Mendelson, Le Dernier Disque

Mendelson
Mendelson lors de l’enregistrement de ce dernier album.

C’est une vieille histoire.

Susurrée, de vieux trucs censément parlants, de vieux trucs censément beaux. Sauf que tout, toujours, est vieux, donc je peux enlever ce mot.

Quand Je ne veux pas mourir nous explose les tympans sur une compile de rentrée des Inrocks – tiens – on a déjà fini – de ne pas être vieux – de ne pas être – on a déjà conscience que – disparaître – ce n’est pourtant que le lycée, encore.

J’ai toujours aimé Mendelson, l’idée de Mendelson, et pourtant ces histoires de deux batteries, de contrebasse, de tout ça, m’ont toujours – un peu – fait chier. On s’en fout, c’est vrai, il y a du zim boum et du boum boum, il y a des basses fréquences pour élargir le spectre, ça suffit et le reste ressort de – si j’ai la flemme de l’empathie – ressort de l’indulgence. Sauf qu’avec des paroles pareilles, on ne peut pas – on ne peut pas jouer au free rock – au free truc – on ne peut pas jouer à l’adulte.

Mais, quand même, c’est beau.

Et je m’en veux déjà de cette flemme de l’empathie.

Quand c’est beau, ça fait penser à Earth – ça ne fait pas penser au dispositif – à tous ces instruments – à tout ça – à l’art.

J’ai bien aimé Bruit Noir, comme tout le monde, parce qu’il n’y avait pas ça – seulement le son et les mots – seulement l’écoulement – la durée – pas “le moment de l’art”.

Il y avait L’Abattoir, chanson après laquelle tu fermes ta gueule, chanson que mes potes de droite n’aiment pas, chanson cruciale – chanson impeccable d’apéro, quand ton pote un peu de gauche te dit que quelque part il adore les animaux et comprend les végétariens mais les trouve un peu extrême, une main grattant la tête de son chien, une autre tenant du saucisson – le monde dissone facilement – la viande et l’usine – L’Abattoir.

Il y avait, sur Sciences politiques, Le Soulèvement, adaptation de Ghost of Tom Joad, adaptation adorée. Peut-être que j’aime trop Springsteen – mes potes de droite n’aiment toujours pas. Peut-être que j’aime un peu trop quand c’est simple, que ça cogne, et pas la musique. Pas celle-là, pas celle des clusters de piano, des rythmiques brinquebalantes-lourdes, ou alors on me parle de jazz et je réponds Art Ensemble of Chicago et je réponds Bill Evans et je réponds – rien entre.

Rien entre.

Pourtant, j’aime.

Il n’y a rien entre.

J’ai bien aimé Pascal Bouaziz – quand il a sorti un disque sous ce nom, titré Haïkus – peut-être que ça, ça n’est pas fini, – pas la fin – pas le dernier – ce serait chouette. Je veux bien un dernier disque, mais Blackstar alors. Faisons une pause avant d’en reparler.

C’est quand même beau.

C’est quand même, toujours, beau.

Malgré tous les biais, la guerre à la bêtise c’est beau et Bouaziz mène la guerre à la bêtise et donc – beauté. Il n’y a que le mot “honneur” qui m’encombre en écoutant mais je dois être un peu trop de gauche, là où enfin – soulagement – l’honneur est mort, avec le gros son.

Peut-être un jour fera-t-il la paix à la bêtise – il en a le courage. Et c’est pour ça que c’est beau. Peut-être, paix. La possibilité de la paix est déjà la paix.

Algérie, sur Le Dernier Album, est d’une beauté insoutenable. Je rêve d’Alger depuis tant de disques, depuis tant de livres, depuis tant de travail, d’Alger, je rêve tant que je n’y suis jamais allé. On ne va que dans des décors et ce n’est pas un décor.

J’aimerais bien recevoir une nouvelle comme “Pascal Bouaziz va enregistrer avec des membres de Godspeed You! Black Emperor (ou tout autre groupe du cru et de votre conviction qui ne fait pas d’art – qui fait de l’art – de la musique) – ça me ferait un printemps – ça serait comme ce disque, mais sans attente. Je suis trop romantique, ou trop bête – décide, général !

Le problème de Mendelson, c’est la projection – l’auditeur projette au lieu de laisser dormir devant lui un petit tas.

Le problème de Mendelson, c’est qu’il y a un problème – et qu’il est le seul à s’en rendre compte.

Le problème de Mendelson, c’est d’avoir raison – même tard – même en faisant du Leonard Cohen gentil avec Les Chanteurs – gentil mais avec des notes hors de l’harmonie – je pense que je vais aimer jouer cette chanson l’hiver prochain chez ma pote Claire – paysanne sur le Larzac – c’est un plateau, on ne dit pas “dans le” – jusqu’à ce qu’elle m’engueule – elle préfère Hand Habits reprenant Walls de Tom Petty en compagnie d’Angel Olsen – je crois qu’elle a raison – je suis sûr qu’elle a raison – l’amitié.

Quand je suis arrivé à Marseille, j’ai vécu en collocation avec un contrebassiste de jazz – un ami – qui me disait – regarde les mecs qui installent des carquois sur leur contre pour glisser leur archet en mode prêt à dégainer – tu crois qu’ils jouent juste ? – ça fait quelques siècles qu’on lutte contre les croyances.

Et quand tu te donnes une heure, tu penses que ce disque est immortel, comme les autres. Tu le sais. Mendelson est l’un des groupes les plus importants de la pop en France, et Mendelson annonce la fin de ses disques – alors que l’on s’attendait à zoner bien des années trop tard sur un article Wikipédia suffisamment rance pour signifier la fin – c’est quand même invraisemblable – j’ai plein de biais contre – La Dernière Chanson est la plus belle. L’invisible ? Le visible dans l’invisible. Tu sais, Pascal Bouaziz que je ne connais pas mais que je tutoie, le visible dans l’invisible, Jaccottet. Tu sais.

C’est évident.

Vous savez – tu sais.


Le Dernier Album de Mendelson est disponible chez Ici d’Ailleurs.

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