Une voix et un visage que nous connaissons depuis plus de dix ans déjà et pourtant, James Hoare présentait en début de mois, sous le nom de Penny Arcade, son premier album en solitaire. Membre de certains des groupes les plus marquants de la scène indie pop des années 2010 – Veronica Falls, Ultimate Painting ou Proper Ornaments –, l’Anglais s’était ces derniers temps retiré de l’effervescence de la capitale britannique pour se rapprocher de ses origines, à l’ouest du pays. On le retrouve avec Backwater Collage, un disque mélodieux, au son très clair et lumineux, tout en douceur et en lenteur ; mellow, dirait-on chez lui. C’est aux fondements de sa culture musicale qu’il revient aussi lorsqu’il commente les dix titres qu’il a sélectionnés pour nous. Il y a dans ses paroles des récurrences qui font sourire tant elles reflètent son identité musicale : la guitare comme colonne vertébrale, la nécessité du do it yourself, le minimalisme en maître-mot.
Certaines personnes semblent atterries d’un autre espace-temps. Jessica Pratt, avec sa silhouette sombre et son visage baigné de lumière, comme échappée d’un tableau en clair-obscur, est de celles-ci. Ce n’est pas que dans son apparence, mais aussi dans la sérénité qu’elle dégage, dans la lenteur de ses mouvements. Alors quand elle évoque son coup de cœur pour Anatomie d’une chute, on est un peu décontenancés : on vit bien sur la même planète, on va au cinéma voir les mêmes films et on n’en peut plus de cette pluie qui ne s’arrête pas. C’est quand elle nous parle de sa tendance à la discrétion, à percevoir des fantômes et à vivre soit dans le passé, soit dans le futur, que l’on replonge dans l’image que l’on se fait d’elle depuis douze ans maintenant : une artiste mystérieuse si ce n’est mystique, abreuvée de folk et de rock sixties, révélée au sein de la scène freak-folk de San Francisco grâce notamment à Tim Presley et son label Birth Records, le premier à l’avoir accueillie. Jessica Pratt dévoilait hier un sublime quatrième album, Here in the Pitch, sur lequel rôdent les spectres de Burt Bacharach et Scott Walker ; rien de baroque toutefois, juste l’essentiel : des mélodies et de la mélancolie.
C’est déjà notre cinquantième playlist de nouveautés du mois, comme le signalait très justement Coralie Gardet, instigatrice de l’ombre de cette sélection collégiale, imaginée par une bonne partie des contributeurs à Section26. Parmi ces 35 titres, au moins 10 morceaux en français dont 5 qui parlent du temps qu’il fait, à croire que ça nous tracasse… Avant les grandes chaleurs, voici notre récolte printanière, toujours à la croisée des chemins entre pop, indé, post-punk. Ecoutez-là avec la même passion qui nous a guidée à la composer.
Plus d’un an que nous l’attendions, le premier album de Dog Park. Suite aux singles Sunny Decadence et Rewind, le quatuor parisien avait très vite enchaîné les belles dates en 2023 : la Boule Noire ou l’Auditorium de la Fondation Louis Vuitton à Paris, ainsi que plusieurs festivals estivaux en régions. Festina Lente est arrivé ce vendredi, porté par le label Géographie (Good Morning TV, Marble Arch…), comme un parfait préambule à un printemps qui, comme « festina lente » l’indique en latin, se hâte lentement. Dix chansons pop lumineuses aux mélodies entêtantes, au fil desquelles les quatre amis s’échangent les instruments et les micros, imprégnant chaque titre de leurs influences propres. Celles-ci se reflètent dans la sélection à suivre, puisqu’on y perçoit l’appétence d’Erica – par ailleurs moitié du duo Special Friend et aux voix chez eGGs– pour le rock alternatif américain des années 1990, celle d’Isabella pour les timbres veloutés aux accents jazz, la passion de Jean pour la pop à guitares ou la nostalgie poignante de Sarah ; autant de particularités coexistant dans un album néanmoins si fluide et harmonieux.
Une playlist de printemps qui commence comme un bourgeon qui éclot, entre la délicatesse d’un premier morceau signé A Ghost Column, la poésie de Broadcast, la beauté spectrale de ce titre de Jessica Pratt et la folk à l’os de Myriam Gendron. Oisin Leech, Adrianne Lenker et d’autres merveilles suivent. Plus besoin de vous forcer à appuyer sur la touche play, non? Les premiers rayons de soleil sont entre vos oreilles.
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NDLR : Les playlists réalisées sur les plateformes ci-dessus ne comportent pas l’intégralité des titres de cette sélection.
Vous l’aurez peut-être remarqué, en ce début d’année, nos publications se sont faites un peu plus espacées. Alors oui, on peut assumer cette phase un peu moins active et motivée de la part de nos équipes qui ne me contrediront pas. Pas toujours évident de maintenir ce cap ambitieux que nous nous étions fixé il y a presque 6 ans, à savoir un choix éditorial de passionnés, aussi diversifié que possible dans sa vision de la pop moderne, au rythme d’un article par jour, le tout 100% indépendant et bénévole. Illusoire peut-être dans ce contexte où labels indépendants mettent clé sous la porte à tour de bras, où une bonne partie des auditeurs imaginent encore que tout est gratuit, où la presse papier musicale n’en finit plus de tirer la langue, où certains sites de référence souffrent du rachat par de gros groupes, où la mondialisation galopante tend à favoriser les artistes de grande envergure autant sur scène que sur les sites de streaming. Mais nous n’avons pas dit notre dernier mot. Plus que jamais, nous croyons sincèrement au partage de la culture, entre générations, entre genres, entre milieux, entre identités. Tant qu’on aura envie de vous donner envie d’écouter ces trente-cinq nouveautés par mois (sans compter le reste, à peu près tous les jours sur le site), et surtout tant qu’elles seront de cette qualité-là (non, l’indie n’est pas mort, chers pisse-vinaigre), section26 existera, envers et pour vous.
Thomas Schwoerer
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Back in biz pour cette nouvelle année où le grand cirque politique nous navre de plus en plus. « Écoutez les oiseaux, pas les infos » nous suggère l’illustrartiste Clémence Michon. Nous, on vous conseille de déconnecter avec cette savoureuse playlist, riche de plein de projets aimés et de découvertes emballantes. Croyez-nous, en cette période où on essaye de nous faire croire que même les sites internet consacrés à la musique sont moribonds, c’est salvateur. (TS)
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