CharleneDarling est née alors que Charlotte avait déjà 16 ou 17 ans, au moment où elle écrivait pour la revue Minimum Rock’n’Roll. Un peu plus tard, elle tentait ses premières expérimentations musicales dans Pussy Patrol. Elle y jouait sans technique, à l’instinct : « J’aimais bien que ça joue mal, parce que j’avais en tête les Shaggs, ce genre de groupe. » Le principe restera le dénominateur commun de tous les projets dans lesquels elle a joué, prouvant que l’amateurisme ou les erreurs peuvent devenir magnifiques. Octobre 2019, Charlotte Kouklia de son état civil, que l’on a pu entendre dans Rose Mercie mais également dans La Ligne Claire, sort Saint-Guidon, un album sous le nom de CharleneDarling.
Retour sur la route des tournées pour les montréalais SUUNS, partis défendre ce cinquième album The Witness face à un public enfin retrouvé. En presque 15 ans d’existence, le groupe est désormais devenu un trio après le départ du claviériste Max Henry, présent depuis leurs débuts. Cette fois, ils ont travaillé en symbiose avec leur époque, en auto-enregistrant et autoproduisant ces huit titres pendant l’année noire, en 2020. Le résultat dénote, surprend, et nous envoie dans une sorte d’écho à ce monde parallèle vécu, où tout s’est ralenti et confiné. Mélodies minimales et éthérées, tempos ralentis, tout prête à l’introspection. Pour ce nouveau chapitre, ils ont accepté de nous livrer quelques-unes des clés de leur univers.
Les bretons défendent leur nouvel album samedi au festival Le Grand Saut à Angers.
Bantam Lyons
Après un album et trois EP – le dernier datant de 2017 – on attendait impatiemment le retour de Bantam Lyons. Défi relevé avec brio, le nouvel album Mardell s’imposant comme une suite évidente et superbement brute. Huit titres obsédants qui sentent tous la fumée, la bière, le vent et la pluie. Car on ne peut dissocier Bantam Lyons de Brest et de la Bretagne, en témoigne, s’il le fallait, la fiévreuse Ar Stêr, chanson en breton. Ce n’est pas la Bretagne des toits de chaume et des chaumières ensevelies d’hortensias, mais un pays rêche, sauvage. Et beau.
Certaines chansons finissent en sec coup de fouet – Pintor – d’autres étirent un spleen mélodieusement triste – The Lass of Breacon – d’autres encore tapent un rythme envoûtant – St Dô… A chaque fois un univers dans lequel on se laisse engloutir avec volupté, de la mélancolie feutrée au spleen violent, le sombre décliné jusqu’à l’outre-noir, un vrai Soulages musical mais toujours infusé d’un brouillard lumineux. La sensibilité ne tombe jamais dans l’introspection grandiloquente, peut-être est-ce dû à la langue anglaise, un rempart qui leur permet de préserver l’intime. Continuer la lecture de « Selectorama : Bantam Lyons »
Prog. C’est le vilain adjectif facile que certains bas du front réservent habituellement à ce qui leur pose trop de questions. Un raccourci que j’ai moi-même utilisé sans fard pour Aquaserge. Plus souvent à tort qu’à raison. Car même pour le fan absolu de King Crimson que je suis (pour Yes, c’est toujours NO, en revanche), les circonvolutions tapageuses dont j’ai été le témoin semblaient se poser plus dans une logique de l’exagération que de la finesse. Un concert, il y a quelques années, en Belgique, où j’avais eu peine (malgré une certaine excitation et les excès dus au pays, le bien boire et le bien manger) à devancer le magma facétieux de la formation. Un groupe, restreint, qui semblait effectivement marcher à la Vander. Mais c’est précisemment le genre de question que pose l’étiquette infamante du « prog » à nous, ceusses qui venu à l’esthetique, d’abord râpeuse et affirmée du post punk puis celle, variable et bien plus colorée de la pop anglaise indépendante ou non, puis du rock dit « alternatif » de la vieille union des Amériques. En parlant de post punk, je ne saurais feindre la surprise de trouver aujourd’hui, précisement,The Possibility Of A New Work From Aquaserge dans la mythique série Made To Measure du prestigieux label bruxellois Crammed Discs. Continuer la lecture de « Selectorama : Aquaserge »
