Quand tu es ado dans une contrée où les climatologues avertis sont persuadés que l’hiver est aussi doux qu’à Verkhoïansk, tu comprends rapidement pourquoi les années 1980 sont faites pour toi. Ça tombe bien, la Grande-Bretagne regorge de groupes qui tirent la tronche. Les mecs ont une excuse bien légitime : ils viennent de choper Maggie – mais ils ne savent pas encore que c’est pour un paquet d’années. Et pour appréhender la complexité de cette nouvelle réalité géopolitique anglaise, il existe donc un cas d’école. Continuer la lecture de « Prefab Sprout, le voyage immobile »
Quelques jours à peine avant la sortie de Beyond The Pale, le nouvel album de son projet JARV IS…, nous avons décidé de revenir sur un moment important de sa carrière, le début de ses aventures en solo. Estelle Chardac et Christophe Basterra l’avaient rencontré en 2006. Et comme souvent avec lui, ses propos sont particulièrement savoureux.
Pour beaucoup, la carrière de Ian Broudie se résume à Lightning Seeds, groupe qu’il a fondé en 1989 et qui a rencontré un énorme succès outre-manche. Ce serait oublier la richesse d’un parcours qui a commencé sur les cendres de la scène punk de Liverpool. Aux côtés d’Holly Johnson et de Bill Drummond, il se fait remarquer au sein de Big In Japan. Dès leur séparation, il ne cessera d’alterner entre projets au sein de différentes formations (Original Mirrors, Care, Bette Bright and the Illuminations) et une carrière de producteur entamée en 1980 avec le single Rescue d’Echo & The Bunnymen. Avant de fonder Lightning Seeds en 1989, on le retrouve associé à la production de plusieurs albums majeurs dont certains pour The Pale Fountains, The Colourfield, The Fall ou bien Noir Désir. Si certaines collaborations n’ont pas toujours bien vieilli (on lui reproche souvent d’avoir massacré le premier album de Shack, Zilch), il a su s’adapter aux principaux mouvements musicaux trois décennies durant avant de quasiment disparaître de la circulation en 2009. La musique qu’il publiait alors sous son propre nom, le trop méconnu Tales Told ou avec Lightning Seeds, le magnifique Four Winds, était en total décalage avec son travail pour les dispensables et déjà oubliés The Subways ou The Automatic. Il se contente depuis de tourner au royaume-uni avec Lightning Seeds. En attendant avec impatience un retour discographique, cette playlist rend un hommage à cet acteur incontournable et trop discret de la pop de ces quarante dernières années. Continuer la lecture de « Le club du samedi soir #9 – Tales Of The Riverbank, the genius of Ian Broudie »
« I did what doubt allowed. » L’affaire est entendue. On aimerait presque dérober l’épitaphe puisqu’il n’y en a pas de plus belle. C’est ainsi que Stuart Moxham (autrefois dans les Young Marble Giants) évoquait en 2010 les affres de la dépression, ses répercussions sur le rythme pour le moins chaotique de sa production discographique depuis le milieu des années 1990. Depuis toujours, en fait. Et il parlait déjà, dans cette même interview, de son prochain album en préparation, The Devil Laughs.
Depuis, le doute semble bien s’en être mêlé. C’est peu de l’écrire. À contempler la pochette – magnifique au demeurant – on peut aisément lire entre les lignes et les dates le fil tortueux de la procrastination décennale, le poids accablant de chacune des micro-étapes d’une interminable gestation, les failles du quotidien dans lesquelles se sont engouffrées longtemps ces chansons rescapées, l’envie qui se dérobe, l’énergie si difficile à déployer pour commencer, continuer, et surtout conclure. Continuer la lecture de « Stuart Moxham & Louis Philippe, The Devil Laughs (Tiny Global Productions) »
It’s been too long… chante la voix lumineuse et immuable de Sarah Cracknell sur Tonight, le nouveau single de Saint Etienne. L’attente a été un peu longue, en effet, depuis leur précédent album, le sublime Tales From A Turnpike House (2006). Si l’on considère qu’il n’a pas eu une décennie sans qu’on ait été charmés par la pop idéale du trio, leur nouvel album était forcément attendu avec la plus grande impatience. Depuis 1991, date de sortie de Foxbase Alpha, leur premier album, les amis d’enfance Bob Stanley et Pete Wiggs n’ont cessé de définir une musique solaire, parfois mélancolique, toujours irrésistible. Finalement, ils ont remis le couvert, et de toute façon, on n’envisageait tout simplement pas les choses autrement, comme dirait l’ami Christophe Basterra, fan éternel du groupe, pour ne pas le citer. Continuer la lecture de « Saint Etienne, Words And Music By Saint Etienne (Universal) »
Comment la pop a-t-elle changé nos existences ? Une question au centre de nos vies que le trio londonien a choisi comme thème principal de son huitième album, sobrement intitulé Words And Music By Saint Etienne. Un disque que l’on n’attendait plus, sept ans après son prédécesseur. Un retour de flamme étincelant, où le groupe fait le point sur son héritage, sa passion toujours aussi vibrante pour la musique, et son avenir.
