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Selectorama : Kristine Leschper

Kristine Leschper
Kristine Leschper / Photo : Tyler Borchardt

Il y a un sentiment de l’ordre de la tendresse lorsque l’on observe — ou plutôt, dans ce cas-ci, écoute — un individu naître à lui-même. Kristine Leschper, après avoir œuvré pour quelques disques avec le groupe Mothers, nous offre avec beaucoup de grâce et justement, à l’orée du printemps, The Opening, Or Closing Of A Door. Un album d’éclosion intime, subtil et complexe, et dont les mélodies soignées et les instrumentations oniriques raviront les amateurs de musique intérieure paradoxalement épique. On ressent avec beaucoup d’émotion la sincérité non-feinte d’une véritable proposition de réponse à la problématique audacieuse d’être-soi où même le plus lisse des sons qui en résulte se laisse aller sans crainte aucune aux pointes les plus fragiles de la vulnérabilité. Guidée par les tourments du monde et par la voix-guide de la poétesse June Jordan, Leschper fait glisser avec beaucoup de talent et en treize titres ciselés la mise en scène d’un théâtre miniature en forme de cœur humain, que l’on vous conseille ardemment d’y aller jeter une oreille ou deux. Continuer la lecture de « Selectorama : Kristine Leschper »

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Selectorama : Tanz Mein Herz

Tanz Mein Herz
Tanz Mein Herz / Photo : Pierre Bujeau, 2016.

On ne sait pas trop s’il s’agit d’un collectif ou d’un supergroupe, mais peu importe, seul le résultat compte. Musique expérimentale ? Traditionnelle ? Le curseur s’affole sans se poser. Après plusieurs essais improvisés, Jérémie, Mathieu et Yann décident de segmenter leurs différents projets et de les nommer : naissent alors France, Zeitspielraum ou encore Meutr. Au gré de rencontres et sans opter pour un line-up statique, ils décident un soir, au Crous de Valence, d’appeler leurs efforts communs Tanz Mein Herz, en référence aux maigres notions d’allemand de Mathieu. En guise d’introduction aux musiques traditionnelles, la bande fréquente assidûment les concerts de Toad, le projet de Yann Gourdon & Guilhem Lacroux vite rejoints par Pierre-Vincent Fortunier. « C’était complètement barjo, ça jouait très fort, très sale avec une nonchalance très rock qui ne pouvait que nous plaire ». L’amitié entre tous les membres de Tanz Mein Herz est le lien qui fédère l’ensemble, leur musique est non calculée, navigue au gré des sensibilités et des envies. Ils prennent leur temps, fonctionnent par thèmes, pour les enregistrements comme pour les lives. Tout part souvent d’une rythmique, d’une ligne de basse et d’un placement spécifique des membres en cercle, car comme le dit si bien le groupe d’une seule voix, il veut être également auditeur de son propre son.

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Selectorama : David Christian & The Pinecone Orchestra

David Christian
David Christian / Photo : Anne-Laure Guillain

Si l’on devait trouver un exemple de dévotion, il faudrait parler du cas de David Christian. Il lui aura fallu passer presque trente ans à la tête des passionnants Comet Gain avant d’avoir l’idée de publier un album solo. Et la surprise est de taille. S’il ne s’éloigne jamais complètement de l’univers de Comet Gain avec ses paroles parfois mordantes, Christian a choisi d’approfondir le pendant folk rock du groupe. En laissant entrer plus de chaleur musicalement et sans en faire des tonnes, For Those We Met On The Way est sans doute son disque le plus touchant à ce jour. Expatrié dans le sud de la France, David Christian semble vouloir tourner une page en jouant avec les souvenirs du passé. Que ce soit ceux de son Angleterre natale où ceux liés à de vieilles connaissances. La réussite de l’album tient également au casting parfait qu’il a réuni sous le nom de The Pinecone Orchestra. On y retrouve aussi bien l’ex Teenage Fanclub Gerard Love que des membres de The Clientele, Zombie Zombie et, oh surprise, Comet Gain. Sorti trop discrètement en fin d’année dernière, on sait malheureusement For Those We Met On The Way condamné à un quasi anonymat. Ne reste plus qu’à souhaiter que les chansons de l’album comptent autant pour une poignée d’auditeurs que celles qui ont marqué David Christian au fer rouge, et qu’il nous présente dans ce Selectorama. Continuer la lecture de « Selectorama : David Christian & The Pinecone Orchestra »

