Selectorama : The Gentle Spring

The Gentle Spring / Photo : Phillipe Dufour
The Gentle Spring / Photo : Phillipe Dufour

On ne se refait pas : dès que le mot Spring apparait dans le nom d’un groupe, c’est toujours une curiosité assez dingue qui m’envahit… Et vous savez quoi ? Elle est rarement déçue. La dernière fois n’a pas dérogé à la règle – peut-être même encore moins que d’habitude. Parce qu’entre autres, c’est l’histoire qui bégaye quand on s’y attend le moins ‒ et parfois, c’est vrai, c’est très bien ainsi. Chez le label brestois de Too Good To Be True Records (un nom pas loin d’être parfait), on retrouve ainsi la trace de Michael Hiscock, le gars qui a signé deux des plus parfaites lignes de basse de l’histoire de l’indie pop – Sensitive et Missing The Moon de The Field Mice, le groupe qu’il formait avec le mutique Bobby Wratten et qui a accompagné à peu près tous nos fantasmes des années de fin d’université. Aujourd’hui donc, après l’avoir croisé dans l’ombre de Peter Milton Walsh lors de la dernière tournée française de The Apartments en 2022, cet Anglais à Paris revient en compagnie d’Émilie Guillaumot – elle était déjà des concerts où Michael, également accompagné d’autres gens très bien comme Frédéric Paquet et Antoine Bourguilleau, reprenait les chansons de son ancien groupe. Ces deux-là sont aujourd’hui à la tête de The Gentle Spring  et sur leur premier single, ils allient comme à la (hit) parade mélancolie et romantisme, mélodies qui vagabondent sur fond de guitare en bois et de claviers dont les notes résonnent comme la pluie d’un été anglais. Il n’y a sans doute rien de nouveau sous le soleil (exactement), ou plutôt si : deux nouvelles chansons qu’on croit connaitre depuis toujours, deux chansons qui vont mettre quelques couleurs (pastel, forcément) dans un quotidien pas toujours rose, à écouter les yeux clos et le sourire aux lèvres. Deux chansons qui ont suffi pour qu’on veuille en savoir plus sur le pourquoi du comment et sur les disques qui ont marqué The Gentle Spring.

Face Michael

01. The Go-Betweens, Dusty In Here

The Go-Betweens a définitivement été l’un des groupes qui m’a donné l’envie d’en former un et c’est même Grant qui m’a fait choisir la basse. Before Hollywood est un de mes disques de chevet et j’y reviens régulièrement vu que je le trouve assez proche de la perfection, de sa pochette à la qualité folle des chansons, avec ces textes à haute teneur narrative.  « Were you born or just conceived? » est entre autres une phrase qui me vient régulièrement à l’esprit. C’est l’un de ces disques dont je me souviens parfaitement du lieu et du jour de son achat… Dusty In Here est vraiment l’une de mes chansons favorites. Son minimalisme crée une atmosphère très particulière et elle est l’exemple parfait du fait que le « moins » peut créer « plus ».  Le jeu de basse très mélodique de Grant a été une vraie révélation pour moi – c’est ici l’instrument principal et j’imagine même que cette chanson a été composée à la basse –, son chant est d’une fragilité dingure et les autres instruments n’apparaissent que comme des poctuations. Sur cet album qui récèle un paquet morceaux superbes, ce titre se détache, c’est une immense réussite.