En file indienne et parfaitement à l’heure, Sarah Cracknell, Bob Stanley et Pete Wiggs entrent dans ce petit salon cossu et désert, situé au premier étage d’un restaurant de Dean Street, à Londres. Instantanément, une complicité faite de traits d’humour subtil s’installe, chacun prend de ses nouvelles, sans qu’on ait l’impression qu’il se soit écoulé beaucoup de temps depuis la dernière fois qu’il se sont parlés. Les trois inséparables se font rares, mais ils prennent le temps de soigner leur œuvre collective. Pendant ce septennat d’absence entre deux albums, le groupe a patiemment et méticuleusement egrené les rééditions de sa discographie, qui dessine une palette musicale en forme de chaînon manquant entre northern soul, pop moderne et musique électronique. “I used Top Of The Pops as my world atlas”, chante Sarah dans Over The Border, la splendide et touchante ouverture de Words And Music By Saint Etienne. Il n’y a sans doute pas de meilleure citation pour les définir. À l’instar de la pochette, cette cartographie imaginaire d’une ville forcément anglaise où les noms de rue sont des titres de chansons, Saint Etienne nous promène au fil de nos souvenirs sur un disque aussi attachant que dansant. Un voyage bientôt poursuivi à travers un livre à venir – celui de Bob Stanley, Do You Believe in Magic? –, et un film en préparation. Pas de temps mort lorsqu’on est passionné à ce point. Continuer la lecture de « Saint Etienne – London Conversations »
Même s’il donnait occasionnellement des concerts, nous avions fini par nous faire à l’idée que Badly Drawn Boy ne sortirait plus de disques. Les rumeurs d’alcoolisme, de maladie grave et de dérapages ne laissaient rien présager de bon. Pourtant, dix ans après It’s What I’m Thinking, Damon Gough est de retour avec Banana Skin Shoes, album déroutant et fascinant. Il faudra plusieurs écoutes pour passer au-delà du vernis parfois un peu trop calibré FM de certains titres. Mais il faut surtout retenir que le mancunien n’a rien perdu de son talent de songwriter et d’arrangeur. En quatorze chansons ouvertement pop, il dresse un bilan personnel, politique et émotionnel de la décennie passée. Les textes ne sont pas forcément joyeux, les rumeurs n’étaient pas entièrement fausses, mais les mélodies souvent enjouées vous donnent parfois envie de danser. C’est un Damon en paix avec lui-même qui nous a accordé un long entretien, dans lequel il se livre sans retenue sur les années les plus difficiles de sa vie, mais aussi sur Banana Skin Shoes, album de transition qu’il a longtemps porté en lui et qui a réveillé ses ambitions. Continuer la lecture de « Badly Drawn Boy : « J’ai traversé des épreuves, mais j’ai fait la paix avec tout ça. » »
McDo a déjà donné le ton : tout est foutu. Les espaces publics étaient encore clos que cette réclame entrevue hier au soir devait avoir été tournée trop promptement, en prévision calculée des jours meilleurs. On y aperçoit une famille et leurs quelques amis célébrer leurs retrouvailles en se réjouissant ostensiblement de pouvoir à nouveau se goberger en coprésence de frites trop sèches et de steaks décongelés sur le tard. A peine est-il advenu dans le réel que le déconfinement est déjà à vendre. Quant aux quelques mois qui l’ont précédé, autant dire qu’il n’en reste déjà plus que les simulacres résiduels. Il ne nous reste qu’à nous raccrocher, une fois encore, aux traces musicales qui étaient seules la certitude rétrospective d’avoir vécu quelque chose de substantiel et, peut-être, de mémorable. Au premier rang d’entre elles figurent donc ces enregistrements, réunis depuis quelques jours, des sessions acoustiques diffusées par The Coral. Continuer la lecture de « The Coral, Lockdown Sessions (Not On Label) »