Harmonium, Les Cinq Saisons (Célébration, 1975)

Le Québec, à la fois si proche et loin. Si nous sommes séparés à travers l’océan Atlantique de nos lointains cousins, nous partageons la même langue. Nos histoires respectives se sont parfois croisées, elles ne partagent pas toujours les mêmes blessures. Au-delà des mots, intéressons-nous au patrimoine musical québécois. Relativement peu connu dans l’hexagone, Harmonium est l’un des jalons de la culture francophone nord-américaine des années soixante-dix. Porté par l’esprit d’indépendance qui anime la décennie, le groupe a su capter les espoirs des siens en les métamorphosant dans une musique onirique et bucolique. Fondé en 1972 par Serge Fiori et Michel Normandeau, le duo devient l’année suivante un trio avec l’arrivée de Louis Valois. Ils constituent l’ossature du groupe, en particulier sur les deux premiers albums : Harmonium (1974) et Les Cinq Saisons (1975), également connu sous le nom de Si On Avait Besoin d’une Cinquième Saison.

Harmonium
Harmonium

Harmonium s’inscrit dans un mouvement de fond de redécouverte du patrimoine à la fin des années soixante et pendant la décennie suivante. La musique folk se pare d’influences progressives. En Angleterre, des groupes tels que Fairport Convention ou The Incredible String Band explorent leurs racines et les trempent dans des buvards psychédéliques. En France, Malicorne, Tri Yann, Maluzerne, La Bamboche et d’autres, redécouvrent l’épinette des Vosges, le dulcimer, ou la bombarde. Harmonium se nourrit de ce contexte mais y inscrit ses propres aspirations. Avec leur deuxième album, Les Cinq Saisons, ils créent une musique singulière à la fois richement arrangée mais aérée. Rejoints par Pierre Daigneault et Serge Locat, le groupe explore une palette de sons variés, depuis des gazouillis de flûtes jusqu’aux émouvantes notes d’un mellotron omniprésent. La claviériste Marie Bernard vient même ajouter quelques notes d’ondes Martenot sur le magnifique En Pleine Face. La batterie est la grande absente des Cinq Saisons, le disque ne comprend presque aucune percussion si ce n’est des cuillers sur Dixie. Il en résulte une ambiance paisible, très hippy même, à l’image de la pochette créée par Louis-Pierre Bougie

Le groupe s’épanouit aussi dans des formats longs. Composé uniquement de cinq morceaux, dédiés aux saisons pour les quatre premiers, Harmonium prend le temps de donner vie à des climats. Depuis l’Automne s’étire sur dix minutes absolument splendides, émouvantes et délicates. Musique de continuité plutôt que de rupture, Harmonium n’en reste pas moins très progressif dans ses envies et son esprit. Les Cinq Saisons évoqueraient presque une rencontre (improbable) entre les Moody Blues et Crosby Stills & Nash. Le long-jeu est un voyage temporel et physique dans le Montréal des années 70, ses désirs de changements pour le futur. L’album se conclut sur le bien nommé Histoires Sans Paroles, un titre instrumental de plus de dix-sept minutes, ambitieux mais jamais prétentieux. Succès populaire à l’époque, Les Cinq Saisons est devenu un classique du patrimoine québécois. Il reste aujourd’hui un disque d’une beauté très particulière. Il calme nos âmes et les aide à s’évader d’un quotidien trop frénétique. Produit de son époque, il apparaît pourtant si intemporel. Sans comprendre le français, la musique parle d’elle même. Au delà-du contexte, Les Cinq Saisons touchent ainsi à l’universel.


Les Cinq Saisons ou Si on avait besoin d’une cinquième saison par Harmonium est sorti en 1975 sur le label Célébration.

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