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Selectorama Les Disques Du Crépuscule

Au début des années 1980, le centre du monde (enfin du monde de la musique intéressante) s’était déplacé à Bruxelles. Là, autour des Disques du Crépuscule fondés par Michel Duval et Annik Honoré, convergeait le meilleur d’un postpunk élargi, allant des expérimentations les plus pointues à la variété pop, et souvent alliant les unes et les autres. Tout cela était porté par une mélancolie très européenne, un rien élitiste, qui rassemblait sur les sorties du label et de ses sous-labels (Radical Records à Paris, Operation Twilight à Londres et Crépuscule au Japon) artistes et groupes de Manchester, New York, Düsseldorf, Edimbourg, San Francisco, Liverpool, Berlin, Lille, et Bruxelles évidemment. Singles et albums certes, mais, peut-être de façon plus emblématique, compilations surtout, dont la trilogie fondatrice From Brussels with LoveThe Fruit of the Original Sin et Ghosts of Christmas Past. Le label est toujours en activité, avec quelques péripéties, mais j’ai choisi pour ce Selectorama de me concentrer uniquement sur ses trois premières années. Continuer la lecture de « Selectorama Les Disques Du Crépuscule »

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Selectorama : Bill Pritchard

Bill Pritchard / Photo : Luke Hodgkins
Bill Pritchard / Photo : Luke Hodgkins

Depuis son retour aux affaires musicales en 2014, après une pause de près d’une décennie, Bill Pritchard n’a eu de cesse d’offrir les prolongements les plus dignes et les plus émouvants à une œuvre déjà considérable, initiée au milieu des années 1980. Au fil des ans et des rencontres – Frédéric Lo, Pete Doherty et, désormais, le poète canadien Patrick Woodcock, fan de la première heure avec lequel il cosigne ce mois-ci l’excellent Sings Poems By Patrick Woodcock, 2023 – il est ainsi parvenu à confirmer son statut de songwriter majeur et d’interprète élégant. D’une voix qui ne s’embarrasse plus de fausses pudeurs juvéniles et qui dissimule moins que jamais la patine de l’âge, il confère des résonances touchantes et intimes à ces textes pourtant rédigés par un autre. Entre références fondatrices et coups de cœur encore frais, il fait preuve d’un même enthousiasme communicatif lorsqu’il s’agit de raconter les chansons des autres. Continuer la lecture de « Selectorama : Bill Pritchard »

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Selectorama : Olivier Perez (Garciaphone)

Olivier Perez (Garciaphone)
Olivier Perez (Garciaphone) / Photo : Julie Lopez

Membre éminent de la scène clermontoise, Olivier Perez donne libre cours, depuis un peu plus d’une décennie, à son imagination musicale souvent teintée de mélancolie, entre folk ouvragé et pop orchestrale pleine de nuances. Les deux albums – et le premier Ep – de Garciaphone ont ainsi démontré l’originalité de son talent ainsi que son affection nullement déférente pour quelques-uns des grands maîtres de l’écriture intime à l’américaine (Elliott Smith, Mark Linkous, Jason Lytle). Alors qu’il prépare pour la fin de l’année un troisième album attendu, il se produira ce week-end pour deux concerts franciliens en format plus intime. Et revient pour l’occasion sur quelques-unes de ses passions anciennes ou récentes. Continuer la lecture de « Selectorama : Olivier Perez (Garciaphone) »

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Selectorama : I:Cube

I : Cube
I : Cube

Au siècle dernier, il avait terrassé les pistes de danse à l’orée de cette fameuse touche française avec un premier maxi renfermant le précieux remix de Daft Punk de son titre Disco Cubizm. Vingt-sept ans plus tard, revoilà Nicolas Chaix avec un nouvel album – le quatrième, si l’on ne considère pas comme tel son Live at the Planetarium (2006) et sa mixtape M Megamix (2012), sans oublier ceux signés avec son comparse de toujours Gilb’r sous le nom de Château Flight, immanquablement sortis sur leur vibrant label Versatile. Toujours aussi discret et excessivement passionné, il livre ici un album aux antipodes de la fête, où l’électronique s’épanouit non loin de ses racines ambient ou krautrock. Entièrement créé en improvisant sur ses machines (synthés, séquenceurs, boîtes à rythmes et divers effets), naviguant entre rêve éveillé et cauchemar contemporain, Eye Cube est peut-être son album le plus introspectif. Nous avions évidemment envie de découvrir quelques pierres blanches ramassées sur le chemin de ce cador de la musique électronique.

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Selectorama : Jowe Head (Swell Maps)

Le survivant du groupe livre ses émois de jeunesse avant son concert vendredi à Sonic Protest

Swell Maps en concert à Edimburgh en 2022, avec Jowe Head à droite.

