The Apartments, Apart (Hot Records / Talitres)

Apart

C’est l’album qu’il est devenu presque impossible de réécouter en faisant abstraction de la suite – les drames intimes, les dix-huit années de silence qui ont suivi sa publication et même les retrouvailles plus récentes. Impossible de ne pas y entendre les signes avant-coureurs de l’effacement à venir dans ces chansons de ruptures, d’abandon, d’ambulances et de départ.

Peter Milton Walsh
Peter Milton Walsh aux Vinzelles à Volvic / Photo : Sebastien Fait-Divers

Difficile de résister à l’illusion rétrospective d’une cohérence extrême de cette œuvre, y compris dans son titre et de ce qui se prolonge d’un album à un autre. Drift, 1993… Apart, 1997 : le rapprochement produit du sens. Se séparer, partir à la dérive, donc. Entre ces deux jalons de la discographie de Peter Milton Walsh, il y a pourtant eu ces quelques années qui semblaient s’apparenter un peu à un semblant de carrière – ce terme qui sied pourtant si mal aux impulsions intermittentes d’une trajectoire à éclipses. Quatre albums en quatre ans : The Apartments n’avait jamais fait preuve d’une telle persévérance dans la continuité. Peut-être y avait-il encore comme un espoir ou, du moins, une intention plus diffuse de renoncer en emportant avec soi des regrets plutôt que des remords. Laisser une dernière chance à l’époque d’entendre la beauté de ces chansons en frappant à sa porte avec un peu plus d’insistance. En jouant le jeu, même. Les quelques sonorités électroniques qui colorent ici les compositions de Walsh en témoignent. Elles apparaissent comme autant de tentatives pour laisser pénétrer un peu de l’air du temps. Des concessions ? Pas vraiment, tant les tonalités instrumentales demeurent dominées par le classicisme des cordes et des cuivres. Quelques essais, plutôt : après tout, la métamorphose vers la modernité des machines avait tellement bien fonctionné, quelques temps auparavant, pour les camarades de Everything But The Girl. Avec les décennies de recul, certaines de ces altérations formelles apparaissent étrangement plus convaincantes qu’elles ne le semblaient à chaud – les séquences instrumentales qui rythment la succession des titres, le long récitatif de Au Lecteur de Baudelaire, réorchestré et traduit sous le nom de Welcome To Walsh World. Qui peut croire, cependant, que ces quelques traces de ravalement pourraient changer radicalement le cours de l’histoire ? Pas le label en tous cas. L’édition originelle en CD ne porte pas les traces d’une confiance partagée, c’est le moins qu’on puisse dire : un lettrage minimaliste sur fond de jaune criard, une première édition numérotée et limitée à 3000 exemplaires – jamais très bon signe quand la rareté anticipée devient d’emblée un argument désespéré adressé au cercle restreint des premiers fans – et, en lieu et place du livret habituellement inséré dans la pochette, un catalogue de vente par correspondance recensant toutes les sorties des autres poulains de la maison. Même chez Hot Records, on a connu soutien plus ostensible.

L’essentiel est déjà joué. Comme d’habitude, ne restent que les chansons et Apart, en dépit de sa place si inconfortable dans la discographie et l’existence de Walsh, contient son lot d’immortelles. Breakdown In Vera Cruz et ses entrelacs de cordes et de piano, World Of Liars, qui a confirmé davantage son statut de classique depuis la résurrection de 2012, désormais enluminé sur scène par le contrechant de Natasha Penot. Et puis, en conclusion, Everything Is Given To Be Taken Away, comme une ultime trace de lucidité résignée, presque apaisée, avant un long départ.


Apart est réédité pour la première fois en vinyl par Talitres (précommandes ouvertes – expéditions annoncées pour le 8 décembre)

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