Traîtres à la cause, tâcherons, ignobles, vulgaires et bourrins. Les indie popeux n’auront pas de mots assez durs pour dézinguer Primal Scream à la sortie de leur second album éponyme en 1989. Il faut dire que Bobby Gillespie en a déjà sous le coude lorsque paraît, deux ans plus tôt, Sonic Flower Groove, le premier LP de son groupe. Avant cela, il avait joué le faire-valoir au sein de The Wake et un peu plus que ça chez The Jesus And Mary Chain. Sonic Flower Groove, donc, disque aussi brillant que rétro, déjà culte avant même sa sortie, faisant la part belle aux obsessions sixties de ses auteurs (Love, The Byrds) et érigeant Bobby Gillespie en sex-symbol improbable d’une nation indie en anorak. Autant dire que le passage du soleil californien à la rudesse rock de Detroit fait jaser… Et pourtant. Au milieu de ce disque rétrograde, et plutôt bon rétrospectivement (avec The Stooges et MC5 en ligne de mire), trônent quelques déchirantes ballades sous haute influence Big Star. Par exemple, la pépite I’m Losing More Than I’ll Ever Had, devenue Loaded sous les ciseaux avisés mais pas encore experts d’Andrew Weatherall, va transformer leur vie et la nôtre. Continuer la lecture de « Primal Scream, Screamadelica (Creation) »
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Nada Surf : Matthew cause

« Jamais très loin du cœur » : c’est la meilleure traduction que l’on puisse proposer du titre de ce neuvième album de Nada Surf, Never Not Together. Approximative, sans doute, si l’on s’en tient à la lettre. Mais fidèle à l’état d’esprit qui nous anime à l’heure d’en discuter avec le principal intéressé, Matthew Caws. Car même si l’on s’habitue trop facilement au luxe et au confort, Nada Surf fait partie des très rares formations qui, depuis un quart de siècle, ne nous ont jamais vraiment déçus. Comme souvent – presque toujours à vrai dire – les retrouvailles procurent cette fois-ci ce sentiment de familiarité immédiate et englobante, où le plaisir de la découverte semble inextricablement mêlé aux délices de la nostalgie. Continuer la lecture de « Nada Surf : Matthew cause »
Catégories interview
Destroyer : « Donner forme à un album reste un mystère pour moi »

Destroyer vient de sortir Have We Met, son treizième album. Projet initialement centré autour de la paranoïa liée au changement de siècle, il s’est transformé en un recueil de titres intenses mais pop. Dan Bejar le crie haut et fort, s’il est l’homme à tout faire de Destroyer, il délègue une bonne partie du processus créatif à ses fidèles collaborateurs. Il a conçu Have We Met en isolement total, lançant les idées et attendant impatiemment de recevoir les résultats par e-mail. La prise de risque artistique a payé. Ce disque qu’il pensait ne pouvoir jamais finir s’éloigne des influences parfois flagrantes de ces albums précédents. Bejar nous a accordé un long entretien au cours duquel il nous parle ouvertement de ses conflits intérieurs, de ses albums passés, de ses obsessions musicales et de son rapport à la vieillesse. Continuer la lecture de « Destroyer : « Donner forme à un album reste un mystère pour moi » »
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Papivole #10, mon histoire avec la presse musicale, 1978-2018 : le fanzine Ductus Pop

Un fanzine A5, un label de cassettes… Entre Strasbourg et Toulouse, l’effet miroir avec ma petite entreprise (Langue Pendue : un fanzine A5 et ses cassettes) est étonnant. En découvrant Ductus Pop (numéro 25 déjà !) et le label Hidden Bay (plus de trente références !) par l’entremise de mes amis de Section26, mon cœur a battu la chamade, évidemment. J’y ai lu ce qui fait l’essence d’un fanzine : un mélange subtil d’auto-fiction, d’improvisations graphiques, de constat politique à la première personne, d’interventions d’amis et de proches, et de passion évidente pour les petites choses pop (souvent anglo-saxonnes mais pas que) qui constellent la toile. Manon, dont la boussole interne s’affole parfois vers le sud (l’Espagne, notamment) commente les premiers efforts de jeunes groupes balbutiants, qu’elle recrute parfois dans un même geste pour son propre label. J’avais envie d’en savoir plus sur ses goûts, ses méthodes et son expérience du présent. Rencontre. Continuer la lecture de « Papivole #10, mon histoire avec la presse musicale, 1978-2018 : le fanzine Ductus Pop »
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Vaughan Oliver par ceux qui l’ont aimé #2
Une célébration du travail de l’immense graphiste pour le label 4AD

