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Daniel Knox, Won’t You Take Me With You (H. P. Johnson Presents)

Le paradoxe du songwriter vaut bien celui du comédien. Il y a ceux qui cherchent à restituer au plus proche l’illusion de l’intimité, qui jouent le jeu du dévoilement privé pour mieux laisser croire à chaque auditeur qu’il partage, le temps d’une chanson, un peu d’un secret singulier et authentique. L’art sans artifice en quelque sorte. Daniel Knox n’est décidément pas de ceux-là. Pour son cinquième album en un peu moins de quinze ans, il demeure profondément ancré dans le camp du subterfuge où se regroupent tous ceux qui semblent persuader que l’émotion juste ne se conquiert qu’au terme d’un labeur spécifique qui engage une part de dissimulation, de transfiguration et de mise en forme. La vérité la plus crue révélée grâce aux masques. Continuer la lecture de « Daniel Knox, Won’t You Take Me With You (H. P. Johnson Presents) »

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Selectorama : Andrew Taylor (Dropkick)

Andrew Taylor / Dropkick
Andrew Taylor / Dropkick

 » Si j’avais choisi mes chansons préférées de tous les temps, j’aurais certainement choisi Elvis Costello, Tom Petty et les Beatles. Mais ça aurait été un peu trop évident : tu me connais déjà. «  C’est vrai qu’on a fini par se connaître un peu, avec Andrew Taylor. De loin en loin, on cause même parfois, à l’occasion. Et puis surtout, il a fini par comprendre – sa modestie naturelle dût-elle en souffrir – que j’entretiens un rapport de plus en plus obsessionnel avec ses chansons. Mélodiques et harmonieuses, simples et belles. Au fil des ans, il s’est même créé comme un équilibre bienheureux entre ma compulsion croissante et sa productivité de plus en plus impressionnante. Continuer la lecture de « Selectorama : Andrew Taylor (Dropkick) »

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Joe Wong, Nite Creatures (Decca)

Joe WongIl n’aura pas fallu bien longtemps pour le dénicher – l’oubli malencontreux, l’omission impardonnable, la boulette du palmarès. L’année 2020 s’achève à peine et mon album préféré vient tout juste de me parvenir. Les circonstances atténuent quelque peu, il est vrai, l’ampleur de la faute. Il est peu fréquent, en effet, dans une ère d’accessibilité universelle et instantanée qu’un album – publié de surcroît sous un label prestigieux et majeur – demeure aussi difficilement accessible : une sortie annoncée en fin d’été, une ou deux vidéos alléchantes diffusées en marge de toute opération de promotion repérable, quelques exemplaires vendus à la sauvette sur le seul site de l’artiste et… et c’est à peu près tout. A se demander si l’œuvre entraperçue est bien réelle. Heureusement, l’assouvissement d’un désir stimulé par ces quelques longs mois d’attente ne s’accompagne, en l’occurrence, d’aucune déception. Au contraire. Quand bien même aurait-on tenté d’imaginer plus bel album qu’on n’y serait sans doute pas parvenu. Continuer la lecture de « Joe Wong, Nite Creatures (Decca) »

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Irmão Victor – Désordre et progrès

Irmão Victor
Irmão Victor

Il y a deux ans environ, on avait découvert Irmão Victor à l’occasion de la publication par le label toulousain Pop Superette d’un premier bilan compilatoire de ses cinq premières années d’activisme musical. Enregistré en partie en France et publié fin novembre, Mariposario confirme – et amplifie même – toutes les sensations les plus déroutantes déjà éprouvées lors de cette première rencontre mémorable avec les œuvres très singulières de Marco Benvegnu, le jeune songwriter brésilien qui demeure seul maître à bord de ce projet. Une pop séduisante et biscornue, où les mélodies limpides s’entremêlent aux stridences psychédéliques pour composer de petites vignettes sonores surréalistes. Rentré au pays natal après son escapade hexagonale, Benvegnu a consenti à lever quelques-uns des épais mystères qui entourent encore ses créations. Continuer la lecture de « Irmão Victor – Désordre et progrès »

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Arnaud Choutet, Soft Rock – Yacht Vibes & California Grooves (Le Mot Et Le Reste)

