les négliger. Persuadé intimement que ce « premier » disque – dans le sens où c’était le premier en français de leur auteur – était la somme d’une maturation très longue et qu’en donner une suite dans la foulée serait impossible, je profitais toujours avec délectation du meilleur disque de 2018, le mien, sans conteste. Continuer la lecture de « Thousand, Au paradis (Talitres) »

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Pole 1, 2 et 3 (Mute Records)

Redécouvrir aujourd’hui le travail de Stefan Betke, et plus précisément sa trilogie fondatrice Pole 1 (1998), Pole 2 (1999) et Pole 3 (2000), c’est en quelque sorte faire retour sur un moment de l’histoire des musiques électroniques allemandes dont l’une des principales caractéristiques pourrait être celle d’un travail autour de l’abstraction et du minimalisme. Que l’on évoque les propositions electronica ou IDM des labels Mille Plateaux et Raster Noton, ou encore le conceptualisme dancefloor de Kompakt, la micro-house des labels Perlon ou Playhouse, l’austérité formelle était en effet de mise.

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Captain Wilberforce, When The Dust Just Won’t Settle (Blue Tuxedo)

L’artifice rhétorique est souvent associé aux tentatives de réhabilitation des œuvres jugées trop confidentielles par ceux mêmes qui les louent. Pour mieux inciter, sans doute, le lecteur avide de découverte distinctive à leur emboiter le pas, les critiques ont pris l’habitude d’abuser de la métaphore du secret : ceux que l’on garde jalousement et que seuls les initiés dévoilent et se partagent avec une parcimonie qui permet d’entretenir le sentiment du mystère et du privilège. En dépit de son absence à peu près totale de notoriété ou de  reconnaissance publique – à l’exception, certes notable, de quelques passages sur les ondes nationales britanniques – Captain Wilberforce n’évoque pourtant ni de près, ni de loin ces arcanes musicales énigmatiques qui ne se découvrent qu’au terme d’un cheminement tortueux. Continuer la lecture de « Captain Wilberforce, When The Dust Just Won’t Settle (Blue Tuxedo) »

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Julien Gasc, Serpentes EP (auto production)

 » Il existe d’autres corps, qu’ils soient vivants ou morts, entre toi et moi « 

Pour quelqu’un qui aime l’émotion et l’urgence avant toutes autres choses, j’avais tout à craindre de l’émergence de groupes cultivés, éduqués, voire virtuoses. A la faculté, un ami, né punk, avait une expression d’alerte qui nous faisait marrer, dès que selon lui, nous accostions des rivages inamicaux peuplés de chevelus empêtrés dans leurs instruments compliqués et leurs influences savantes :  » ATTENTION JAZZ ROCK ! « , hurlait-il. Il aurait sans doute agité son safeword musical s’il était tombé sur Aquaserge. Continuer la lecture de « Julien Gasc, Serpentes EP (auto production) »

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Caleb Landry Jones, The Mother Stone (Sacred Bones Records)

Il y avait de l’impatience à écouter ce disque, depuis six mois que je voyais les photos de promo de Sacred Bones Records sur mon fil Facebook. En les apercevant d’abord, ces drôles de photos de Caleb Landry Jones fardé et tout en perruque, je m’y étais reprise à deux fois avant de reconnaître ce visage fascinant, entre l’enfance et l’âge adulte. C.L. Jones est acteur avant d’être musicien – ce qui se discute, tant du point de vue de l’artiste lorsqu’il s’explique, que de ce premier disque. Ce visage, c’est celui du jeune cocaïnomane de Twin Peaks The Return, l’incarnation du désespoir et d’une Amérique au bord du gouffre à travers son personnage, Steven Burnett. Si l’on éprouve une passion pour Twin Peaks, le copinage entre Sacred Bones – dont une bonne partie du catalogue est digne d’être adulée – et David Lynch n’est pas pour déplaire. Continuer la lecture de « Caleb Landry Jones, The Mother Stone (Sacred Bones Records) »

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CMON, Confusing Mix Of Nations (Mexican Summer)

On l’a attendu avec impatience, ce premier album de CMON. Et même si l’on connaissait pour moitié son contenu – cinq des dix titres qui le composent étaient parus sur un EP autoproduit en 2018 -, il n’en demeure pas moins que Confusing Mix Of Nations est un disque troublant, autant pour ses qualités intrinsèques que pour le contexte confus qui entoure sa sortie. Pour commencer, balayons l’évidence, car constater que l’un des disques les plus outrageusement cool et hédonistes parus ces cinq dernières années (au hasard depuis Pom Pom) voit le jour dans un moment qui érige en acte moral la distanciation sociale (sic) relève tout bonnement de l’absurde. Lui aussi confiné, son co-auteur Josh da Costa résume pour nous : « CMON is a funhouse, Confusing Mix Of Nations is the foyer. » Un coup du sort improbable, un camouflet, où le Cool a pris un méchant coup dans l’L mais n’a pas dit son dernier mot.

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Ich Bin, Obéis ! (Replica)

Il y a plusieurs mois, j’ai partagé un très bon repas, relativement bien arrosé, avec deux anciens membres de Ich Bin, Laurent B. et Julien V. Lors de cette soirée tranquille, dans un appartement mansardé et chaleureux du Faubourg National à Strasbourg, je leur ai fait part de mon rêve de rééditer leur classique, Obéis ! en cassette, pour mon fanzine naissant Langue Pendue. Bien sûr, je les interrogeai sur ce qu’ils avaient gardé comme souvenirs de leur aventure au sein de cette étrange formation aux exploits sporadiques, que j’avais suivis à l’époque, de très près (cf. Papivole #5). J’ai évidemment, dès le lendemain, regretté de ne pas avoir enregistré la conversation, les anecdotes toutes plus hilarantes les unes que les autres se succédant à une allure échevelée : concerts précipités ou à moitié foirés dans des lieux improbables, fans extrêmes, vidéos perdues, tensions internes, idées farfelues, agitations, rixes, tout un concentré de la vie d’un groupe, surpris par l’ampleur des retours, sur un projet qui n’était à la base que parallèle, une passade imprévue. Continuer la lecture de « Ich Bin, Obéis ! (Replica) »

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Modern Studies, The Weight Of The Sun (Fire Records)

Maintenir l’union en dépit de la distance. Enjamber en musique l’étendue qui sépare. Voici une fois encore, réduit à peu de mots, le projet pas si banal auquel Rob St John et Emily Scott s’attachent à donner corps. Des deux interprètes et songwriters principaux qui constituent le cœur du quartet écossais, l’un réside dans le Lancashire et l’autre en Ecosse. De là, sans doute, est née cette belle musique des interstices et de l’entre-deux. Ce troisième album de Modern Studies prolonge en effet l’exploration des confins, la recherche d’un équilibre instable qu’il serait possible d’établir en arpentant simultanément plusieurs frontières. Celle d’abord qui sépare le savoir-faire des Anciens et les innovations contemporaines. Continuer la lecture de « Modern Studies, The Weight Of The Sun (Fire Records) »