Retour sur l’album « …Well? » de Swell avec une interview de David Freel en 1992.
Extrait de l’article paru dans Magic Mushroom n°4 / Été 1992
Je ne me souviens plus exactement comment le deuxième album de Swell – dont nous pensions tous que c’était le premier – est arrivé jusqu’à nous. Mais je me souviens que c’était une époque où l’on aimait les disques en noir et blanc – ce n’était pas forcément une nouveauté d’ailleurs, car il me semble que nous étions pas mal de l’équipe hétéroclite du fanzine magic mushroom à nous retrouver autour de Faith… Ainsi, au tout début des années 1990, nous avions fait duSpiderland de Slint et du Frigid Stars de Codeine deux de nos albums de chevet – la lenteur comme exutoire, le silence comme revendication, la mélancolie comme art de vivre. … Well de Swell tombait plutôt bien pour compléter la trilogie imaginaire – nous étions une génération qui aimait bien les trilogies. Continuer la lecture de « Citizen… well ? »
Enfin. Son heure est sans doute venue. Parce que, voyez-vous, il existe toujours une deuxième chance pour des disques de cette envergure, ayant joué un rôle déterminant, anticipant les tendances, qu’elles soient rétro ou novatrices. …XYZ, donc. Album à la fois fondateur et passerelle futuriste, passeport rétroactif et pierre angulaire esthétique, au parti pris d’un culot que l’on n’a peut-être toujours pas mesuré à sa juste valeur. Et véritable déclaration d’intention d’une formation qui cherche alors encore une stabilité. Ils sont deux à tenir les rênes de cette aventure. Deux garçons déjà presque trop vieux pour aspirer à devenir de ces pop stars dont la Grande-Bretagne raffole – ils frôlent la trentaine – et un tantinet dilettantes – ceci expliquant sans doute cela. Kevin J McKillop et Russell Yates se sont rencontrés à la toute fin des années 80 et travaillent dans l’un de ces magasins de disques d’occasion qui émaillent Londres. Autant dire l’endroit rêvé pour parfaire sa culture et réviser ses classiques. Continuer la lecture de « Moose, …XYZ (1992, réédition Cherry Red en 2009) »
Le vôtre, le mien, le nôtre, le tout un chacun, chacun sait, chacun a sa version.
C’est un homme qui sort un brin de l’ordinaire.
Faire court ? Lui sait, moi pas. Cette réédition en vinyle d’un album de 1992 permet toutefois d’en dire pas mal. Car c’est le moment où il est notre idole absolue (sur les bons conseils des Pastels, de Galaxie 500, des oubliés Rockingbirds et de Duglas des BMX Bandits) et même s’il ne sait pas trop où il en est lui-même, il sait toujours où nous trouver. Il sort d’ailleurs régulièrement des disques relativement excitants à l’époque, à l’inverse d’un Lou Reed*.
C’est le 6e arrondissement de Paris. À l’ombre du Panthéon. C’est un disquaire indépendant, un samedi après-midi, un été indien comme tant d’autres, des clients qui viennent, flâner, écouter des nouveautés (et parfois quelques classiques), boire un café. C’est l’automne 1992 et deux d’entre eux ont des têtes de vrais gamins, à tel point qu’ils ne font même pas les 17 et 18 ans que leur prête l’état civil. Quelques mois plus tôt, en février, ils ont piqué un titre d’une chanson des Beach Boys pour former un groupe. Ils ont un album de chevet, c’est Screamadelica de Primal Scream, sorti l’année d’avant. Mais pas que. Ils parlent de Pierre Étoile, de Urge Overkill, du MC5, d’Andy Weatherall. Ils ont donné un concert surréaliste en banlieue – je crois que c’était à Anthony, mais je n’en suis plus sûr, pour lequel ils avaient peint des étoiles sur leurs joues. Avant cela je crois, je me souviens de l’un d’entre eux, assis sur le bord de la scène, qui avait pleuré pendant toute la prestation touchée par la grâce du revenant Arthur Lee, à l’Européen de Paris. Ils ont trouvé en la personne de Daniel Dauxerre, disquaire, mélomane et érudit, alors bassiste de Colm et collaborateur du fanzine magic mushroom, un manager enthousiaste – et entre nous, on le serait à moins. Alors quand le journal a décidé de faire un état des lieux de la scène d’ici, il était impensable de ne pas évoquer ces jeunes gens, dont la démo venait de séduire Tim Gane et Laetitia Sadier de Stereolab, qui avaient retenu deux titres pour un double 45 tours dont personne ne pouvait prédire l’importance historique (et qui paraitra au printemps 1993). Aussi timides qu’enthousiastes, ils avaient alors répondu à ces quelques questions…
Retour sur ce chef d’œuvre absolu réédité en vinyle ces jours-ci.