Soft RockCe que j’ai toujours préféré chez Patrick Bateman, c’est le critique musical. J’ai, bien sûr, conservé de mon unique – et très lointaine – tentative de lecture intégrale d’American Psycho quelques souvenirs marquants et horrifiés des turpitudes yuppo-sado de son anti-héros. Mais, bloc W.C nappé au chocolat et rongeurs mis à part, ce sont encore les quelques pages consacrées par Brett Easton Ellis aux passions musicales du golden boy/tueur en série qui m’ont toujours semblé les plus puissantes et les plus pertinentes. Au-delà de ce qu’elles expriment du goût particulier d’une époque et du personnage qui l’incarne pour des produits culturels aisément consommables et dépourvus de toute aspérité morale ou politique, ces chroniques exhaustives et pointues de la discographie de Genesis, Whitney Houston ou Huey Lewis interrogent de toute leur ironie vigoureuse, presque indétectable, le sens commun et les normes convenues sur lesquelles se reposent presque inévitablement tous ceux qui ont, un jour, tenté de partager leur enthousiasme pour les chansons pop. Continuer la lecture de « Arnaud Choutet, Soft Rock – Yacht Vibes & California Grooves (Le Mot Et Le Reste) »

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Tom Petty, Wildflowers And All The Rest (Warner Records, 1994)

1994. Il y a deux manières – plus complémentaires que réellement contradictoires – de resituer l’instant dans l’enchainement des années. Côté adret, Tom Petty vient d’atteindre le point culminant de la trajectoire ascendante entamée dans la seconde moitié des années 1970. Pour Full Moon Fever (1989) et Into The Great Wide Open (1991), il a consenti à reléguer certains de ses compagnons d’aventure – les Heartbreakers – au second plan, pour privilégier un travail en studio plus ambitieux. Certains d’entre eux le supportent plus mal que d’autres – le pianiste Benmont Tench peu enclin à se plier à la stricte discipline taylorienne désormais instaurée pendant les enregistrements, le batteur Stan Lynch qui critique en coulisse les nouveaux penchants pop de son leader et finit par s’exclure lui-même du mouvement. Qu’importe leurs états d’âme. Les détails du générique paraissent presque secondaires tant les deux albums présentent de similarités formelles, façonnés à quatre mains par Petty et Jeff Lynne. Continuer la lecture de « Tom Petty, Wildflowers And All The Rest (Warner Records, 1994) »

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Pop Filter, Donkey Gully Road (Bobo Integral/Spunk Records)

POP FILTERA l’origine, il y avait donc The Ocean Party. Ce groupe australien d’indie-pop approximative qui s’est inscrit, pendant sept années – de 2011 à 2018 – dans le sillon commun qu’il a contribué à tracer en compagnie de The Twerps, The Goon Sax ou Dick Diver pour ne citer que les moins inconnus. Plus prolifique que la plupart de ses camarades – huit albums et même davantage, si l’on inclut les productions marginales et dispersées de cassettes et autres singles – le groupe possédait la particularité d’abriter pas moins de six songwriters répartis géographiquement entre Melbourne et Wagga Wagga. En 2018, le plus jeune d’entre eux est brutalement décédé d’un kyste au cerveau et la première partie de l’histoire s’est achevée. C’est dans ce contexte dramatique que Pop Filter a fini par resurgir, toujours aussi prolixe. Continuer la lecture de « Pop Filter, Donkey Gully Road (Bobo Integral/Spunk Records) »

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Tenniscoats, Music Exists Box (Alien Transistor)

Music Exists. Comme si ça pouvait être si simple. Comme si la vérité pouvait s’imposer, tout bonnement, avec la crudité sereine et inaltérable de l’évidence. C’est rare, mais cela arrive encore, pourtant. Quand une œuvre transperce les masses inertes et pesantes du quotidien et parvient à les dissiper immédiatement, sans réserve, sans nuance, sans l’ombre d’un « c’est un peu plus compliqué que ça ». Cette musique existe donc. Je l’ignorai encore il y a quelques semaines ; je le sais à présent et, jusqu’à nouvel ordre, cette révélation donne tout son sens et ses couleurs à un automne qui en manquait assez dramatiquement. Continuer la lecture de « Tenniscoats, Music Exists Box (Alien Transistor) »