Selectorama : Black Country, New Road

Black Country, New Road
Black Country, New Road / Photo : Matilda Hill Jenkins

Au début des années 90, il aurait été impensable d’imaginer qu’un groupe comme Black Country, New Road soit signé chez Ninja Tune. La musique du septuor londonien (et non originaire des Midlands comme son nom pourrait le suggérer) est on ne peut plus éloignée des beats et des breaks hip hop qui caractérisaient le label à l’époque. On retrouve par contre dans leur premier album, For The First Time, un goût prononcé pour l’expérimentation et l’envie de s’abolir de toute frontière. Considéré jusqu’à aujourd’hui comme un excellent groupe de scène (les quelques chanceux présents au Yoyo à Paris en mars 2020 confirmeront quasi unanimement) le groupe a réussi à capturer sur disque ce sentiment de liberté, de cohésion mais aussi de cassure brutale vers l’inattendu. Vous l’aurez aisément compris, six titres de For The First Time ne dévoilent pas toute leur richesse à la première écoute. Ces longues pistes accompagnées de violon et de saxophone laissent la musique prendre le dessus sur les paroles, à l’image des dix titres sélectionnés par Lewis Evans, membre fondateur et saxophoniste du groupe, dont la culture musicale semble déjà bien affirmée malgré son jeune âge.

1. Bheki Mseleku, Through The Years

J’ai découvert l’existence de Bheki Mseleku il y a deux ans. Je le regrette vraiment car c’est un compositeur avec un style si fort et personnel que j’aurais souhaité que sa musique m’accompagne depuis plus longtemps. Ce morceau est incroyablement beau. Les vocaux d’Abbey Lincoln apportent de l’audace aux harmonies subtiles de Bheki. C’est très singulier.

2. Nnamdi Ogbonnaya, Everyone I Loved 


Encore un artiste que j’ai découvert sur le tard, cette fois grâce à un algorithme Spotify, avec sa chanson Art School Crush. Je me suis dit : waow, ce mec est bien barré. Ce n’est qu’en découvrant son back catalogue que j’ai réalisé qu’il était bien plus que ça. Il est hilarant. C’est un musicien et songwriter extrêmement talentueux. En 2013, il repoussait déjà des frontières au-delà d’un seuil qu’il m’est possible d’imaginer pour l’époque. Ce titre est extrait de Brat, son dernier album. Je l’écoute en boucle depuis le premier confinement en mars dernier.

3. Weyes Blood – Picture Me Better


J’aurais pu choisir n’importe quel titre de son album Titanic Rising. Ce n’est pas seulement mon album préféré de 2019 mais un de mes albums préférés tout court. Son écriture est exceptionnelle, sa voix parfaite et les arrangements du disque sont épiques. Cette chanson me marque particulièrement car elle est dépouillée, mais seulement par moment. Elle donne l’impression d’une honnêteté plutôt brute qui peut parfois de perdre dans des chansons lorsque l’on cherche à être ambitieux. Elle se fond parfaitement dans une œuvre que j’aurais rêvé de composer.

4. João Gilberto, Estate


C’est selon moi, et de loin,  le meilleur arrangement d’orchestre qui puisse exister. Je n’ai jamais rien entendu d’aussi beau. A tel point qu’il n’y a même pas besoin d’en parler, il faut juste écouter.

5. Ella Fitzgerald, Count Basie, Honeysuckle Rose


Ella Fitzgerald est une de mes musiciennes préférées. Ce n’est pas souvent que l’on a l’occasion de l’écouter en pleine conversation avec l’un des meilleurs instrumentistes de l’époque. C’est une triste vérité de dire que, en tant que femme, elle n’a pas pu déployer tout son talent dans un milieu hyper masculin. Si un homme avait sa sensibilité, son expression mélodique, son talent d’improvisation pour accompagner un saxophone ou une trompette, il serait applaudi comme un des plus grands. Elle était bien plus que l’une des grandes chanteuses de son époque. Son chant sur ce titre est absolument dingue. Peu de titres arrivent à me rendre heureux d’être en vie. C’est l’un d’entre eux.

6. Soweto Kinch, Never Ending


J’ai entendu ce titre pour la première fois quand j’avais 15 ou 16 ans. Il m’a fasciné. Il y avait quelque chose de différent dans le son. Ça m’a fait le même effet qu’un riff de guitare saccadé peut avoir sur un fan de rock. Il y a un côté “badass” qui me fait me sentir vraiment cool quand j’écoute Never Ending.

7. Alvvays, Archie, Marry Me 


Encore une découverte récente. C’est pour moi l’exemple parfait du titre auquel tu accroches immédiatement. Ils n’en font pas des tonnes, c’est honnête, simple et pourtant l’écriture est vraiment unique. Ce titre est intemporel. Je viens de découvrir qu’il datait de 2014 et pourtant il semble tout droit sorti des 90’s. Il est d’une efficacité incroyable.

8. Kenny Garrett, Night and Day


C’est un titre formateur pour moi. Quand j’ai entendu Kenny Garrett pour la première fois, j’ai su comment je voulais sonner en tant que musicien. J’aime non seulement sa tonalité, mais aussi son incroyable langage. La façon dont il effectue ses changements de rythmes est une source d’inspiration. Il excelle dans l’art d’improviser. C’est l’un de ses meilleurs morceaux, selon moi.

9. Elis Regina, Carinhoso


C’est un joli morceau qui explore beaucoup de territoires. Le fait qu’il soit en portugais doit jouer car ne pas comprendre les paroles vous aide à laisser la musique vous emporter dans les différentes humeurs qu’elle suggère. Il y a des moments désespérément tristes, d’autres plus réconfortants. Ajoutez-y une performance vocale exceptionnelle, et vous obtenez un ensemble proche de la perfection.

10. Marvin Gaye, What’s Happening Brother


Il s’agit probablement de ma chanson préférée de tous les temps. Elle est extraite d’un des meilleurs albums jamais enregistré. Je l’ai tellement écoutée que je devrais en être lassé, mais ce n’est pas le cas. Ça n’arrivera probablement jamais.

For The First Time de Black Country, New Road est disponible  chez Ninja Tune.

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