Get High

David Freel / Swell (1958 – 2022)

David Freel
David Freel, New York, 1996 / Photo : Bob Berg

David Freel vient de quitter ce monde qui l’angoissait tant. Cette angoisse, il la soignait dans ses compositions. C’est au début des années 1990 que l’homme arrête sa carrière professionnelle et commence ce pourquoi il est fait : écrire des chansons. Loin des élucubrations soniques de Seattle, il rencontre le batteur Sean Kirkpatrick et fait de la Californie, avec ses disques, une terre grise. Dès le début de Get High, premier morceau de Swell (Psycho-Specific Records, 1990), on ressent et comprend surtout que la personne qui a écrit ce titre-là sait écrire et a un don pour tisser des ambiances ni ensoleillées ni pluvieuses… Mais maussades – ce que confirmera le splendide … Well (1991). Swell enrichit son effectif famélique du bassiste Monte Vallier, signe chez les Anglais de Beggars Banquet en 1993 et file enregistrer à Frisco leur troisième album, 41. Freel fait coup double avec ce disque qui lui permet de montrer l’étendue de sa palette de gris et surtout d’installer Swell sur les radars de la presse musicale américaine et européenne. Le successeur de 41 est attendu fébrilement. Le groupe signe alors chez American Recordings. Et l’histoire aurait pu être fantastique : le label de Rick Rubin aurait pu propulser le trio en première division. Mais les problèmes financiers et la valse des producteurs (Frank Black, Eric Sarafin, Jeffrey Wood et enfin Kurt Ralske d’Ultra Vivid Scene) retardent la sortie de Too Many Days Without Thinking. Boucles anémiées, percussions chirurgicales : les chansons de David Freel déploient tout leur arôme dans le corset serré de la production de Ralske. Évidemment, Swell loupe le coche… Le disque est sorti chez Beggars avec un train de retard. Adieu le succès grand public. Mais les bienheureux qui ont acheté cet album se plongent encore aujourd’hui avec délectation dans le crachin existentiel d’un Freel au final intouchable.

David Freel / Swell
David Freel / Swell

Il faut évidemment bien payer l’addition après ces deux grands albums. La suite fait un peu moins l’unanimité. Kirkpatrick est absent de For All The Beautiful People (1998), Vallier quitte définitivement le navire avant Everybody Wants To Know (2001). Freel, lui, s’isole de plus en plus mais continue sa catharsis brumeuse. Ici et là, on découvre des merveilles envoûtantes à vous faire aimer le désespoir. Swell est sorti lessivé des années 1990 et au final, ruiné. Les années 2000 deviennent les heures de rattrapage des étourdis. Avec Bastard & Rarities (2003) et surtout The Lost Album (2008), Swell en impose encore. Mais le caractère de Freel, les à-côtés du groupe… Il faut toute la passion de Sean Bouchard de Talitres (déjà responsable de la sortie de The Lost Album) pour entendre et voir de nouveau Freel sous l’étiquette (toujours grise) de Be My Weapon (deux albums au compteur), en guise de chant du cygne. Replié dans la région de Portland depuis une dizaine d’années, David Freel continuait d’écrire des chansons et rééditait les disques de Swell.

Il est mort le 12 avril 2022.

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