Catégories selectoramaÉtiquettes , ,

Selectorama : Ellah A. Thaun

Ellah A. Thaun, quatuor / Photo : David Hauguel
Rouen, en Normandie, la ville qui a vu éclore les fameux Dogs, Olivensteins, Nouveaux Riches, et autres Gloires Locales grâce entre autres aux oreilles avisées de Mélodies Massacre, label et disquaire de légende où toute cette jolie faune zonait. Pour plus de mémoire, la compilation Rouen Explosion Rock 1980-1990 – Un Soupçon d’Indifférence résume bien l’esprit de cette ville. Aujourd’hui, la relève est assurée par des structures associatives et lieux tels que le 106 et Radio Lomax ou Le 3 Pièces, et des groupes comme Unschooling, Kumusta et autres MNNQNS, mais arrêtons-nous plutôt sur la mystérieuse Ellah A Thaun. Nathanaëlle de son prénom, la diseuse de bonne aventure originaire de cette ville aux cent clochers commence les productions sur bandes magnétiques il y a dix ans en solo. Déjà, pointe un univers qui oscille entre sonorités expérimentales, électroniques et dark- folk psychédélique. A ce jour, pas loin de seize LP’s et presque autant d’EP’s, dont on retiendra au passage The Madcap Laughs, bel hommage au défunt Syd Barrett sorti en 2017.

Continuer la lecture de « Selectorama : Ellah A. Thaun »

Catégories mixtapeÉtiquettes , , , ,

I Like 2 Stay Home #47 : Broadcasted Vol.2, Chidren Of Broadcast

Un mix thématique par jour à écouter en temps de confinement.

Trish Keenan, Broadcast
Trish Keenan, Broadcast

Comme l’a magnifiquement illustré Anna HB dans le premier volume de cette sélection de chansons, Broadcast était un groupe de passeurs. L’un des plus beaux du genre et celui qui, au-delà de la musique, a infusé le plus profondément ses goûts cinématographiques et a irrigué notre imaginaire de ses rêveries. Il n’est pas étonnant que ce groupe de passeurs se trouve à son tour « passé ». Depuis quelques années, on voit chaque mois de nouveaux groupes (explicitement ou tacitement) porter l’héritage de Broadcast – à moins que ce ne soit simplement dans notre esprit que se produise cette association. Bien sûr, Broadcast restera un groupe unique et parfois, on reproche avec amertume (et injustement ?) aux descendants de ne pas être l’original… Voici donc l’occasion de nous racheter en rendant hommage à ces groupes qui font revivre à leur manière une certaine idée de la musique, celle qui fait naître des images avec des sons, des songes avec des instruments et où le réél se mêle à l’artifice : « Movies For Ears » comme dit l’amie Ela Orleans.

– Xavier Mazure

Continuer la lecture de « I Like 2 Stay Home #47 : Broadcasted Vol.2, Chidren Of Broadcast »

Catégories billet d’humeurÉtiquettes , ,

Les enfants de la parodie

Au sujet de Attic Abasement

Attic Abasement
Attic Abasement

Il y a dans le cinéma de Jean Eustache, un personnage – qui a réellement existé – se présentant comme le sosie parfait de Jean-Paul Belmondo. On ne le voit pas, on y fait référence. Cette parodie du célèbre acteur devient pour Eustache, plus vrai que le vrai. Et le cinéaste ajoute amèrement : « Le faux, c’est l’au-delà ». Idée séduisante du vampirisme, de la contrefaçon tragique et lumineuse. La musique connaît ces personnages-là, ces fantasmes de création clonée. Cherche-t-on dans ces groupes de seconde zone, une part d’innocence ? Dans cette répétition – qui n’est pas un retour du même mais plutôt un mantra – on prie pour revivre une révélation musicale. On veut retrouver ces moments qui nous rattachent à un secret, un amour inoubliable qui sait ?… Continuer la lecture de « Les enfants de la parodie »

Catégories mixtapeÉtiquettes , , , , , , , , , , ,

I Like 2 Stay Home #46 : Bleep Techno & early IDM (1989-1996)

Un mix thématique par jour à écouter en temps de confinement.

