Selectorama : David Christian & The Pinecone Orchestra

David Christian
David Christian / Photo : Anne-Laure Guillain

Si l’on devait trouver un exemple de dévotion, il faudrait parler du cas de David Christian. Il lui aura fallu passer presque trente ans à la tête des passionnants Comet Gain avant d’avoir l’idée de publier un album solo. Et la surprise est de taille. S’il ne s’éloigne jamais complètement de l’univers de Comet Gain avec ses paroles parfois mordantes, Christian a choisi d’approfondir le pendant folk rock du groupe. En laissant entrer plus de chaleur musicalement et sans en faire des tonnes, For Those We Met On The Way est sans doute son disque le plus touchant à ce jour. Expatrié dans le sud de la France, David Christian semble vouloir tourner une page en jouant avec les souvenirs du passé. Que ce soit ceux de son Angleterre natale où ceux liés à de vieilles connaissances. La réussite de l’album tient également au casting parfait qu’il a réuni sous le nom de The Pinecone Orchestra. On y retrouve aussi bien l’ex Teenage Fanclub Gerard Love que des membres de The Clientele, Zombie Zombie et, oh surprise, Comet Gain. Sorti trop discrètement en fin d’année dernière, on sait malheureusement For Those We Met On The Way condamné à un quasi anonymat. Ne reste plus qu’à souhaiter que les chansons de l’album comptent autant pour une poignée d’auditeurs que celles qui ont marqué David Christian au fer rouge, et qu’il nous présente dans ce Selectorama.

01. The Soft Boys, I Wanna Destroy You

En tant qu’adolescent passionné par la musique et la culture des années soixante, j’ai particulièrement accroché à la scène un peu barrée qui s’est largement inspirée de cette période dans les 80’s. Ma pop star favorite de l’époque était Julian Cope. Robyn Hitchcock, son jumeau psychédélique était plus obscur, underground et mystérieux. Il fallait vraiment fouiller les bacs des disquaires pour avoir la chance de trouver un de ses albums. Underwater Moonlight est un disque parfait. Il s’ouvre stridemment avec I Wanna Destroy You, un titre aussi tranchant qu’une lame de rasoir.

02. Gene Chandler, Nothing Can Stop Me

Ce titre de Northern Soul a créé un lien fort entre mes camarades et moi à une époque. On se le chantait les uns aux autres jusqu’au bout de la nuit. C’était presque un défi. Écrite par Curtis Mayfield, cette chanson est un doux mélange de rythme et de mélancolie. Je l’ai découverte sur une excellente compilation de Soul, Up All Night. Elle ne quittait jamais la platine les weekends de grand froid. Je suis maintenant le fier propriétaire d’un 45 tours original mais ultra rayé de Nothing Can Stop Me. Ce type de disque se doit d’être usé pour être chéri.

03. The Nerves, Working Too Hard

C’est le haut du panier de la Power Pop. Si Working Too Hard dure moins de deux minutes, on y trouve plus d’accroches qu’il n’en faut. L’énergie de cette symphonie pour adolescent crée de l’enthousiasme. Il faut l’écouter à plein volume. Quel que soit le boulot abominable que vous avez, chantez-là dans votre tête et ça ira mieux. The Nerves n’ont sorti qu’un Ep de quatre titres qui dure moins de huit minutes au total. C’est le seul disque de pop qu’il vous faut dans votre collection.

04. The Servants, She’s Always Hiding

À la mi-temps des 80’s, mes journées étaient rythmées par des 45 tours de musique indépendante. Principalement des chansons joyeuses au son frais et sauvage issues de la New Pop Revolution : Jasmine Minks!, McCarthy, Shop Assistants…  She’s Always Hiding sortait du lot. J’ai cru découvrir un trésor. On dirait qu’il s’inspire du meilleur des morceaux calmes du Velvet Underground. C’est une rêverie à la Pale Blue Eyes qui éclot quand la batterie se mélange aux guitares au son endolori largement inspiré de Felt. Ce titre évolue dans un univers unique et tellement séduisant que vous ne pouvez-vous empêcher de l’écouter en boucle.

