Depuis maintenant six ans, la revue Audimat permet à un discours critique et théorique ambitieux sur les musiques populaires de se développer. Un espace singulier dans le monde francophone, remarquable par son exigence et son ouverture, au sein duquel peuvent se côtoyer des articles aux thématiques aussi variées que le grime, l’auto-tune, Anne Sylvestre ou encore le Field Recording. Une aventure qui se poursuit logiquement aujourd’hui avec la création d’une maison d’édition, et la traduction de l’ouvrage désormais définitif de Simon Reynolds sur le glam rock. Un choix qui n’a rien d’étonnant dans la mesure où Reynolds incarne une figure tutélaire pour toute une tradition d’écriture sur l’objet pop. On pense bien évidemment ici à son monumental Rip It Up and Start Again sur le post-punk, ou encore à Retromania, formidable réflexion sur la crise d’un certain modernisme et la nostalgie post-historique qui l’accompagne – pour ne pas évoquer d’autres ouvrages non encore traduits comme Energy Flash sur l’explosion rave britannique ou The Sex Revolts sur la politique musicale des sexualités. Avec Le choc du glam, nous retrouvons une approche caractéristique d’une démarche qui entend saisir un phénomène culturel comme un fait social total, et qui lui permet de creuser ce qui semble être l’une de ses grandes obsessions : l’interrogation sur l’histoire et la modernité, comme si la pop, en tant que forme imbriquée dès son origine aux techniques de production des industries culturelles, offrait un lieu privilégié pour appréhender les mutations du contemporain. Continuer la lecture de « Simon Reynolds, Le choc du glam (Editions Audimat) »
Étiquette : Lieu : Angleterre
Catégories sunday archive
Abécédaire Blur (2003)
Week-end Damon Albarn : retour en 2003 au moment de la sortie de « Think Tank »
Bien plus qu’un simple septième album, le premier depuis quatre ans, Think Tank était le disque de tous les dangers. Placé en hibernation pour cause de projets parallèles chez Damon Albarn – surpris dans un grand écart périlleux mais victorieux entre la Jamaïque version Gorillaz et l’Afrique de Mali Music –, Blur pouvait ici tout perdre. Un enregistrement a priori chaotique allait même prendre des proportions plus dramatiques à l’annonce du départ de Graham Coxon, son guitariste, considéré par certains comme la véritable âme de la formation de Colchester. Pourtant, à l’écoute de cette merveille apaisée et tamisée, le néo-trio a tout gagné : un nouvel équilibre, de nouvelles voies à explorer. Entre dub polaire et ballades lunaires, pop crépusculaire et punk sanguinaire, Think Tank s’avère aussi surprenant que convaincant. Et se pose en nouveau chapitre de l’histoire d’un groupe en perpétuelle (r)évolution.
Interview : Estelle Chardac & Nicolas Plommée Continuer la lecture de « Abécédaire Blur (2003) »
Catégories mixtape
Le club du samedi soir #26 : Damon Albarn
Week-end Damon Albarn, partie musicale.
Il faudrait évidemment bien plus qu’un seul week-end consacré à Damon Albarn pour illustrer la carrière de l’extrêmement prolifique et toujours jeune homme de Whitechapel. Interviewé dans nos colonnes ce matin, Nicolas Sauvage, auteur de Damon Albarn : L’échappée Belle aux éditions du Camion Blanc nous emmène en voyage dans les différentes décennies habitées par la musique du leader de Blur, Gorillaz, The Good, The Bad & The Queen à travers une playlist sélectionnée par ses soins. Toutes périodes mélangées, tous alias confondus, histoire de souligner une fois encore le génie total de l’anglais.
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Catégories billet d’humeur, playlist
Two-Tone : danse avec des larmes dans les yeux
Par où commencer ? Par la rumeur qui voudrait que le créateur de Peaky Blinders, Steven Knight, aurait retroussé les manches de sa Ben Sherman pour se lancer dans la production d’une série consacrée à l’explosion du ska Two-Tone à Coventry et Birmingham à la toute fin des années 1970. Avec un pitch qui fera frémir l’échine nostalgique de toute ma génération : « C’était la bande originale qui traduisait merveilleusement l’atmosphère de l’époque, dans les rues, dans les clubs, dans les tribunes ». Suggs, le chanteur de Madness, ne nous avait finalement pas dit mieux entre deux digressions autour de son amour pour Chelsea : « Cela dit, il n’y avait pas grand-chose d’autre pour s’occuper à ce moment précis en Angleterre, c’était une période assez triste. Il n’y avait que le punk et le hooliganisme pour tuer l’ennui.
