Six ans après le dernier volume, Munster relance sa série Algo Salvaje avec une troisième sélection. Depuis plusieurs décennies, le label espagnol réédite à un rythme effréné le patrimoine hispanophone (et au-delà) des années soixante à quatre-vingt. Amateurs de compilations, comme beaucoup d’entre nous, les patrons du label multiplient les références dédiées à des périodes et genres donnés : Chicas!, Back To Peru, Sensacional Soul, Interferencias … Algo Salvaje s’inspire des mythiques Nuggets et de la série non-officielle Viñedos, parue dans les années 90. Elle ambitionne ainsi de couvrir la féconde scène espagnole beat – garage des sixties. Si de l’extérieur cela semble surprenant, le sujet est vaste ! Les Espagnols s’entichent des Beatles très rapidement et en proposent leur propre version. En 1964 Flamenco des Brincos ouvre la porte à des dizaines de formations signées à tour de bras par les labels locaux (Belter, Vergara, Hispavox…). De 1965 à 1969, le rythme est frénétique, la qualité suit largement. Iñigo Pastor (co-fondateur de Munster) et Vicente Fabuel ont puisé près d’une trentaine de groupes dans le vivier local pour réaliser cette nouvelle déclinaison. Los Flecos, Los Shakers ou Los No impressionnent par la qualité de leurs compositions et leur maîtrise instrumentale. Correr, Me Reiré et La Llave sont des petites merveilles freakbeat qui en étonneront plus d’un. Los Zooms (Algo Más) , Los Faros (Golpes) et Los Yetis (Montaña y Mar) s’éloignent de la frénésie des clubs de rock suintants et explorent les méandres de la pop psychédélique.
Harmonies soignées, compositions raffinées, les Ibériques se branchent sans peine à la hype hippie. À l’inverse, certains groupes semblent avoir découvert tardivement le garage et le pratiquer à contre-courant du reste de l’univers. À ce titre, les contributions, du début des années soixante-dix, de Locomoción (Mentirosa) et Atardecer sont étonnantes. Escúchame, de ces derniers, est une étrange anomalie : du rock frénétique au farfisa, naïf, publié huit ou neuf ans trop tard, en 1974. De ce fait, la compilation Algo Salvaje vol. 3 souffre parfois de la disparité de niveau dans la sélection. Écueil classique des séries, cette troisième proposition, n’a pas toujours l’attrait spontané des deux premières. Elle oscille entre le fantastique et l’intéressant. Tous les morceaux ont leur place, pourtant le séquençage aurait peut être gagné à miser sur la cohérence plutôt que la variété. En offrant par exemple un premier disque chauffé à blanc et un second pour approfondir, l’ensemble aurait clairement eu plus d’impact. Algo Salvaje vol. 3 cherche à la fois contenter un public non spécialiste curieux et le milieu des collectionneurs rigoristes. L’intention est louable mais aurait certainement mérité quelques aménagements dans l’ordre des chansons pour les valoriser comme il se doit. Ces réserves mises à part, Algo Salvaje vol. 3 est une très bonne compilation. Avec ses deux prédécesseurs, elle constitue une merveilleuse introduction à la richesse de la scène espagnole des années soixante dont le rayonnement mériterait de traverser les Pyrénées.