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Selectorama Livres : JB Hanak

JB Hanak
JB Hanak

Il fut un temps où Jean-Baptiste Hanak n’avait pas franchement volé son surnom de mec le plus drôle d’internet. Autant d’inconscience affirmée (et c’est parfois encore le cas, son compte twitter est particulièrement finaud) et de réactivité sur des sujets proactifs dont même lui se fout éperdument ne peuvent faire obstacle au fait que la vie est passée par là et que, mine de rien, diverses saloperies dont une belle, la perte de son grand frère Fred Hanak, avec qui il menait une guerre souterraine sous le nom de dDamage, lui ont sûrement imposé, sinon, une sagesse, parfois une pudeur et l’envie de retracer leurs aventures hautement improbables. Pratiquant l’animal depuis plusieurs décennies, je peux dire que cet humain (après tout) est à la fois autant hypersensible qu’épuisant. Mais une vraie considération nous préoccupant au-delà d’une haute fanitude pour le groupe grunge originel Mudhoney (dont il a finalement réalisé une pochette, eh ouais, la classe, un peu) et après plusieurs rendez-vous avortés (à propos de son disque avec Pierre Richard, de sa BO pour l’ultime prestation de Brigitte Lahaie, et surtout pour cette pizza que tu m’as promise à la suite d’un pari perdu d’avance, et que tu me dois toujours, salopard de merde) j’ai décidé de prendre le trublion par les sentiments en changeant drastiquement de sujet. Ça tombait bien puisqu’il (en plus de tout le reste) vient de publier un livre intitulé Sales chiens chez Léo Scheer. Et ce livre, aussi court, nocif et nonobstant exaltant qu’une pointe de mauvais speed polonais au petit matin, se lit comme un témoignage effarant de quelques aventures vécues en tournée. C’est rapide, perturbant, épuisant et c’est un lien qu’il tisse avec celui qui est parti, c’est une scansion qui ne demande qu’à perdurer et dont on espère (lire) la suite. Sans jamais compter sur aucune forme de relâchement. Donc on sort des dix morceaux du Selectorama, et on passe aux dix livres qui font ce qu’il est. Et franchement, ça n’était pas le pire galop d’essai pour cette nouvelle rubrique. Prenez-en de la pointe de couteau au petit matin. Sous vos applaudissements. Et je rajoute que si vous n’avez jamais lu Donald Goines, je vous plains et je vous envie à la fois. Continuer la lecture de « Selectorama Livres : JB Hanak »

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Selectorama : JJ Ulius

Monokultur
Monokultur
L’an dernier, un nom mystérieux avait surgi du néant : JJ Ulius, un suédois dont la seule particularité concrète était sa géolocalisation, du côté de Södra Hamngatan à Göteborg. Son formidable premier album aux compositions ténébreuses et bancales, laconiquement intitulé VOL I avait suivi celui paru sous le nom de Monokultur, Ormens Väg, composé aux côtés de Elin Engström (avec qui il partage aussi un autre alias, Skiftande Enheter) pour son label Mammas Mysteriska Jukebox.
Nous en parlions en ces termes : « Cette collection de rêveries sonores marie dans les limbes le familier et l’étrange. Tout au long de ce disque, on repère de nombreuses influences qui semblent limpides : ici Grouper, là Peaking Lights, His Name Is Alive, Delia Derbyshire ou encore Scientist. » En cette fin d’année, nous avons été quelques-uns a saluer la beauté singulière de cet album hors du temps dans nos comptes-rendus de l’année, l’occasion rêvée d’interroger l’homme sur ses morceaux de chevet. Bonne nouvelle, sa sélection prouve la vivacité d’une scène suédoise qui mérite bien plus qu’une attention lointaine.

