LL, LL♥️ (Neutral)

« J’fais des cabrioles dans une Jeep noire »

Quand j’avais décidé de me remettre à écrire sur la musique, je m’étais dit que ça serait une bonne idée de retourner dans le passé et m’intéresser à mes vieux polaroids doudou rangés dans mes cartons : Kid Vynnyl, Les Scoubidous, plus tard Les Calamités pour les années 80, Newell et le label Lithium pour les années 90. A chacun ses marottes. Mais tout cela n’allait pas sans une attirance certaine pour les photos numériques nouvelles, les terra incognita du présent, les musiques réalisées dans une même économie de moyens que j’avais connues. Même si les outils n’étaient plus les mêmes, au magnétophone 4-pistes avaient succédé les ordinateurs, les fanzines avaient laissé place aux Insta et les cassettes compilation aux Soundcloud et autres Bandcamp. Écrire et éditer les œuvres de Sinaïve et Paris Banlieue allaient de soi, tant elles me semblaient s’inscrire dans le grand arbre généalogique de nos musiques secrètes.

LL
LL

Un autre monde s’ouvrait aussi à moi, les musiques reliées au monde de plus en plus vaste du hip hop : une pop électronique à la fois descendante du rap et des variétés du monde. Je ne sais plus comment je suis tombé sur LL, mais je me souviens que ces morceaux produits à l’époque avec Jorrdee m’avaient scotché. J’avais contacté Léa via les réseaux, ça avait mis du temps, mais l’idée avait germé d’une cassette. « C’est bien, m’avait-elle dit plus tard au téléphone, mais qui a encore le matériel pour écouter ce truc ? », tout en jouant le jeu jusqu’au bout. C’était la deuxième référence cassette de Langue Pendue, et j’étais aux anges. Léa, c’est son prénom, était liée à une scène lyonnaise en pleine ébullition : que ce soit le 667 ou Jorrdee d’un côté, ou que ce soit les amis proches de dYmanche et Simili Gum. Sa musique d’alors la posait comme une contemporaine des cloud rappeurs, il y avait une froideur aussi, très new wave, une gravité même si les mélodies emportaient le tout vers quelque chose qu’on pourrait imaginer toucher un grand public.

C’est avec un énorme plaisir qu’on retrouve Léa chez Neutral (le label du Seul Élément, un des alias de nos favoris, les Oi Boys) pour ce second projet physique, en cassette encore. Léa a changé, les productions on laissé entrer plus de lumière, les rythmiques se font plus dansantes, même si on garde cette ambiance de cathédrale gothique dans Minecraft. Elle garde ce quelque chose de créature mutante, mi virtuelle mi physique (Femme Leurre, en hymne) tout en enchaînant des mini tubes à essai : PAL, notamment, avec sa coéquipière (encore plus mystérieuse) $ali qui aligne les crochets imparables comme des évidences : « Oulala comment j’oublie la douleur ». Les paroles montrent une quête vers une sorte de pureté entre attirance vers des richesses matérielles, solitude assumée et portée en bandoulière et désirs réprimés. C’est très léger et entêtant comme une fragrance inédite de Comme des Garçons : parfum de médicament acide et sucré tendance circuits imprimés et câbles de réseaux.


LL♥️ par LL est disponible sur le bandcamp de Neutral.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *