The Colorist Orchestra & Howe Gelb ft. Pieta Brown, Not On The Map (Dangerbird)

Depuis qu’il a mis un terme à l’œuvre de Giant Sand en 2015 (ce qui ne l’a pas empêché de continuer à réenregistrer les premiers disques du groupe, mais là n’est pas la question…), Howe Gelb semble constamment en recherche de nouveaux horizons musicaux, sans doute plus adaptés avec sa soixantaine déjà bien entamée. Si l’on excepte le superbe Gathered paru en 2019, le parrain officiel de la scène musicale de Tucson a donc déjà enregistré deux albums de jazz (Future Standards en 2016, puis Further Standards, avec Lonna Kelly, l’année suivante), seul (ou presque) au piano, et le voici à présent embarqué dans l’americana fantasmée du très singulier Colorist Orchestra pour ce très beau Not on the Map, rêverie entêtante à situer quelque part entre les clichés néo-country de Calexico et la musique contemporaine du Kronos Quartet

The Colorist Orchestra
The Colorist Orchestra

Depuis 2013, Aarich Jespers et Kobe Proesmans, les deux leaders, belge et hollandais, du Colorist Orchestra, invitent des voix, féminines ou masculines, à accompagner leurs audacieuses rêveries musicales. Cette année, c’est donc Howe Gelb qui a été convié à les rejoindre. Intitulé Not on the Map, le disque s’inscrit d’emblée dans un registre imaginaire avec l’inénarrable cowboy, toujours mi-Vincent Price, mi-personnage de Jarmusch, dans le rôle du narrateur. De fait, Howe Gelb ne chante quasiment plus. Acteur dans l’âme, il se contente désormais de murmurer les textes, jouant des différentes intonations et modulations de voix pour faire vivre le récit et naître les émotions. Ceux qui ont entendu sa formidable reprise d’Eleanor Rigby sortie en 2012 savent que l’homme est véritablement capable de se réapproprier n’importe quel chef-d’œuvre. Cette fois, c’est l’immense Gentle on My Mind, ballade country enregistrée en 1967 par John Hartford et reprise par des artistes aussi divers qu’Aretha Franklin, Glen Campbell, Elvis Presley ou encore Johnny Cash, qui fait l’objet d’une magnifique réinvention. Plus de cinquante ans après sa création, la chanson est donc ici entièrement repensée par la magie orchestrale du Colorist Orchestra, ainsi que par la diction et les modulations vocales du King of Cool de Tucson. Le résultat est éblouissant et figure sans mal parmi les plus belles interprétations de cette chanson. Mais ce remarquable Not on the Map ne saurait se limiter à cette superbe reprise de Gentle on My Mind.

Ce serait oublier un peu vite l’americana enivrante du splendide Counting On sur laquelle s’ouvre le disque, le jazz intimiste de Thyne Eyes ou le somptueux Tarantula, instrumental aux mille nuances qui, dans un registre de musique de film imaginaire, rivalise clairement avec le meilleur de Calexico. Par moments, sur des titres comme Dr. Goldman ou Counting On, l’album rappelle un peu la rencontre de Daniel Lanois et Robbie Robertson sur le premier opus solo de l’ancien leader du Band. Cela donne une idée du sérieux de l’affaire, mais aussi de l’âge assez avancé de la plupart des participants. En fin de disque, le magnifique Not on the Map donne à l’ensemble une coloration somptueusement nostalgique et suggère que, s’il s’agit bien d’une œuvre atypique, hors des cartes et de tous les clous possibles, cette superbe collaboration de Howe Gelb avec le Colorist Orchestra (et la chanteuse Pieta Brown, sur trois morceaux) fait désormais partie des plus belles réussites de sa longue carrière.


Not On The Map par The Colorist Orchestra & Howe Gelb ft. Pieta Brown est disponible sur le label Dangerbird Records.

NB : Howe Gelb et le Colorist Orchestra seront en concert exceptionnel le 14 novembre prochain à l’Opéra de Lyon dans le cadre de la carte blanche laissée à Bertrand Belin et La Féline par l’Opéra Underground.

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