La première fois où j’ai entendu parler des Swell Maps, ce fut dans une interview de Stephen Pastel aux Inrocks. Il y racontait en substance que c’était le genre de groupe qui pouvait changer, musicalement comme idéologiquement, le cours d’une existence. Et il avait cent fois raison. Sur le sujet, Nikki Sudden lui-même fit une assez bonne analyse : « Swell Maps auraient été bien meilleurs si le punk n’était pas arrivé ». Groupe le plus injustement mésestimé de l’époque, même si les récentes rééditions chez Secretly Canadian ont fait avancer cette cause fondamentale et de moins en moins perdue, faute de combattants. Continuer la lecture de « Selectorama : Jowe Head (Swell Maps) »

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Selectorama : Attention Le Tapis Prend Feu

Attention le tapis prend feu
Attention le tapis prend feu

Bien sûr qu’il est tentant de filer (électrique) la métaphore vidéoludique proposée par le duo pour enrober leur nouvel album Bogueware (Entre-soi). Tout est à portée de nos mains pour peu qu’on ait un jour tenu une manette ou un nunchuk. Les couleurs sont criardes, les silhouettes photoshopées comme il se doit sur la jaquette, les logos drôlement détournés et le génie va surtout se réfugier dans les sons bien sûr et les paroles chargées de références. Mais à dire vrai, on s’en fout un peu, parce qu’à l’écoute, on se rend bien compte qu’il se passe autre chose chez Attention le tapis prend feu : il y a bien ce truc générationnel (déroulé en bas dans ce selectorama de jeunes gens au parfum), les technologies sur maîtrisés et théoriquement comprises, les bande sons des nuages, tout ça, mais en perçant le mur de pixels, on accède quand même à un drôle de talent dans l’écriture des chansons, leurs arrangements et leur construction : instrumentaux hantés, mélodies au-dessus du lot, diversités des styles – de la chanson faussement ingénue pour petiots à la comédie musicale en passant des trucs pop catchy, novelty (appeler ça comme vous voulez), de la musique de film à la tenue d’un album concept de bout en bout, chapeau les méta-artistes. Continuer la lecture de « Selectorama : Attention Le Tapis Prend Feu »

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Selectorama : Les Fils De Joie

Les Fils de Joie
Les Fils de Joie, Toulouse, 1983.

Il y a des concerts auxquels on a assisté et qui ont chamboulé un peu notre vie ; il y a aussi des concerts auxquels on n’a pas pu se rendre et qui pourtant nous ont tout autant marqués.

Le 30 avril 1985 est un mardi. Ce soir-là, des élèves d’une Grande École ont invité à Châtenay-Malabry deux groupes d’ici, Les Calamités et Les Fils De Joie, qui sont assez bien placés dans le Panthéon musical d’une des classes de Terminale A1 du lycée Hoche de Versailles. On n’a pas forcément les disques mais des uns, on connaît tous par cœur les paroles d’Adieu Paris – dont on préfère la version originelle, enregistrée sur une cassette vierge lors d’une diffusion sur Radio 7 (sans doute) à celle surproduite par Frank Darcel – et on aime bien Tonton Macoute et leur reprise des Ramones aussi, Havana Affair en version chaloupée ; des autres, on adore Toutes Les Nuits, sa rythmique débridée et ses paroles un peu légères, on est moins convaincu par la reprise de The Kids Are Alright – mais quand même, reprendre The Who, c’est chouette -, et puis, Pas La Peine d’essayer de résister à la pop vintage de ce groupe mixte dont le nom nous fait fondre. Continuer la lecture de « Selectorama : Les Fils De Joie »

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Selectorama : Clément Cogitore

Karim Leklou, acteur et Clément Cogitore, réalisateur de "Goutte d'Or"
Karim Leklou, acteur et Clément Cogitore, réalisateur de « Goutte d’Or » / Photo : Laurent Le Crabe

Insaisissable, iconoclaste et polymorphe, Clément Cogitore arrive à peu près toujours où on ne l’attend pas. Plasticien, metteur en scène d’opéra, vidéaste et réalisateur, à un jeune âge (39 ans) où il donne le sentiment d’avoir vécu cent mille vies. Dans sa mise en scène des Indes Galantes à l’Opéra de Paris en 2019le lyrisme de l’opéra-ballet de Rameau se confronte à l’énergie folle des danseurs urbains. Son troisième film de cinéma est aussi sa seconde œuvre de fiction, après le documentaire Braguino (2017) consacré à la vie en autarcie d’une communauté dans la taïga sibérienne. Croyances, minorités, mémoire collective et cartographie poétique sont à nouveau au cœur de Goutte d’Or, magnétique film porté par le formidable comédien Karim Leklou, dans le rôle de Ramsès, un marabout escroc dont le destin va se disloquer au contact d’une bande de jeunes délinquants immigrés. Nous avions évidemment envie d’interroger le réalisateur sur ses marottes musicales.
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