Les Coronados, N’importe Quoi (Romance)

Tout l’été, les albums qui ont échappé aux radars des plateformes de streaming.

Au panthéon des groupes rock français, les Coronados se situent quelque part entre Marie et les Garçons, les Dogs ou les Olivensteins. S’inscrivant dans cette tradition bien française des groupes élégants et sauvages, le dandysme électrique des Coros a marqué durablement la scène underground hexagonale à défaut de connaître un succès grand public. Aujourd’hui encore absent des sites de streaming, la discographie (deux albums) du groupe francilien est rééditée par les Niçois de Mono-Tone. Ils ont démarré en 2019 avec Un Lustre (1989), le second album de la formation, reste N’importe Quoi initialement paru en 1984 chez Romance Records, éphémère labels qui ne produisit qu’une dizaine de références (Les Injectés, Civils Radio entre autres).

Les Coronados / Photo : Pascal Pierrou

Pendant très longtemps, trouver des infos sur ce groupe parisien relevait de la gageure, une première interview (suivi d’une seconde) donnée l’année dernière par leur bassiste Yves Calvez, co-auteur de la majorité du répertoire avec le guitariste Bernard Lepesant, a levé certaines zones d’ombre sans pour autant entacher l’aura qui entoure ce groupe. Formé en 1981, le groupe auto-édite un premier EP en 45 tours l’année suivante. Rien (dont je n’ai besoin) sonne comme ce qu’il est : un EP enregistré dans une salle de répétition les amplis à fond, l’enregistreur tentant de saisir les circonvolutions d’un groupe prêt à en découdre. Même si assez différent musicalement, il y a dans la démarche quelque chose qui évoque l’EP Grease des Flamin’ Groovies paru chez Skydog en 1973, un impromptu pris sur le vif, l’os à découvert. Très populaire en France, les Californiens furent les héros de pas mal de nos groupes d’ici, à commencer par les Dogs et bien sûr les Coros. Les intéressés le reconnaissent eux même, le groupe de San Francisco fut une boussole. Jouant partout où il était possible de le faire (squats, le circuit rock autour du Gibus et du Rose Bonbon), les Parisiens se taillent une belle réputation qui leur permet d’enregistrer un second EP un an plus tard.

N’importe Quoi suit en 1984, soit trois ans après les débuts du groupe. Enregistré dans un studio disparu à Clamart, il est un témoignage vivifiant d’une certaine idée du rock, à la fois profondément aristo et populaire. Aucune volonté ici de faire une démonstration technique, juste l’envie de balancer du rock & roll sauvage en costume. À l’inverse de beaucoup de groupes underground français de l’époque (Dogs, Vietnam Veterans, Fixed Up, Kid Pharaon) gravitant dans les mêmes cercles, les Coros s’expriment en français, ça les rend d’autant plus singuliers. L’album n’est pas parfait, il y aurait certainement (un peu) à redire sur le son, pourtant il figure parmi les meilleurs albums de rock d’ici, subtil équilibre entre notre langue (pas si évidente à manier) et le rock pur et dur.

Il a bien mieux vieilli que beaucoup de disques de cette scène qui souffrent de la comparaison directe avec leurs contemporains américains ou anglais. Souvent qualifié de formation garage, l’image est réductrice, bien que pas totalement injustifiée. Les Coros puisent aux bonnes sources (comme en témoigne des reprises ici et là d’Alex Chilton ou Captain Beefheart), ils s’inscrivent ainsi dans une tradition sixties de l’épure et la simplicité sans faire de la musique revivaliste. Le groupe semble en effet fuir les postures pour tracer son propre cheminement, un choix de tout temps difficile pour un groupe français. Parmi les temps forts du disque figure Oh Oh Oh : quelques notes de pianos, un couplet assez sage avant l’explosion de sauvagerie du refrain. Si la version de Revanche est un peu moins bonne que celle présente sur Snapshot(s), la chanson reste un indéniable sommet de la discographie de la formation parisienne. J’en Veux, J’en Veux Plus est un autre rush d’énergie de l’album avec sa fuzz délicieusement sixties et des riffs de guitares aiguisés comme des guillotines. Sans Rancoeur fonce dans le tas à pleine vitesse. L’ensemble s’écoute d’une traite et file le vertige tant ces onze chansons forment un bloc cohérent, une salve de rock bestial mais distingué, assez unique en France dans la langue de Molière. Il est donc grand temps que n’importe qui puisse écouter N’importe Quoi.

Mini bonus : Une minute onze secondes de live…

+ Curiosité : une reprise géniale sur un split flexi en 1987…

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