En complément de l’hommage à Vaughan Oliver déjà publié, nous vous proposons trois témoignages inédits. Reçus plus tardivement, il nous est évidemment apparu indispensable de les partager, car chacun offre un éclairage supplémentaire et intime sur l’œuvre de cet artiste hors normes. Tout d’abord, celui de Simon Larbalestier, photographe, collaborateur de longue date de Vaughan (les pochettes des Pixies c’est lui). Pour cette occasion, il nous offre quelques photos de ses archives personnelles. Terry Dowling, le professeur, tuteur et ami de Vaughan revient avec émotion sur cet élève génialement rebelle qui est venu chercher conseil et approbation auprès de lui jusqu’à la fin de sa vie. Enfin, Ian Masters des Pale Saints parle de sa collaboration avec Vaughan pour la pochette de In Ribbons (1992).
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Catégories hommage
Vaughan Oliver by the ones who loved him #2
A celebration of the work of 4AD’s unforgettable art director

Following our tribute to Vaughan Oliver, we bring to you three previously unpublished pieces. We still felt it was essential for us to share them, despite receiving them after our original piece. First, Simon Larbalestier, photographer and long-time colleague of Vaughan’s (his credits include the Pixies album covers) shares an emotionally powerful account of his relationship with Vaughan Oliver, illustrated with photos from his personal archives. Terry Dowling, Vaughan’s teacher, tutor and friend speaks with emotion of his brilliantly rebellious student who came to him for advice and his approval until the end of his life. Finally Ian Masters of the Pale Saints recalls working with Vaughan for the cover of In Ribbons (1992). Continuer la lecture de « Vaughan Oliver by the ones who loved him #2 »
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Julien Gasc, L’appel de la forêt (Born Bad Records)
Si vous en avez assez de votre boulot, du stress de la vie, de la misère sociale, que vous cherchez l’amour, le vrai, le passionné et romantique, celui pour lequel vous plaqueriez tout et partiriez vivre comme un punk à chiens, alors L’Appel De La Forêt est là, pour vous, avec l’amour comme principe à suivre, « surtout en ces temps tristes ». Ce disque est un bol d’air montagnard et Julien Gasc est l’Elisée Reclus de la pop. Géographe des sentiments, il s’affirme comme un poète dont les thèmes sont des plus classiques et absolus : l’amour des êtres et de la nature, le désir de faire corps et esprit avec tout. L’Appel De La Forêt, la chanson titre, est la plus belle lettre d’amour à l’âme de la forêt jamais écrite, et en l’occurrence, ici la lettre s’adresse aux premières forêts du parc du Haut-Languedoc, qui d’après les experts de la faune et de la flore que Gasc a contacté seraient nées il y a 55 000 ans. Gasc va jusqu’à hurler son amour (une première dans son œuvre) à la forêt. Et la voix de Catherine Hershey, la fée des bois, qui vient habiter tout le disque, est la chose la plus consolante qui soit. Gasc est l’ami que l’on aimerait pouvoir appeler à toute heure pour enfin pouvoir « se confier dans le calme ». Continuer la lecture de « Julien Gasc, L’appel de la forêt (Born Bad Records) »
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Alice Boman, Dream On (PIAS)
La suédoise Alice Boman s’est fait connaître en 2013 au travers d’un Ep, Skisser, constitué de démos timides qu’elle n’avait probablement jamais destinées à quelconque public. Des débuts prometteurs qui n’annonçaient pourtant pas l’insolente évidence de ce premier album qui se sera donc fait attendre. Les plus assidus se rappelleront tout de même du très beau single Dreams paru en 2018 qui annonçait bien les thématiques du présent LP. La présence aux manettes de Patrik Berger, producteur bankable de Charli XCX, Robyn ou encore Lana Del Rey et Miike Snow aurait pu laisser craindre un recadrage pop grand public de la native de Malmö. Continuer la lecture de « Alice Boman, Dream On (PIAS) »