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41 is 30

Le label bordelais Talitres réédite un des grands albums des américains Swell.

Swell
Swell / Photo : DR

« La France a toujours été accueillante pour Swell », écrivit laconiquement David Freel sur son clavier d’ordinateur en 2019 quand il répondit (par miracle) à un mail que je lui avais écrit. Swell était en pause plus ou moins définitive mais nous étions nombreux à espérer la fin de la retraite monacale de Freel. Le 12 avril 2022, cette retraite est devenue éternelle. Il y a quelques jours, le label bordelais Talitres a annoncé la réédition en vinyle de 41. Publié par American Recordings en 1994, ce disque eut fort à faire pour s’imposer dans les charts. Coincé entre Vauxhall and I de Morrissey et The Downward Spiral de NIN, 41 affronta également le dernier concert de Nirvana et l’arrivée d’Oasis. Les délicats clairs-obscurs de Swell échappèrent donc à la grande majorité. Éternel outsider, Freel noua une relation singulière avec la France. À tel point que ce fut Talitres qui s’occupa de la sortie de South Of The Rain And Snow (2007) et de Be My Weapon, le side-project d’un Freel en perdition. A l’occasion de cette réédition, retour sur les origines et le contexte de production du disque à l’époque avec Monte Vallier et David Freel.
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Swell, porté disparu

Swell, avant.

Ces derniers temps je me dis souvent : fini les concerts de vieux. D’ailleurs est-ce que ce sont les artistes qui sont trop vieux, ou c’est moi ? Ou les deux ? Est-ce que simplement tout ça n’est pas terminé ? Qu’est-ce qu’on est censé célébrer, sinon la disparition elle-même ? Autant aller voir quelqu’un qui n’est carrément plus là. C’est ce qu’on a fait cette semaine en se rendant au concert de Swell, privés de leur chanteur mort l’année dernière. C’est un fait : David Freel n’est plus, mais nous, nous sommes encore là pour nous souvenir, même pas de lui (c’est l’affaire de ceux qui l’ont connu), mais de nous-mêmes en train d’écouter sa voix sur les disques, déjà lointaine de son vivant, fatiguée, absente. C’est peut-être ça qui faisait de Swell l’un des groupes les plus vrais des années 90 : l’incarnation émouvante du fait de ne pas être là. Mardi soir on assistait à ce paradoxe : David Freel était parti pour de bon, mais il était présent comme jamais, moins par la photo noir et blanc symboliquement posée au bord de la scène, comme une effigie sur un cercueil, qu’à travers les chansons toujours bien vivantes. Façon de dire : si nous sommes là, c’est pour toi. Mais toi, où es-tu ? Continuer la lecture de « Swell, porté disparu »

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David Freel, ombre et clair obscur

Dernier volet de notre journée hommage au chanteur et guitariste de Swell.

Swell David Freel
Swell avec David Freel (à gauche)

David Freel est mort et je peux faire un truc.

C’est ce que j’ai écrit dans le fil de messagerie de la rédaction de Section26 en lisant l’évocation par Lelo Jimmy Batista qui m’a appris la nouvelle.

Je peux faire un truc sur Swell et sur David Freel.

Commencer par : comme tous les disques qui changent la vie, Too Many Days Without Thinking, bénéficiant d’une exposition excentrique arrivant jusqu’aux oreilles des adolescent·es de recoins type Auvergne, de plis type banlieue pavillonnaire française, ce disque donc change la vie, profondément, de toustes les adolescent·es – et moins adolescent·es – qui l’écoutent, après un autre disque et avant un autre disque, selon ce mode : une musique folkish, psyché – San Francisco –, contemporaine, non clinquante. C’était ça qui nous plaisait tant et d’abord et ensuite, quand Beck était malin, Pavement frimeur et que le Royaume-Uni roulait de grosses mécaniques joyeuses mais souvent épuisantes – Swell ne brillait pas. Poudre aux yeux : néant. Continuer la lecture de « David Freel, ombre et clair obscur »

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Citizen… well ?

Retour sur l’album « …Well? » de Swell avec une interview de David Freel en 1992.

Extrait de l’article paru dans Magic Mushroom n°4 / Été 1992


Je ne me souviens plus exactement comment le deuxième album de Swell – dont nous pensions tous que c’était le premier – est arrivé jusqu’à nous. Mais je me souviens que c’était une époque où l’on aimait les disques en noir et blanc – ce n’était pas forcément une nouveauté d’ailleurs, car il me semble que nous étions pas mal de l’équipe hétéroclite du fanzine magic mushroom à nous retrouver autour de Faith… Ainsi, au tout début des années 1990, nous avions fait duSpiderland de Slint et du Frigid Stars de Codeine deux de nos albums de chevet – la lenteur comme exutoire, le silence comme revendication, la mélancolie comme art de vivre. … Well de Swell tombait plutôt bien pour compléter la trilogie imaginaire – nous étions une génération qui aimait bien les trilogies.
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Get High

David Freel / Swell (1958 – 2022)

David Freel
David Freel, New York, 1996 / Photo : Bob Berg

David Freel vient de quitter ce monde qui l’angoissait tant. Cette angoisse, il la soignait dans ses compositions. C’est au début des années 1990 que l’homme arrête sa carrière professionnelle et commence ce pourquoi il est fait : écrire des chansons. Loin des élucubrations soniques de Seattle, il rencontre le batteur Sean Kirkpatrick et fait de la Californie, avec ses disques, une terre grise. Dès le début de Get High, premier morceau de Swell (Psycho-Specific Records, 1990), on ressent et comprend surtout que la personne qui a écrit ce titre-là sait écrire et a un don pour tisser des ambiances ni ensoleillées ni pluvieuses… Mais maussades – ce que confirmera le splendide … Well (1991). Continuer la lecture de « Get High »

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Pictures on my wall : Éric Pérez

Photo : Éric Pérez
Photo : Éric Pérez

Un Breton aux origines espagnoles, amoureux du Pays Basque et du ballon ovale : a priori, il y avait de fortes chances pour qu’on s’entende, Éric et moi. D’autant qu’en plus de tout cela, il y avait une certaine insouciance, un gout sûr pour le Rioja et donc, la musique. Dans l’équipe de Magic Mushroom puis parmi les quatre cofondateurs de la RPM, il tenait à merveille le rôle du taiseux : observateur plus que bonimenteur, il prenait la parole toujours à bon escient et se démarquait de nous tous par ses gouts fortement ancrés dans une certaine tradition rock – à prendre dans son sens non galvaudé – et je crois que sa sélection de photos confirme un peu cela. Continuer la lecture de « Pictures on my wall : Éric Pérez »