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Roméo Poirier, Hotel Nota (Sferic)

On s’était perdus de vue après son départ de Strasbourg vers Bruxelles, au début des années 10, et c’est un plaisir de retrouver Roméo Poirier, sur disque pour commencer. Le jeune trentenaire alsacien avait pris le large après avoir fait un tour musical, local et remarqué, notamment sous l’oriflamme Herzfeld  : élégant derrière les fûts de sa batterie pour Original Folks, perspicace dans l’accompagnement (guitares, claviers…) et les arrangements pour Thomas Joseph ou le Herzfeld Orchestra, il avait mené sa barque avec son amie de lycée, Sarah Dinkel, dans Roméo & Sarah pour un premier (et dernier) album CD, Vecteurs et forces, une des plus originales sorties du label strasbourgeois. Le duo malaxait alors avec délicatesse une variété anglophile, étirant un post post-rock (ou une pop spatiale) sur des durées qui permettaient à de minuscules événements (quelques mots anglais, de jolies mélodies et un jeu de guitare subtile) de se produire, en n’abandonnant jamais tout à fait l’aspect mélodique et immédiat. Continuer la lecture de « Roméo Poirier, Hotel Nota (Sferic) »

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Lloyd Cole – Hors Catégorie

Discographie commentée pour la sortie de « Collected Recordings 1983-1989 » chez Tapete Records.

Lloyd Cole and The Commotions, période « Rattlesnakes » / Photo : Peter Anderson

Une silhouette à l’allure à la fois distinguée et nonchalante, une voix empreinte d’ironie et de sensualité, une manière si particulière et nuancée de dépeindre les élans romantiques et les tourments amoureux : la présence de Lloyd Cole dans le cercle étroitement délimité de notre intimité musicale n’a jamais cessé de demeurer, au fil des décennies, si évidente et si familière qu’elle finit parfois par passer presque inaperçue. Cet été, il a suffi que Tapete Records réédite une luxueuse version vinylique de l’intégrale augmentée de l’œuvre des Commotions pour que, gros craquage oblige, resurgissent les souvenirs d’une rencontre en 2013, à l’occasion de la sortie de l’album Standards, cure de jouvence en compagnie de quelques vieux complices – Blair Cowan, Fred Maher –  qui nous avait permis de renouer en sa compagnie les fils épars d’une œuvre bien plus audacieuse et considérable que ce que sa réputation réductrice de chanteur cérébral laisse parfois penser. Continuer la lecture de « Lloyd Cole – Hors Catégorie »

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Le club du samedi soir #12, Peintres, peintures & musiciens

Beauford Delaney⁠,Marian Anderson (détail), 1965.
Beauford Delaney⁠, Marian Anderson (détail), 1965.

Si c’est le regardeur qui fait le tableau comme l’a dit Duchamp, est-ce l’écouteur qui fait la musique ? Et que se passe-t-il lorsque le musicien se fait regardeur ? Se demande-t-il si la trame nue de la toile est le silence du peintre ? Est-il ébloui de trouver en lui un alter ego troublant ? Se demande-t-il si la surface vide encore à naître est l’écho parfait des moindres bruissements du monde muet qui soudain se fait mélodie dans l’espace de son désir de créer ? Mon postulat éthologique d’une liaison inévitable entre ces deux espèces d’êtres, soit peintre et soit musicien, comporte une liste interminable d’exemples sous forme d’amitiés indéfectibles et d’œuvres jumelles. Qu’il s’agisse de liaisons créatives imaginaires ou non entre maîtres réels ou rêvés et élèves plus ou moins disciplinés. De Frédéric Chopin et Eugène Delacroix à Pierre Boulez et Paul Klee, en passant par Debussy et Claude Monet… mais particulièrement, puisque c’est l’image qui vous regarde ici, à travers les yeux de la contralto Marian Anderson peints par Beauford Delaney, qui par son portrait célébra celle qui fut la première femme africaine-américaine à chanter au Metropolitan Opera à New York. En ce qui concerne le champ pop moderne, ce lien créatif oculo-auditif n’est pas en reste non plus. Et cette playlist en est une tentative de démonstration pleine de bonne et mauvaise foi qui ne tient qu’à ma volonté de faire tenir ma propre vision. Écoutez donc et fermez un peu les yeux pour voir ! Continuer la lecture de « Le club du samedi soir #12, Peintres, peintures & musiciens »

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Les Coronados, N’importe Quoi (Romance)

Tout l’été, les albums qui ont échappé aux radars des plateformes de streaming.