05. The Wimple Winch, Save My Soul

Comme déjà précisé, j’étais obsédé par les 60’s. Mais les bons albums étaient difficiles à trouver en ces temps préhistoriques. Lorsque des labels comme Edsel et Bam Caruso ont commencé à sortir des compilations bourrées de pépites, on se jetait dessus pour les dévorer. L’une d’entre elles, The Psychedelic Snarl, revenait sur le mouvement Freakbeat. Elle a eu une importance biblique. Les mots Snarl (grognement), Freak (flippant, fou) et Beat (rythme) résument parfaitement le son de ces groupes : de la musique punk dégénérée qui rugit dans vos enceintes. Aujourd’hui encore je frissonne à l’écoute de ces titres de The Eyes, The Creation, Mickey Finn

06. Mark Eitzel, I Miss You

Certaines chansons sont des fantômes de moments passés. Je suis un gros fan de ce qu’a composé Mark Eitzel pour American Music Club et en solo. Je me souviens encore à quel point j’étais excité le jour de la sortie de son album Klamath. Je travaillais dans un magasin à Soho et je passais une sale journée. Seule l’idée de découvrir le soir même les chansons de ce nouvel album, que j’espérais tristes, me faisait tenir. Vers 20h, j’ai pris le bus, je me suis assis à l’étage, au premier rang. J’ai ouvert une canette de bière glacée et j’ai pressé play. Quand le quatrième titre, I Miss You, a commencé, j’ai été submergé par sa beauté. Je l’ai joué et rejoué. Les albums solos de Mark Eitzel sont malheureusement passés inaperçus. C’est dommage, car ils sont habités d’une puissante magie.

07. Clinic, Monkey On Your Back

A la fin des années quatre-vingt-dix, j’ai commencé à me lasser des nouveautés. Le punk érudit des labels américains K et Kill Rock Stars commençait à perdre de son charme et je n’entendais rien d’autre capable de me passionner. Jusqu’à ce que je découvre Clinic, qui était un mix ridiculement parfait de tous mes groupes préférés : The Seeds, The Fall, Can, The Velvet Underground etc. A tel point que je me suis demandé si mon imagination n’avait pas inventé Clinic. J’adorais leurs paroles inspirées par le mouvement Dada et leur look ésotérique. Au début de leur carrière, tous leurs albums se ressemblaient. Ce n’était pas bien grave, ils étaient tous parfaits. J’aurais pu tuer quelqu’un pour sonner comme eux, mais ça aurait été impossible car seuls ces gros bâtards sont capables d’y arriver. Clinic continue à sortir des albums et tous sont géniaux.

08. Lilac Time, Whisper Of Your Mind

Je suis très client d’un type de mélancolie profondément anglais que je retrouve dans les voix et les paroles d’artistes comme Prefab Sprout, Bill Fay ou Sandy Denny. J’adore les écouter vers deux heures du matin. J’ai l’impression que je peux me confier à eux. Stephen Duffy est l’un des plus doués d’entre eux. Il a composé un arsenal de chansons tristes à écouter à la tombée de la nuit. Whisper Of Your Mind est l’une de mes préférées. C’est un extrait de l’album Astronauts qui navigue entre le folk, la pop et le rock. Quand j’enregistre un album, je veux toujours placer ce type de morceau en ouverture. C’est un point de départ qui me permet de trouver ma propre voix pour la suite.

09. West Coast Pop Art Experimental Band, Transparent Day

Mes goûts sont plutôt simples en matière de musique. J’aime que le punk soit sauvage et dégénéré, que la musique psyché soit étrange et trippante et que le folk rock monte progressivement en puissance et scintille. The Byrds est un groupe parfait, mais je ne pouvais me contenter que de leurs chansons. J’ai commencé à chercher des groupes qui sonnaient comme eux. C’est comme ça que je suis tombé sur ce titre du West Coast Pop Art Experimental Band au joli mix d’harmonies vocales, de guitares et de mystère. Il est extrait d’une compilation qui porte le même titre dont le psychédélisme éthéré m’a bluffé.

10. Tv Personalities, Three Wishes

Cette chanson a changé ma vie de la même façon que The Smiths ou The Clash pour d’autres. Elle m’a fait réaliser que je n’étais pas le seul à me sentir étrange, timide et maladroit. Le son était un peu 60’s, un peu Mod (j’étais un gros fan de The Jam et The Who), un peu Post Punk mais il avait surtout un feeling écrasant. J’y trouvais une sorte d’empathie aigre-douce et le ressenti d’un désir ardent. J’étais peut-être à côté de la plaque. Quand j’ai réussi à trouver leurs deux premiers albums, j’ai eu la certitude de trouver “mon” groupe. Quand Comet Gain a commencé, Dan Treacy nous a énormément aidés. Rien que pour ça et les chansons qu’il a écrites pour les Tv Personalities, j’ai l’impression de lui devoir une dette énorme. Merci Dan.


For Those We Met On The Way de David Christian & The Pinecone Orchestra est disponible chez Tapete Records/Big Wax.

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