Furrows, Fisher King (autoproduit)

Des quelques péripéties biographiques qu’il accepte de confesser, il semble aisé de déduire que Peter Wagner a vécu la plupart de son existence dans les entre-deux. Les espaces qui séparent les continents – entre les USA et l’Allemagne – ou les villes – Baltimore, puis Brooklyn mais également les intervalles entre les genres musicaux – le jazz et la musique improvisée avant d’en venir à la pop : ce sont les zones qui lui sont devenues familières et où il tente de creuser ses propres sillons, dans un certain inconfort. C’est ce qu’on retrouve dans ce premier album, presque solo, de Furrows : une palette sonore tout en nuances pour tenter de donner forme à l’insaisissable, dépeindre des atmosphères, les colorer parfois à petites touches de cordes, de pulsations électroniques.

Peter Wagner / Furrows
Peter Wagner / Furrows

Les deux derniers albums de Talk Talk, Nick Drake et Boards Of Canada : voilà pour ce qui est des influences revendiquées et que l’on discerne aisément dans ces entrelacs subtils où les superpositions n’entravent jamais l’expression authentique de ce qu’il y a de plus intime ou de plus cru. D’emblée, Capernaum et Your Vision donnent le ton : deux ballade folk sombres et simples, magnifiées par des orchestrations qui en rehaussent discrètement les méandres rêveurs.

Le rythme s’accélère ensuite – Grey Cities ou Mirrors, soudain transpersé par les échos d’une ligne de base hookienne à souhait. De la dream pop ? Peut-être. Mais, alors que chez tant d’autres – inutile de citer les noms – les références à la rêverie ne sont trop souvent qu’une mauvaise excuse pour dériver vers une abstraction pâteuse, dépourvue de réelle substance, les fantômes qui semblent si souvent habiter les chansons de Furrows possèdent une présence bien réelle. Les ambiances musicales – indifféremment acoustiques ou électroniques – ne les empêchent pas de resurgir et d’habiter avec une force saisissante ces évocations d’un passé déchiré. En guise de conclusion provisoire, Doldrums dépeint lentement, à petites touches, des paysages imaginaires que Wagner nous invite à contempler, dans un état d’intranquillité suggérée par les revirements incessants de la mélodie. Avec une concision et une maîtrise de la composition exemplaire, il est donc parvenu à imposer tout un univers en à peine huit morceaux. La performance est suffisamment rare pour être saluée.


Fisher King par Furrows est disponible sur leur Bandcamp.

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