Lorsque Selected Ambient Works 85-92paraît pour la première fois en 1992 sur le label Apollo / R&S Records, le jeune Richard D. James est déjà précédé de l’aura flatteuse du synth freak, du créateur génial et bricoleur surdoué. Repéré avec Analogue Bubblebath (Mighty Force, 1991), premier EP de la série, c’est par sa manière très personnelle de proposer une musique électronique radicale et ludique qu’il s’impose immédiatement comme l’une des figures majeures d’une scène alors en pleine effervescence. Bleep, ambient techno ou early IDM, différentes appellations pour un genre dont la mythique compilation-manifeste du label WarpArtificial Intelligence (1992) aura pu dessiner les contours : immédiatisme dancefloor et psychédélisme domestique fusionnent au sein d’une esthétique post-rave dont il s’agit d’incarner le versant le plus aventureux et expérimental. Continuer la lecture de « Aphex Twin, Selected Ambient Works 85-92 (Apollo/R&S Records) »
Tout l’été, les albums qui ont échappé aux radars des plateformes de streaming.
La power-pop – puisque c’est une fois encore d’elle et de ses évangiles dont il s’agit ici – n’a jamais eu très grosse cote, encore moins dans sa version originale, au beau pays du Yéyé. Prenez My Sharona de The Knack, par exemple : la France demeure à ce jour le seul pays où il aura fallu attendre 2004 et une adaptation façon grosse poilade de Michaël Youn – Comme Des Connards – pour que le tube le plus universel du genre s’impose au sommet des charts. A défaut de pouvoir ici décrypter les fondements cachés de cet atavisme paillard, force est de constater qu’il n’y a que dans l’Hexagone où les très rares exemples de diffusion massive de cette forme musicale pourtant profondément accessible ont systématiquement dû emprunter les chemins dévoyés de la gauloiserie en VF. Continuer la lecture de « Cry Babies, Running In The Outer Space (In Fact !) »
Un mix thématique par jour à écouter en temps de confinement.
La parution en 1992 chez Warp de la compilation Artificial Intelligence a pu poser les bases d’une techno autorisant un rapport décalé au dancefloor. Se tenant à l’écart des autoroutes 4/4, c’est en quelque sorte une musique électronique renouant avec ses racines ambiant, pop ou expérimentales que les productions du label de Sheffield ont remis au premier plan. B12/Musicology, The Black Dog/I.A.O, Speedy J et leurs propositions bleep, version typiquement britannique de l’acid house. Aphex Twin (sous ses divers alias) ou Autechre, et leurs expérimentations early IDM. Ou encore la présence de quelques « franc tireurs », pas forcément assimilés au premier abord à l’écurie Warp, mais qui n’en demeurent pas moins fondamentaux : Orbital ou outre-Atlantique, Richie Hawtin. Tout ceci dessinant le périmètre d’un genre qu’une série de labels comme Rephlex ou Skam ont pu par la suite honorer. Comme notre playlist qui ambitionne de redécouvrir cet âge d’or, celui d’une certaine techno anglaise des années 1989 – 1996. Loin de nous l’idée de conforter le préjugé élitiste d’une techno dite « intelligente », par opposition à une autre, soi-disant plus primaire ou moins cérébrale. Mais plutôt de rendre hommage à un genre dont les caractéristiques nous semblent parfaites en cette période de confinement : une techno à écouter chez soi, comme si il s’agissait d’étendre l’expérience du Chill-out à l’espace domestique. Continuer la lecture de « I Like 2 Stay Home #46 : Bleep Techno & early IDM (1989-1996) »