La parution en 1992 chez Warp de la compilation Artificial Intelligence a pu poser les bases d’une techno autorisant un rapport décalé au dancefloor. Se tenant à l’écart des autoroutes 4/4, c’est en quelque sorte une musique électronique renouant avec ses racines ambiant, pop ou expérimentales que les productions du label de Sheffield ont remis au premier plan.
B12/Musicology, The Black Dog/I.A.O, Speedy J et leurs propositions bleep, version typiquement britannique de l’acid house. Aphex Twin (sous ses divers alias) ou Autechre, et leurs expérimentations early IDM. Ou encore la présence de quelques « franc tireurs », pas forcément assimilés au premier abord à l’écurie Warp, mais qui n’en demeurent pas moins fondamentaux : Orbital  ou outre-Atlantique, Richie Hawtin. Tout ceci dessinant le périmètre d’un genre qu’une série de labels comme Rephlex ou Skam ont pu par la suite honorer. Comme notre playlist qui ambitionne de redécouvrir cet âge d’or, celui d’une certaine techno anglaise des années 1989 – 1996. Loin de nous l’idée de conforter le préjugé élitiste d’une techno dite « intelligente », par opposition à une autre, soi-disant plus primaire ou moins cérébrale. Mais plutôt de rendre hommage à un genre dont les caractéristiques nous semblent parfaites en cette période de confinement : une techno à écouter chez soi, comme si il s’agissait d’étendre l’expérience du Chill-out à l’espace domestique. Continuer la lecture de « I Like 2 Stay Home #46 : Bleep Techno & early IDM (1989-1996) »

Catégories chronique nouveautéÉtiquettes , , ,

R. E. Seraphin, Tiny Shapes (Paisley Shirt Records)

Pour contrebalancer l’anéantissement provisoirement contraint de la cueillette du muguet ou des grandes escapades printanières, nous sommes quelques-uns à avoir au moins pu nous délecter de l’événement majeur de ce week-end dernier. Au beau milieu d’un pseudo- pont du 1er mai qui s’est contenté d’enjamber les deux rives tristement identiques d’un long fleuve d’ennui, la diffusion gratuite pendant quelques jours de Teenage Superstars (2017) brillant documentaire consacré par Grant McPhee à l’émergence de la scène indie-pop écossaise tout au long des années 1980, a offert aux amateurs – mais qui donc songerait à ne pas l’être ?- quelques heures privilégiées de délectation nostalgique et de souvenirs partagés en compagnie de ces quelques tout jeunes hommes de plus de cinquante ans nommés Duglas T. Stewart, Eugene Kelly, Norman Blake ou Stephen McRobbie – on en passe, mais peu de meilleurs. Dans une séquence pré-générique introductive, le leader des Pastels raconte ainsi comment sa conversion au punk a débuté par un passage chez le coiffeur et lui a couté, quelques heures plus tard, un cuisant coup de soleil sur ses oreilles peu habituées à une exposition si intense aux rayonnements. D’emblée, la souffrance presque dérisoire associée à l’exaltation de la liberté fraîchement conquise : au-delà même de la métaphore ou de l’anecdote, il y a quelque chose d’une vérité profonde qui semble traverser les époques et s’inscrire durablement dans les prolongements de cette tradition musicale dont les Vaselines ou les BMX Bandits ont constitué les maillons si vitaux. Continuer la lecture de « R. E. Seraphin, Tiny Shapes (Paisley Shirt Records) »

Catégories mixtapeÉtiquettes , , , ,

I Like 2 Stay Home #45 : Moderato silencio

Un mix thématique par jour à écouter en temps de confinement.

Capture d’écran de 2020-04-26 21-43-53
Le Testament d’Orphée, Jean Cocteau

Ils ne sont pas là pour les funérailles du poète parce qu’ils sont célèbres, mais « parce qu’ils sont mes amis » dit Cocteau au générique de son Testament d’Orphée (1959). Disons-le ici : Jeanette, Karina, les Gibb, Hepburn, Jobim ils sont mes amis. Alors certes, ils sont célèbres mais qu’importe ?