Ivan Smagghe a consacré les derniers mois dans sa maison de l’Est londonien, à lire toujours plus de livres, à regarder toujours plus de films… avant de retrouver le sens de sa démarche et de reprendre le chemin des clubs, où le Dj et producteur demeure une des personnalités les plus attachantes de ces trois dernières décennies. Sur le fil toujours, des bancs de Science Po aux ondes de Radio Nova, des lignes de la RPM au comptoir du disquaire Rough Trade jadis rue de Charonne, Ivan incarne à son corps défendant une certaine idée de la musique, sans concession, ni chapelle, ni dogme. Dans Passeur, le récit autobiographique de Jean-Daniel Beauvallet à paraître, l’ancien rédacteur en chef des Inrocks se souvient qu’Ivan le Terrible lui conseille alors ainsi le premier album de Palace Brothers : « Ça devrait te plaire, c’est hyper chiant ». Il joue alors aux soirées Respect à côté de la scène émergente, Daft Punk ou Dimitri From Paris en tête, mais c’est un petit club des Grands Boulevards qui l’intronise sommité dark aux Dj sets remarquables. Continuer la lecture de « Selectorama : Ivan Smagghe »
Il y a quelques années avec Dream Loser, Don Idiot sortait un premier album, parsemé de titres accrocheurs et inspirés, chantés en anglais dans un registre vocal à la Richard Hell ou Johnny Thunders – l’accent frenchy en plus -, se mariant avec une musique garage rock urgente et râpeuse proche de l’univers de Gun Club. On avait pu apprécier la construction des morceaux, souvent basés sur une alternance habile entre moments de calme et de tempête, ainsi que la qualité des riffs de guitares bien affûtés, ne cédant jamais la place à l’exigence mélodique. Depuis cette première expérience, Pierre Donadio, tête pensante de Don Idiot – si le paradoxe m’est permis – a opté pour la langue française, choix très heureux qui a ajouté une nouvelle dimension à son univers. Si l’ambiance musicale reste globalement proche de celle de son premier disque, les textes en français apportent une sensibilité particulière, un côté lunaire, décalé, souvent drôle, qui se conjugue très bien avec un chant un brin nonchalant et désabusé mais touchant. On se laisse facilement emporter par ses histoires d’amour inabouties, de procrastination, d’errance nocturne et alcoolisée dans des lieux interlopes, à dériver sans but sur le bateau ivre du hasard, à chercher Dieu sait qui Dieu sait quoi. Voici les morceaux que Pierre/ Don Idiot a choisis pour Section26, chansons dont il pense qu’il « les écoutera sûrement toute sa vie. »Continuer la lecture de « Selectorama : Don Idiot »
Avant son concert samedi au festival Idéal Trouble à Paris et une tournée française, quelques pierres blanches sur le chemin de la germano-britannique.
Anika / Photo : Sven Gutjahr / Invada Records
L’impact créatif des confinements commence à sérieusement se ressentir. Pour une majorité d’artistes, ce temps libre aura apporté une pause salvatrice permettant de recharger les batteries et de se poser pour composer. Pour d’autres, cette période a été violente et traumatique. C’est le cas d’Anika qui, onze années après son premier album solo, revient avec un disque au pessimisme contagieux. Change est pourtant loin d’être une œuvre opaque. Ses angoisses et inquiétudes ressortent sous la forme d’une musique synthétique, parfois minimaliste, intense, mais toujours mélodique et inventive. La froideur apparente contraste sur certains titres avec une basse chaleureuse sous influence dub (Finger Pies, Naysayer), à mille lieux des sons post-punks éternellement recyclés. On pense beaucoup à Nico (Anika est mi allemande, mi anglaise), principalement à cause de sa voix et de son phrasé. La présence d’un titre extrait de Desertshore dans ce Selectorama n’est sans doute pas innocente. De la même façon, les titres qu’Anika a sélectionné parlent d’eux-mêmes et résument Change à merveille. Ils créent un ensemble musical cohérent, mélange d’expérimentations, de noirceur, de douceur et d’optimisme. Un bon résumé de la vie. Continuer la lecture de « Selectorama : Anika »
Impeccable Man Machine solitaire, capable de dérider les plus imperturbables popeux, Yan Wagner se révèle au grand jour en 2012 avec son premier album, Forty Eight Hours, produit par le grand Rebotini. La technopop à la Depeche Mode ou New Order semble tracer un chemin rectiligne jusqu’au dancefloor mais son compositeur aime les pas de côté. Sous le saint patronage des (plus tout) Jeunes Gens Modernes, sa participation à Jacno Future, en hommage à l’inénarrable créateur de Rectangle, augure de collaboration(s) avec Etienne Daho ou Calypso Valois, fille d’Elli & … Jacno, pour des disques léchés qui sonnent le grand retour du tuteur de la pop française aux influences anglo-saxonne, et le lancement de l’héritière d’une certaine qualité made in France. Continuer la lecture de « Selectorama : Yan Wagner »