Selectorama : Maxwell Farrington & Le SuperHomard

Maxwell Farrington & Le SuperHomard
Maxwell Farrington & Le SuperHomard / Photo : Anais Oudar

Il y a des villes avec lesquelles on ne plaisante pas. Brisbane est de celle-ci, berceau de groupes qui comptent, ici et sans doute ailleurs aussi – The Saints dans le rôle de parrains, mais surtout The Go-Betweens et The Apartments. C’est la ville d’où est originaire Maxwell Farrington, baryton gouailleur passionné de cuisine et de vins bio, autant de passions qui pourraient en faire, toute proportion gardée, une sorte de Pepe Carvalho de la pop moderne – version orchestrée. Cette pop moderne orchestrée, elle est imaginée par Christophe Vaillant, son acolyte de quelques années son ainé et au nom de héros de bande dessinée.

Depuis leur fameuse rencontre dans un festival parisien à une époque où l’on avançait sans masque, ces deux-là imaginent entre le sud et le nord-ouest des chansons aux courbes atemporelles – entre claviers vintage et cordes diluviennes, rythmiques insouciantes et guitares qui baguenaudent –, comme en témoigne l’excellence surannée de Please, Wait…, deuxième album d’une élégance folle (mentions très spéciales pour les singles Postprandial Promenade – en duo avec Nadine Khouri – et Begging’s Not My Business, mais aussi The Nimbostratus Jig, Hexagon ou Catch 42) imaginé au cours de l’année passée.

Une année 2023 qui restera sans doute déterminante dans le parcours du tandem et de son groupe. Car adoubé par son  héros de jeunesse Paul Weller, l’ami Vaillant a trouvé aussi le temps de lui écrire quelques chansons pour un prochain album prévu au printemps alors que le groupe a été un invité DeLuxe sur les dates de la tournée européenne de l’ancien Style Council… Un tel parrainage en dit assez long sur le talent absolu de ces deux hommes – sans doute bien plus que les mots qu’on essaye de trouver à l’heure de vous convaincre que ce nouveau disque, sur lequel planent avec une jolie discrétion les ombres de Burt et de Scott, est le compagnon assez parfait des jours qui rallongent et des caresses d’un soleil encore timide. Et avant de découvrir quelles sont les chansons qui ont accompagné l’écriture et l’enregistrement de Please, Wait…, reste alors le souhait que Le SuperHomard en pince encore longtemps pour Maxwell Farrington.

01. Nora Guthrie, Home Before Dark

Christophe : Nora Guthrie est la fille de Woody Guthrie et elle a enregistré quelques chansons – très très peu apparemment– avant de laisser tomber sa carrière naissante de chanteuse. Ce titre a quelque chose de fragile et beau à la fois que j’adore. C’est encore Maxwell qui m’a fait découvrir cette chanson. On y retrouve du Hautbois – ou du cor anglais? – que nous avons beaucoup utilisé nous aussi dans Please, Wait….

02. François De Roubaix, Indicatifs Télé Zaïre & Megève Mont d’Arbois 

Christophe : J’ai récemment découvert ces titres que je ne connaissais pas de François de Roubaix – qui est un artiste que j’aime beaucoup – sur des compilations que j’ai offertes à une personne qui compte beaucoup pour moi. Et je ne peux pas m’empêcher d’utiliser des synthétiseurs, souvent bien cachés, dans tout ce que je fais à cause de ce genre de morceaux qui squattent ma playlist Spotify, interrompue toutes les trois chansons par une pub pour une salle de sport, un logiciel merdique ou un rappeur variétoche ignoble car je n’arrive pas à me décider à enfin m’abonner. Je pourrais aussi citer Bruce Haack et Mort Garson que j’écoute énormément.

03. The Style Council, It’s A Very Deep Sea

Christophe : Et je vous cite encore l’ami Paulo, désolé ! J’ai pu le voir/entendre chanter cette merveilleuse chanson – qui date de 1988 sur le très sous-estimé Confessions of a Pop Group de The Style Council – tous les soirs de sa tournée européenne l’an dernier où nous assurions les premières parties et me dire que “Merde, il est sacrément bon le gars !” Une certaine idée de la classe pop que j’admire.