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Selectorama : Olivier Albert Brion

Olivier Albert Brion
Olivier Albert Brion

Une orbite incertaine, une périodicité fluctuante : à l’instar de certaines comètes, Olivier Albert Brion laisse irrégulièrement entrevoir quelques-unes de ces lueurs pop fulgurantes dont il semble détenir le secret. Des apparitions aussi rares que précieuses qui s’étendent désormais sur quatre décennies. Dorian Gray, The Yachines, Discover, OHIO ou nom de baptême : les appellations changent et le contexte aussi. Cela n’a que peu d’importance puisque c’est toujours ce même sens de la mélodie nostalgique qui irradie, cette expression unique, francophone et anglophile, où les terres à fantasmes anglo-saxonnes servent souvent de toiles de fond aux projections d’un imaginaire singulier et intime. Autant dire que le retour discret et tardif d’Olivier Albert Brion dans les ultimes semaines de l’année révolue est apparu comme un événement digne de considération : un nouveau projet décliné sous forme de triptyque. Vingt et un morceaux publiés au fil de trois Ep’s numériques de vingt-et-une minutes chacun pour ponctuer la fin de l’année 2021 –Potomac, Maryland et Lady Bird.  Il y a du Felt, bien sûr, dans ce petit jeu de la numérologie obsessionnelle et ça n’est évidemment pas pour nous déplaire. En attendant les publications à venir et une évocation plus complète de ce qui pourrait bien devenir l’un des meilleurs albums de 2022, le principal intéressé s’est prêté de bonne grâce à l’exercice du Selectorama. Continuer la lecture de « Selectorama : Olivier Albert Brion »

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Selectorama : Kit Sebastian

Kit Sebastian
Kit Sebastian / Photo : Munéyuki Sugiyama

Deux ans après un magnifique premier album, le duo Anglo-Turc revient avec un deuxième disque intitulé Melodi (Mr Bongo). Digne successeur du premier, il enrichit l’univers musical du groupe et témoigne de leur maturité dans leur évolution sonore. Il est difficile de définir d’où vient musicalement et culturellement le duo, tant leurs repères et pied-à-terre sont anglais, turcs, italiens et français. À la croisée des chemins entre musiques traditionnelles et funk venant d’Orient, du Caucase et d’Amérique latine, Kit Sebastian nous montrent qu’ils sont surtout un duo de diggers. Toujours à l’affut de disques oubliés de la musique pop ou traditionnelle originaire des quatre coins du monde, ils continuent à puiser leur inspiration dans ces trésors de vide-greniers. Après un concert mémorable à Paris en novembre dernier, le duo s’apprête à commencer une tournée Anglaise en février prochain et nous fait l’honneur de partager avec nous certains de leurs morceaux fétiches. Continuer la lecture de « Selectorama : Kit Sebastian »

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Selectorama : Bobby Would

Bobby Would
Bobby Would

En janvier dernier, les lecteurs de Section 26 avaient pu se délecter – en avant-première -, de deux excellents titres extraits du deuxième album de Bobby Would, World Wide World (sorti sur le label Low Company). Il ne fait désormais aucun doute que ce disque captivant restera parmi les plus réussis de l’année 2021. Avec son atmosphère hypnotique et étrange, aux accents parfois presque orientaux, ses guitares carillonnantes et lumineuses se mélangeant à des mélopées sépulcrales envoûtantes, ses nappes de synthétiseurs aux sonorités old school, World Wide World nous plonge dans un monde parallèle. Exigeante et audacieuse mais sans jamais verser dans l’autisme de certaines productions expérimentales, la musique de Bobby Would parvient à faire cohabiter élégamment exploration sonore et lisibilité mélodique.

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