Cocteau toujours : pour ses vraies-fausses funérailles, autour de lui, personne d’autres que les tziganes pour pleurer le poète. Ceux-là même qui plus tôt l’accueillaient dans le monde des nôtres : homme-cheval et feu follet de la photo de Cégeste, imprécations et flamenco nuptiale ou funéraire, célébrant une vérité ancienne que les nomades conservent sur la terre. Le vieux cinéaste, qui en est à sa dernière excentricité, sait la chose très bien : cinéma donc feu donc épreuve de la joie fugace et crépitante — enregistrement = mort.

Le poète n’a qu’une famille : les nomades. Il n’a qu’une amitié : les sons les plus anciens, les plus triviaux, les plus impurs, la musique populaire. On dit ici populaire en son sens vrai : pas le genre Spotify, mais bien le plus vieux creuset de l’humanité, le son de la voix. Celle-ci qui fut enregistrée et dont vint la déraison, la passion, l’excitation, la mort. Enfance de l’art dit Godard du cinéma. Enfance de l’art dirons-nous pour la pop. Continuer la lecture de « I Like 2 Stay Home #45 : Moderato silencio »

Catégories mixtapeÉtiquettes , , , , ,

I Like To Stay Home #44 : From Gardens Where We Feel Secure

Un mix thématique par jour à écouter en temps de confinement.

Alors que le monde extérieur semble tâché par le sourde anxiété des jours, la pulsion de l’air libre continue d’irriguer les rêveries, avec des envies de cultiver de grands jardins intérieurs, où nous pourrions nous retrouver dans la tranquille indifférence d’un monde de sève et de pollen. Lits d’herbes, torrents de pétales, bouquets kaleidoscopes, couronnes pour le souvenir, branches tordues vers l’astre solaire, méditations à la chlorophylle. Un petit parc botanique dans la tête. Voici le mien, pas très grand, mal taillé, mélange d’espèces semées au hasard, avec des allées de ritournelles aérées, quelques pieds exotiques qui cohabitent à côté des rosiers (qui n’est pas la seule fleur bonne à chanter, qu’on se le dise), des pelouses sereines où la marche est évidemment autorisée, et juste assez d’ombre pour déraper vers le sommeil si besoin est.

Continuer la lecture de « I Like To Stay Home #44 : From Gardens Where We Feel Secure »

Catégories 45 tours de confinementÉtiquettes , , , ,

#45 : The Soup Dragons, I’m Free (Big Life, 1990)

I’m Free d’attendre encore un peu.

Au soir du premier jour de confinement, alors que le reste de la famille s’adonnait au visionnage d’une série (pas ma came), je m’étais retiré dans mon antre-bureau, non sans avoir répondu favorablement à cette proposition de dernière tournée lancée par le consul du bouquin de Malcolm Lowry. Voilà pour le début de l’histoire, et bien que j’en ai déjà posé les bases dans le #1, je ne vois pas pourquoi je m’interdirais d’y revenir à nouveau puisqu’il est dit que la boucle doit être bouclée – je suis persuadé que cette phrase aurait pu tenir en deux fois moins de mots mais on ne se refait pas, disait le scorpion à la grenouille.
C’est donc en tombant inopinément sur un 45 tours du label The Compact Organization que germa cette idée dans mon cerveau passablement imbibé. Après m’être déhanché sur quelques pépites de northern soul pour célébrer ça – une idée c’est un peu une fête, on n’en a pas à longueur de journée, chantait jadis l’ami Prudence – je décidais de laisser reposer, rôdé à voir mes lubies du soir frappées d’inanité le lendemain matin, et bien en peine, les pauvres, de rivaliser avec ma gueule de bois. Continuer la lecture de « #45 : The Soup Dragons, I’m Free (Big Life, 1990) »