04. Squeeze, Up The Junction

Maxwell : Quand j’ai appris la guitare, je commençais à comprendre pourquoi certaines chansons étaient plus intéressantes dans la composition que d’autres. Comme Perfect Day de Lou Reed avec les couplets en mineur et le refrain joyeux en majeur. C’est mon père qui m’a appris à jouer Up The Junction et m’a fait découvrir toute la splendeur d’un changement d’accord subtil qui fait grandir un morceau – c’est tellement bien fait. Et bien sûr, les paroles sont très touchantes.
Christophe : Écoutez à 2 minutes 18 secondes et vous comprendrez pourquoi Maxwell, qui adore ce titre tout autant que moi, a intitulé une de nos chansons Begging’s Not My Business. Je suis particulièrement admiratif du changement d’accord dont Maxwell parle à 1 minute 38 seconde, qui est d’une finesse absolue.

05. The Stranglers, Peaches

Maxwell : Cette chanson est géniale mais elle est l’est encore plus comme générique d’une émission intitulée Floyd on France animée par mon idole culinaire Keith Floyd. Il utilise aussi Waltzinblack pour Floyd on Italy ! Dans Please, Wait…, il y a pas mal de références culinaires, j’ai du mal à m’empêcher puisque la cuisine occupe une grande partie de ma vie. Et le vin nature aussi.

06. Timi Yuro, Hey Boy (Hey Girl)

Christophe : Un titre de Northern Soul dont les arrangements luxuriants m’ont mis a genoux dès la première écoute. C’est dans le côté “epic” – comme le dit Maxwell – de ce style de titres que certains titres de notre album puisent leur influence .

07. Kevin Ayers, The Clarietta Rag

Maxwell : Kevin Ayers, la raison pour laquelle je vis en France ! Je voulais absolument le rencontrer, c’était mon but, même si on dit “ne rencontre jamais tes idoles” – ce qui n’est pas forcément vrai, la preuve, Christophe et Paul Weller ! Malheureusement, Mr. Ayers est mort juste après mon arrivée à Marseille. Une triste affaire. Il reste un de mes plus grands influences musicales – le mariage touchant de la joie et de l’absurde.
Christophe : Kevin Ayers est absolument adulé par Maxwell et j’ai écouté une autre chanson qui s’appelle Eleanor’s Cake (Which Ate Her) en boucle lors de la création de l’album – un côté pastoral qui me plait énormément et qui se retrouve probablement dans nos arrangements de cordes, flûte, hautbois…

08. Matthew Sawyer, Revenge of the Extra from Zulu

Maxwell : C’est un artiste que j’ai trouvé sur… MySpace ! J’ai très peu d’informations sur lui. Il a sorti deux albums je pense, je n’ai jamais pu le voir sur scène. Ses chansons m’ont bien marqué, surtout celle-ci. Les paroles évoquent des images très originales et très drôles.

09. Floating Points, Pharoah Sanders & The London Symphony Orchestra,  Promises – Movement 6

Christophe : Probablement le disque que j’écoute le plus depuis 2022 : une suite de neuf mouvements assez fascinante où le musicien anglais Floating Points, alias Samuel Shepherd, utilise une série de quatre ou cinq motifs de claviers – Fender Rhodes, Celesta, Clavecin, Hammond, EMS Synthi, ARP 2600, Solina… que des choses qui me parlent énormément – pendant une quarantaine de minutes et où le saxophoniste Pharoah Sanders joue –  pour la dernière fois avant sa mort je crois – de manière assez magnifique. Il improvise aussi un peu au chant d’une maniéré assez surprenante. Sur le mouvement que j’ai choisi intervient aussi le London Symphony Orchestra et là, c’est carrément magique !

10. Kevin Blechdom, Use Your Heart As a Telephone

Maxwell : Originaire de Floride, elle a tourné pas mal en Australie et a pas mal séjourné à Brisbane, à Wedd Street – une rue où j’habitais et très importante dans mon éducation culturelle. Elle a donné un concert vraiment monstrueux sur une place publique où elle a chanté I Will Always Love You avec une dizaine de changements de tonalités sur la fin de la chanson. Une véritable machine sur scène et une génie musicale.


Please, Wait… par Maxwell Farrington & Le SuperHomard est disponible chez Talitres.

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