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Pictures On My Wall : Joe Dilworth

Joe Dilworth
Joe Dilworth

C’était à Londres, un jour de peu de soleil, à la toute fin de l’hiver ou au début du printemps. Je me rappelle d’ailleurs la promenade le long des canaux de Camden Town, le sous-sol du magasin de disques à quelques mètres du métro, le verre au Good Mixer, dont les dorures avaient déjà passé, à peine quelques mois après les premiers essoufflements de la britpop. Broadcast était sur le point de réaliser la compilation de ses trois premiers singles – deux publiés par Duophonic Super 45’s, le label de Stereolab, et le troisième par Wurlitzer Jukebox. Le disque, dont le titre mystérieux annonçait Work & Non Work, allait paraitre chez Warp – ce qui avait un peu surpris tout le monde. Comme l’écrit le photographe aujourd’hui, le groupe venait d’achever sa balance dans la petite salle emblématique du Dingwalls – le soir même, il y délivrait un concert magnétique, emmené par une Trish Keenan à la beauté diaphane (“Elle s’excuserait presque d’être là”, avais-je gribouillé encore impressionné dans l’introduction du papier écrit pour la RPM) et face à un Bobby Gillespie enthousiaste. Pendant la session, je m’étais tenu à l’écart, mais j’avais observé la façon de travailler de Joe Dilworth. Plus qu’une séance photo, cela ressemblait à une discussion entre des gens qui partagent pas mal d’amis et de passions – ce qui d’ailleurs était le cas. Je ne suis pas sûr, mais je crois qu’il utilisait un Rolleiflex. Au bout d’à peine dix minutes, il m’avait dit : « C’est bon ». Quelques semaines plus tard, quand j’ai vu le résultat, j’ai bien sûr tout de suite compris qu’il ne m’avait pas menti. Continuer la lecture de « Pictures On My Wall : Joe Dilworth »

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Ian Skelly, Drifter’s Skyline (Silver Songs) / Paul Molloy, The Fifth Dandelion (Spring Healed)

Ian Skelly Paul Molloy

Comme toujours, dans ces cas-là, on commence par parler d’albums solo. « C’est pas faux », comme dirait l’autre, histoire de laisser entendre que l’on a, justement, rien compris d’essentiel. Plus que jamais, l’expression apparaît comme une commodité de langage qui ne restitue rien d’exact, ni de vraiment fidèle au contenu des deux œuvres ou à l’intention manifeste qui les anime. Deux membres émérites de The Coral ont, certes, publié coup sur coup deux albums estivaux signés de leurs noms propres. Pourtant, à les écouter, il semble difficile d’y entendre les velléités de ruptures et d’émancipation communément associées à ces prises d’autonomie discographique. Continuer la lecture de « Ian Skelly, Drifter’s Skyline (Silver Songs) / Paul Molloy, The Fifth Dandelion (Spring Healed) »

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Oddfellow’s Casino – Potion magique

Oddfellow's Casino
Oddfellow’s Casino

Vingt ans. Pas moins. Répétons-le une fois, au moins, pour en prendre toute la mesure : vingt ans que David Bramwell, seul maître à bord d’un vaisseau taillé par ses propres soins à la dimension de ses compositions étincelantes et méconnues, navigue dans les eaux les plus secrètes de la pop britannique. Depuis les rivages de Brighton, ce dandy touche-à-tout, écrivain, druide de fraîche date, et laborantin pour la BBC à ses heures pas si perdues, n’a eu de cesse de contempler les paysages embrumés d’une Angleterre mi-réelle, mi-fantasmée et dont il excelle à restituer en chansons les mystères poétiques. Sans rompre le fil continu d’une œuvre désormais considérable, Burning ! Burning !, septième album publié en plein cœur du mois d’août, prouve une fois de plus à qui aura le bonheur de l’entendre que Bramwell excelle dans l’art délicat de la rêverie musicale mélancolique et raffinée où, comme chez ses maîtres Mark Hollis et Robert Wyatt, les arrangements savamment dosés et les respirations silencieuses confèrent tout leur relief à des mélodies d’une délicatesse admirable. Mieux encore : afin de célébrer dignement ses deux décennies de passion musicale, il précise dans la foulée que cette nouvelle collection constitue, en réalité, le premier volet d’un triptyque déjà enregistré et dont la suite et la fin  s’enchaîneront dès l’automne. Autant de prétextes bienvenus pour profiter de l’occasion festive et engager avec lui la discussion, tout aussi captivante et riche de surprises que ses chansons. Continuer la lecture de « Oddfellow’s Casino – Potion magique »

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The Beloved : « On faisait partie d’un nouveau mouvement sans nous en rendre compte « 

The Beloved
Steve Waddington et Jon Marsh, The Beloved, 1990
The Beloved
The Beloved, sticker promo, 1990