NDLR : Ecoutez la playlist Two-Tone par Nicolas Ksiss-Martov en bas de page.
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Catégories avant-première, borne d'écoute
Clip : The Attendant : « Teenage »
Un simple bénéfice secondaire du confinement ? Ou plutôt une tentative pour faire circuler librement un peu de la parole poétique qui s’accumule dans l’espace domestique restreint et cherche à s’étendre dans les rues vides ? Il y a un peu de cette urgence nouvelle et peut-être encore bien d’autres choses dans The Attendant, nouveau projet de Pete Astor, épaulé par Ian Button (Papernut Cambridge, Death In Vegas). Un premier 45 tours est déjà sorti au printemps, un troisième est annoncé. Entre les deux, Teenage s’intercale en guise de transition, comme une version dévastée et glaçante du prélude en talkover de Suburbia (1986) des Pet Shop Boys.
Catégories billet d’humeur
La Bonne Vitesse
À propos du coffret Deluxe de « Power, Corruption & Lies » de New Order (Part 2)
Il en faut peu parfois, pour se rappeler à de souvenirs presque honteux ou juste un peu farfelus.
C’était il a quelques semaines, dans cette période un peu « confuse » où nous pouvions encore prendre l’apéritif en terrasse, une activité que j’ai beaucoup pratiquée mais dont la régularité est désormais assez aléatoire. De temps à autre, je me laisse aller et la plupart du temps je vais à Le Rochelle*, y papoter de la joie du néant avec ma camarade Maud T. tout en sirotant les pulpades légères que concocte avec soin, l’excellent Stéphane Bodin**. Qui n’est pas le dernier des fans obsessionnels de New Order, il va sans dire. Il a même fait leur première partie à l’Olympia, c’est dire. Il m’arrive d’ailleurs d’y revenir prendre un ou deux digestifs afin de ne converser qu’exclusivement sur ce sujet. Continuer la lecture de « La Bonne Vitesse »
Catégories sunday archive
Interview Mots-Clés : Tim Keegan
Pour le retour surprise de son groupe Departure Lounge en 2021, focus sur ce formidable songwriter
C’est vrai qu’avec lui, on a souvent passé plus de temps dans la salle d’attente que dans le hall d’embarquement. Et parmi tous les retours et autres réapparitions inattendues qui sont désormais le lot du grand recyclage musical, celui de Tim Keegan n’est certainement pas celui qui engendrera le plus de fracas médiatique. Pourtant, celui qui demeure, cinq ans après la publication de son dernier album solo en date, l’une des plus fines et des plus exquises plumes du Royaume-Uni mérite bien qu’on lui consacre une écoute attentive. C’est pourquoi l’annonce, en ces temps pour le moins troublés, d’un futur album de Departure Lounge en 2021 – le premier depuis dix-neuf ans ! – sous forme d’un ajout printanier au catalogue irréprochable de Violette Records, a largement contribué à illuminer un peu les tristes journées d’un automne reconfiné. Alors, quand la confirmation est survenue ce vendredi, avec un premier extrait – Al Aire Libre, délicatement retouché par le fidèle Kid Loco – on a eu envie de ressortir des tiroirs cette interview réalisée pour la sortie de The Long Game effectuée en 2015, au cours de laquelle ce songwriter élégant s’était prêté au jeu des associations libres au travers d’une poigne de mots-clefs. Histoire de renouer un peu avec la beauté sans tapage des œuvres qui possèdent le mérite rare de n’obéir qu’à leur propre nécessité.
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Catégories chronique anniversaire, classics, mardi oldie
Pulp, Different Class (Island, 1995)
Trop de gens l’ignorent, mais la britpop, terme aussi galvaudé que le Cool Britannia de Tony Blair, serait née à Paris, et plus précisément à la Cigale, un soir d’octobre 1991. Ce n’est pas moi qui l’affirme mais Russell Senior, le violoniste visionnaire de Pulp qui l’écrit dans sa savoureuse autobiographie Freak Out the Squares : My Life in a Band Called Pulp. Loin du cliché de Brett Anderson enroulé dans le Union Jack pour la couverture de Select, ou de la très médiatique bataille des singles entre Blur et Oasis de l’été 95, il explique très justement comment ce soir-là, en compagnie de Blur et de Lush (tête d’affiche de cette légendaire édition du Festival des Inrocks), il y eut une prise de conscience collective et alcoolisée qu’il se passait quelque chose. Quelque chose de différent. Continuer la lecture de « Pulp, Different Class (Island, 1995) »