Naked Roommate – Do The Duvet (Upset! The Rhythm)

« Je suis le bébé. » C’est l’affirmation répétée tout au long du premier album des Californiens de Naked Roommate. Hommage au nain du roi Stanislas, à l’Epépé de Ferenc Karinthy, simple babille… ou revendication d’une innocence et d’un amour du jeu qui renvoie à toute une tradition de la pop et du post punk ? On ne saurait dire. De mémoire, on n’a jamais vu de bébé avec une si solide éducation, maîtrisant autant son propos et jouant avec tant de charme de sa candeur et de son espièglerie. Si l’on apprend rapidement qu’Amber Sermeńo (chant) et Andy Jordan (machines) ne sont pas nés de la dernière pluie, puisque le couple à la vie comme à la scène (ici épaulé par Alejandra Acalan à la basse et Michael Zamora à la guitare) menait The World, le programme ressemble sans méprise à une cure de jouvence. Dans un style légèrement différent, l’hédonisme en plus, la no wave en moins, mais avec la même obsession du New York du début des années 80, Do The Duvet montre les mêmes qualités de réinvention que l’excellent In Threes de Handle paru en début d’année chez le même Upset! The Rhythm. Dès l’ouverture du disque jaune solaire on entend les échos du premier commandement d’ESG : Dance ! On songe aussi à Lizzy Mercier Descloux, à Liquid Liquid, Vivien Goldman… Bref, on voit immédiatement se dessiner le décor et avec lui tout le catalogue de 99 Records de circonstance. A mesure qu’avance le disque – surtout au moment de changer de face (Fake I.D.) – et en fouillant un peu plus dans la mémoire, on se souvient aussi de l’excellent album Life de Numbers, cette merveille de spontanéité parue au début des années 2000 et malheureusement passée aux oubliettes – comme si dans l’ère du post-tout, ce qui n’est pas né pas d’un savant calcul devait être négligé.

D’ailleurs, les touches de dub du morceau Fill Space rappellent une nouvelle fois la Californienne Indra Dunis et les indispensables premiers disques de son projet suivant parus chez le regretté Night People sous le nom de Peaking Lights – lesquels n’ont toujours pas pris une ride. Certes, on s’égare forcément devant l’impossibilité d’un disque en apparence aussi spontané. On tourne autour, on cherche à redire. Tout cela est forcément du remâché. Derrière tant de légèreté doit se cacher un fastidieux labeur ou une escroquerie. Du moins, on peine à croire qu’en 2020 un disque de ce genre ne traîne pas lourdement derrière lui le poids de l’histoire…

Et puisqu’il s’agit de livrer son opinion (mûrement réfléchie), Do The Duvet est un disque auquel il ne manque que la fameuse aura de ses aînés, car bien souvent, il est meilleur que ceux qu’ils citent. Tout ceci n’est certes pas inédit, mais sans temps mort, d’un naturel désarmant et d’une clarté totale. L’amour du jeu, vous dit-on ! Justement, je dois m’arrêter ici, car j’entends les cris de mon bébé pour qui la sieste a suffisamment duré : pour lui aussi, il est temps de jouer.

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