Avec Happiness, The Beloved a marqué une génération de clubbers et d’indie kids au fer blanc. Si certains albums de la même époque, Screamadelica (1991) de Primal Scream en tête, ont aujourd’hui acquis le statut de classiques incontournables, on a tendance à oublier à quel point The Beloved étaient des précurseurs. Contrairement à certains devant en partie leur renommée aux talents de DJ et/ou producteurs, Jon Marsh et Steve Waddington ont incorporé des éléments de house dans leur musique dès 1987. Inlassables têtes chercheuses, ils arriveront à la formule parfaite avec Happiness dont l’enregistrement a été finalisé mi-1989. Le groupe devra encore patienter quelques mois avant de rencontrer un succès mérité. Rares sont les albums ayant réussi à représenter différentes humeurs musicales de l’époque. Du crossover rock-dance d’Hello au chill-out The Sun Rising, on a l’impression de suivre en musique la journée et les humeurs d’un kid anglais de l’époque. Il suffit de se rendre sur la page facebook du groupe animée par Jon Marsh lui-même pour se rendre compte de l’impact de ce disque qui mérite amplement de revenir sur le devant de la scène à l’occasion des 30 ans de sa sortie. Une superbe réédition supervisée par le groupe remonte jusqu’à la genèse d’Happiness en proposant inédits et versions de travail de haute volée. Nous avons longuement échangé avec Jon Marsh à cette occasion. Loin d’être avare en détails et anecdotes, il décrit avec passion et un brin de nostalgie les événements allant de la création de Happiness jusqu’au départ de Steve Waddington une fois le succès rencontré. Une chose est certaine, à écouter Jon Marsh nous parler de cette période de sa vie, Happiness porte vraiment bien son nom. Continuer la lecture de « The Beloved : « On faisait partie d’un nouveau mouvement sans nous en rendre compte «  »

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Lloyd Cole – Hors Catégorie

Discographie commentée pour la sortie de « Collected Recordings 1983-1989 » chez Tapete Records.

Lloyd Cole and The Commotions, période « Rattlesnakes » / Photo : Peter Anderson

Une silhouette à l’allure à la fois distinguée et nonchalante, une voix empreinte d’ironie et de sensualité, une manière si particulière et nuancée de dépeindre les élans romantiques et les tourments amoureux : la présence de Lloyd Cole dans le cercle étroitement délimité de notre intimité musicale n’a jamais cessé de demeurer, au fil des décennies, si évidente et si familière qu’elle finit parfois par passer presque inaperçue. Cet été, il a suffi que Tapete Records réédite une luxueuse version vinylique de l’intégrale augmentée de l’œuvre des Commotions pour que, gros craquage oblige, resurgissent les souvenirs d’une rencontre en 2013, à l’occasion de la sortie de l’album Standards, cure de jouvence en compagnie de quelques vieux complices – Blair Cowan, Fred Maher –  qui nous avait permis de renouer en sa compagnie les fils épars d’une œuvre bien plus audacieuse et considérable que ce que sa réputation réductrice de chanteur cérébral laisse parfois penser. Continuer la lecture de « Lloyd Cole – Hors Catégorie »

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What’s your pleasure?

Extrait de la vidéo de Jessie Ware « What’s your pleasure ? » (Dance version)

C’est déjà la fin de juillet et je n’ai pas dansé. Je n’ai posé le pied sur aucun dancefloor, je n’ai vu tourner aucune boule à facettes, je n’ai transpiré sous aucun néon. Je n’ai enfilé aucun top glitter, aucun microshort, aucun talon pailleté. A la place, j’ai juste porté un masque. Parfois je me demande si cela arrivera à nouveau, pouvoir danser serrés les uns aux autres, les yeux fermés, la bouche entrouverte, le corps tout entier tendu vers les pulsations d’une chanson qui fait d’une foule en extase un seul corps humide dans la chaleur de la nuit. Continuer la lecture de « What’s your pleasure? »

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Le club du samedi soir #10 – Brexitpop UK 90’s

En ces temps troublés où la conjuration des imbéciles (kikoo Boris, Nigel et Domenic) semble remporter tous les suffrages, il me semble de bon aloi de se souvenir que les îles Britanniques furent juste avant le nouveau siècle un bien beau laboratoire. Bien sûr, il y eut la Britpop avec ses cancres appliqués et ses glorieux génies, mais même si son côté rétrograde pour ne pas dire conservateur ont permis de faire passer l’Indie Pop dans le mainstream avec ses rainures royales comme ses plus abominables atrocités (Kula Shaker, ne pardonne pas, n’oublie jamais), certains alors n’en avaient cure* et traçaient une tangente dans l’exploration passé/futur, le refus des dogmes établis. Et un petit revival Krautrock fourbe mais pas bien méchant. Continuer la lecture de « Le club du samedi soir #10 – Brexitpop UK 90’s »

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Prefab Sprout, le voyage immobile

Les 35 ans de album « Steve McQueen »

Prefab Sprout

Quand tu es ado dans une contrée où les climatologues avertis sont persuadés que l’hiver est aussi doux qu’à Verkhoïansk, tu comprends rapidement pourquoi les années 1980 sont faites pour toi. Ça tombe bien, la Grande-Bretagne regorge de groupes qui tirent la tronche. Les mecs ont une excuse bien légitime : ils viennent de choper Maggie – mais ils ne savent pas encore que c’est pour un paquet d’années. Et pour appréhender la complexité de cette nouvelle réalité géopolitique anglaise, il existe donc un cas d’école. Continuer la lecture de « Prefab Sprout, le voyage immobile »