Au panthéon des groupes rock français, les Coronados se situent quelque part entre Marie et les Garçons, les Dogs ou les Olivensteins. S’inscrivant dans cette tradition bien française des groupes élégants et sauvages, le dandysme électrique des Coros a marqué durablement la scène underground hexagonale à défaut de connaître un succès grand public. Aujourd’hui encore absent des sites de streaming, la discographie (deux albums) du groupe francilien est rééditée par les Niçois de Mono-Tone. Ils ont démarré en 2019 avec Un Lustre (1989), le second album de la formation, reste N’importe Quoi initialement paru en 1984 chez Romance Records, éphémère labels qui ne produisit qu’une dizaine de références (Les Injectés, Civils Radio entre autres). Continuer la lecture de « Les Coronados, N’importe Quoi (Romance) »

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À la recherche du poptimisme

Frank Zappa

« Les journalistes de rock sont des gens incapables d’écrire qui interviewent des gens incapables de parler pour des gens incapables de lire » avait dit un jour Frank Zappa. Cette phrase prend un sens particulier dans le contexte actuel. Si le journalisme musical a accompagné pendant de nombreuses années la pop en témoignant sur son époque, il semble aujourd’hui être dans une phase de transition (si on est gentil) voir amener à disparaître (si on est pessimiste). Pendant longtemps, en plus d’être un observateur, un des rôles du critique était d’être un guide d’achats. Cette fonction n’a plus lieu d’être en 2020 tant la musique est facilement accessible avant d’éventuellement l’acheter (autre geste déclinant). Ce questionnement s’ajoute à un autre : le poptimisme. Au cœur de la critique des objets culturels (cinéma, musique, littérature…), cette approche influence la manière dont nous percevons les œuvres. Le poptimisme est un vrai trait de notre époque. S’opposant au rockisme, elle influe les sujets et leurs traitements, définissant les contours de la critique en 2020. La récente liste des meilleurs albums de la décennie du vénérable site Pitchfork en est une éclatante démonstration tant elle diffère de l’occurrence précédente. Le concept est pourtant assez ancien, de même que le débat autour. Peut-être surtout cantonné à la sphère anglophone, à notre tour de mettre une pièce dans la machine et voir ce qu’il en sort. Continuer la lecture de « À la recherche du poptimisme »

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Holy Shit reprend « Tomorrow » de The Durutti Column (inédit)

Matt Fishbeck (Holy Shit)

Il y a quelques semaines (autant dire dans une autre vie – c’était au mois de mai je crois), j’ai déjà écrit toute ma fascination pour l’Américain Matt Fishbeck, un esthète comme on n’en croise plus aucun dans l’univers de la musique pop, taillé dans l’étoffe d’un héros d’un film de Pasolini – si tant est qu’il y ait des héros dans les films de Pasolini, mais c’est une autre histoire. Une fascination qu’est venue nourrir ce matin, presque au réveil (Matt Fishbeck est de ceux qui font attention au décalage horaire, une qualité assez rare pour être soulignée), la réception d’une reprise via un lien YouTube. Mais reprise n’est sans doute pas le mot le plus juste. Il s’agit plutôt d’une relecture.

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Jim O’Rourke, Shutting Down Here (Portraits GRM/Mego)

Depuis le début des années 1990 avec Brise-Glace et Gastr Del Sol, formations estampillées « post-rock », jusqu’à ses monumentales Steamroom (49 volumes à ce jour), sans oublier bien évidemment ses disques sur Drag City, son label historique, ou encore ses multiples collaborations avec la crème de la scène expérimentale, Jim O’Rourke est sans aucun doute l’un des musiciens les plus précieux de ces dernières décennies. Passeur indispensable auprès du public pop de toute un pan de la création musicale actuelle (drone, minimalisme, musique répétitive, etc. ), songwriter génial et producteur de tout premier ordre, son importance est assimilable à celle d’un Eno, par exemple. Continuer la lecture de « Jim O’Rourke, Shutting Down Here (Portraits GRM/Mego) »

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Cosmic Trip, la musique à la conquête de l’espace de Gaëtan Chataigner et Christophe Conte

Cosmic Trip, la musique à la conquête de l’espace de Gaëtan Chataigner et Christophe Conte
Cosmic Trip de Gaëtan Chataigner et Christophe Conte

Ce n’est pas tous les jours qu’on voit les Spacemen 3 à la télévision. Et pourtant, cela arrivera avec la diffusion probable et prochaine de Cosmic Trip, la musique à la conquête de l’espace sur une chaîne culturelle franco-allemande bien connue. En attendant, cette somme imposante mise en forme et composée par Christophe Conte (ex-Inrocks, Libération) et Gaëtan Chataigner (The Little Rabbits, les clips de Katerine et un peu plus que ça…) est à découvrir en avant-première dans le cadre de cette nouvelle édition du FAME. Continuer la lecture de « Cosmic Trip, la musique à la conquête de l’espace de Gaëtan Chataigner et Christophe Conte »