02. Japan, Ghosts

De son vivant, j’avais décidé d’ignorer Japan. Je n’arrivais pas à accepter son image et je n’avais sans doute pas assez de patience pour écouter ses chansons. Le fait d’ajouter une basse fretless dans le mix m’a fait me dire que c’était un groupe “difficile” et de façon très paresseuse,  je m’en suis tenu à l’univers de la pop mélodique – et je me trouvais même assez audacieux d’aimer Soft Cell et Duran Duran. Il y a deux ans environ, sur BBC 6 Music, Mary Anne Hobbs a mené en fin d’année une interview fleuve de David Sylvian. L’interview était bien sûr ponctuée par des chansons couvrant toute sa carrière, dont Ghosts. Minimalisme, sensation d’espace and parfois, même le silence complet, le tout accompagné de “bleeps” étranges et de sortes de gargouillis de synthés : cette chanson m’a littéralement obligé à arrêter ce que j’étais en train de faire pour mieux écouter.  Ce que j’avais perçu jadis comme difficile devenait en l’espace d’un instant excitant et audacieux, et cette chanson est vraiment d’une beauté absolue. Cette interview m’a permis de voir David Sylvian comme un artiste dynamique, déterminé, visionnaire. C’est à ce moment-là que j’ai pensé qu’il faudrait que j’essaye d’enregistrer quelque chose moi-même… Et incroyable mais vrai, Ghosts est arrivé à la cinquième place des charts britanniques en 1982. J’aurais vraiment dû l’écouter un peu plus attentivement à l’époque.

03. The Lightning Seeds, Pure

Selon moi, il est quand même assez rare d’entendre de bonnes playlists à un concert, avant que le groupe ne monte sur scène. Parfois, tu vas tomber sur un morceau que tu connais et cela rend l’attente plus facile, mais ça arrive rarement. J’ai entendu cette chanson pour la première fois avec Bobby (ndlr. Wratten, l’autre membre de The Field Mice) à un concert à Londres. Comme d’habitude, Bobby connaissait déjà la chanson et moi, j’ai immédiatement su que je devais l’écouter à nouveau, acheter le single dès que possible. Et le fait que Ian Broudie était l’homme derrière ce morceau et ce groupe a rendu l’instant encore plus parfait. C’est l’un de ces titres qui me donne toujours le sourire et renforce ma croyance dans l’idée que la musique pop peut être magique, que des mélodies puissent rendre heureux. Musicalement, j’adore cette boite à rythmes rebondissante qui conduit la chanson, cette façon qu’il a de chanter sans être un chanteur, l’accroche mélodique de la trompette, la simplicité du solo de guitare… Si j’en crois la légende, il s’agit de son premier enregistrement solo. Quant aux paroles… « As leaves pour down / Splash autumn on Gardens / As colder nights harden their moonlit delights » hisse la pop au rang de poésie. Alors voilà, si un extraterrestre me demandait ce qu’est la pop, je lui jouerais cette chanson.

04. The Monkees, As We Go Along

Le tout premier disque que j’ai acheté, c’est le Greatest Hits de The Monkees, je devais avoir sept ans. Le feuilleton passait régulièrement à la télé et à cet âge-là, j’étais persuadé que d’être dans un groupe était forcément aussi drôle que ça ! Aussi, je connaissais depuis un bail les tubes du groupe quand Harvey Williams m’a fait découvrir le film auto-destructeur des Monkees, Head. Le film en lui-même n’est pas très intéressant, mais la découverte de ces chansons-là et leur place dans le film l’ont été au plus haut point. Ce morceau signé Carole King et Toni Stern est vraiment le titre qui ressort. J’en adore l’instrumentation, en particulier la guitare électrique cristalline du début. Pour Dodge The Rain, j’avais vraiment à l’esprit la sensation que procure cette chanson. La voix de Mickey Dolenz est juste superbe et les images du film– les quatre Monkees en train de flâner comme un seul homme avec un naturel confondant – s’accordent parfaitement avec la chanson. Avec The Field Mice, on a caressé l’idée de jouer la BO de Head dans son intégralité et en tant que bassiste, j’avais hérité de Daddy’s Song. Heureusement, le projet est resté à l’état d’idée !

05. Talk Talk, Desire

La métamorphose de Talk Talk d’ersatz de Duran Duran en formation novatrice est bien connue. C’est une trajectoire étourdissante et entre nous, j’aurais pu choisir une chanson de n’importe quel album du groupe. Cela étant, Spirit Of Eden est celui que j’écoute le plus et Desire est un morceau que je me repasse très souvent. La tension de l’intro, la voix étouffée, le grondement de la guitare juste avant que tout le groupe ne débarque, le son crade et le jeu de batterie fantastique de Lee Harris se marient pour créer une œuvre musicale incroyablement excitante. C’est bien sûr Mark Hollis qui était la tête pensante de Talk Talk mais les musiciens jouaient un rôle déterminant – il suffit de regarder le concert au Festival de Jazz de Montreux en 1986 pour s’en apercevoir. J’ai mentionné Lee Harris mais Paul Webb est un bassiste prodigieux et quand j’ai la chance de pouvoir enregistrer de mon côté, je réécoute toujours avec attention les albums de Talk Talk.

Face Émilie

06. The Beatles, While My Guitar Gently Weeps

Je commence par cette chanson parce que d’abord, les Beatles sont absolument fondamentaux pour moi donc je ne pouvais pas ne pas mettre une de leur chanson dans cette sélection, et ensuite l’introduction de cette chanson avec le son du piano qui percute à contretemps a été une vraie inspiration pour Dodge The Rain. Après, j’aime particulièrement les chansons de George Harrison dans les Beatles (et toutes celles qu’il a écrites en solo aussi) et j’adore le solo de guitare alors que je suis très loin d’être fan d’Eric Clapton. Le refrain aussi est incroyable. En fait, j’aime tout dans cette chanson.

07. Allo Darlin’, Bright Eyes

J’aime beaucoup ce groupe indé et cette chanson en particulier parce que c’est une chanson « dialogue » et j’adore ce format. Je trouve que ça dynamise les chansons, c’est énergisant. Ce titre est issuedu dernier album qu’ils ont sorti en 2014 avant de se séparer, mais ils viennent de se reformer juste là en 2023 et ils font quelques dates en Angleterre. Peut-être un nouvel album à venir, qui sait.

08. Baxter Dury, Claire

C’est une chanson que j’aime beaucoup parce que c’est celle qui m’a fait découvrir Baxter Dury alors qu’Happy Soup était déjà son troisième album. J’ai écouté ce disque en boucle à sa sortie, il a vraiment fait partie de mes coups de cœur de cette période. J’aime le minimalisme de la production, le timbre de sa voix et son accent cockney. J’ai écouté ensuite tout ce qu’il avait fait avant et puis quand j’ai parlé de Baxter Dury à Michael, il m’a sorti tous ses disques de Ian Dury And The Blockheads et ça a été aussi une superbe découverte. Aujourd’hui, je dirais que j’aime tout autant les deux.

09. The Kinks, This Time Tomorrow

C’est une chanson qui rend nostalgique, comme beaucoup de chansons des Kinks. Nostalgique de quoi, on ne sait pas. On n’est pas du même pays qu’eux, la chanson n’est pas dans notre langue maternelle, mais ça ne fait rien, ça fait juste naître ce sentiment, c’est ça qui est beau. Il y a un quelque chose de magique dans l’enchaînement des accords que seuls eux savent faire. J’aime les paroles, avec les vues du ciel. Elle me fait voyager cette chanson.

10. The Luxembourg Signal, Let It Go

The Luxembourg Signal, c’est le groupe américain d’une amie, Beth Arzy – qui a de multiples projets musicaux dont le groupe Jetstream Pony qui est super aussi. Je les ai vu jouer cet été à Glasgow et c’était de loin le meilleur groupe de la soirée. J’aime beaucoup leur son et j’ai choisi cette chanson qui est la dernière chanson de leur premier album qui date de 2014 parce que j’aime beaucoup la voix grave de Betsy et parce que je l’ai écoutée en boucle quand j’ai découvert le disque.


Dodge The Rain / Paris Windows par The Gentle Spring est sorti juste avant l’été chez Too Good Too Be True records. 

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