Eugenius, Mary Queen of Scots (August Records, 1994)

Dans la série « groupe sensationnel qui ne rencontre pas de succès et qui disparaît sans prévenir », Eugenius tient le meilleur épisode. Ayant pour premier fan Kurt Cobain, sonnant bien mieux que Pearl Jam (à la même époque), possédant une palanquée de bonnes chansons, Eugenius avait tout pour réussir. Le public en décida autrement et préféra s’infliger des groupes peu recommandables. Trente ans après sa sortie, l’ultime disque des Eugenius sonne merveilleusement bien et laisse toujours pantois. Comment les fans de Swell, d’Husker Dü et de Nirvana ont-ils pu passer à côté d’un tel groupe ?

Nirvana
Nirvana / Photo : DR

Le 13 janvier 1994 paraissait donc Mary Queen of Scots, le second disque des Eugenius. Oublié le plus souvent (pour ne pas écrire toujours), ce disque réalise l’exploit de joindre par les deux bouts l’Amérique bruyante et le vague à l’âme écossais. Deux années plus tôt, Kurt Cobain ne s’y était pas trompé et était pour ainsi dire le meilleur VRP d’Eugène Kelly : il se plaisait à se faire prendre en photo avec un t-shirt Captain America (le premier nom d’Eugenius), invitait son héros écossais à le rejoindre sur scène et allait assurer une rente au chanteur des Vaselines en reprenant Jesus Wants Me for a Sunbeam lors du MTV Unplugged de Nirvana. On peut noter que trente-deux ans plus tard, Evan Dando reprend ce lobbying pro Kelly en glissant sur un de ses singles une face B d’Eugenius. On s’accordera à dire que la force de frappe n’est pas la même que son ancien mentor.

Eugenius
Eugenius / Photo : DR

En 1992, Eugenius avait donc publié Oomalama, premier coup de semonce power pop publié par Paperhouse Records, un label fondé par David E. Barker et Clive Solomon (Fire Records). La via media trouvée par Kelly tournait déjà à plein régime et faisait des merveilles. Évidemment le marché était trusté par les groupes de Seattle et Eugene Kelly n’avait pas l’addiction à la dépression d’un Layne Staley. L’affaire fit un flop et un excellent papier dans Magic Mushroom à l’automne 1992. Toujours soutenu par Dave Baker, Eugenius pimente l’année 1993 avec trois EPs. Casear’s Vein, Easter Bunnt et It Ain’t Rocket Science, It’s Eugenius! Tous les trois montraient les capacités de Kelly à pouvoir tenir tête aux Américains.

Chapeauté par Craig Leon, producteur du premier Ramones et compagnon de route des Go-Betweens le temps d’un disque (Tallulah), Mary Queen of Scots est un disque impeccable. Gordon Keen, futur BMX Bandits, assure comme il faut et l’ex-manager des Vaselines (et futur Teenage Fanclub) Francis Mac Donald a parfaitement assuré l’intérim. La plume d’Eugene Kelly est intarissable et a encore bien œuvré. Publié en Europe par August Records (une filiale de Creation Records) et par Atlantic aux États-Unis, le disque ne perça pas dans les charts et fit sûrement perdre de l’argent Steven Greenberg, directeur artistique d’Atlantic… qui rendit son contrat à Kelly.

Au printemps 1994, Eugenius ne semble plus dans le coup. Une semaine après la mort de Cobain, Oasis vient de publier son premier single… Supersonic. Les portes des labels se ferment et Eugenius végète pour disparaître quelque années plus tard. Cependant, il faut se rendre à l’évidence : Mary Queen of the Scots est un excellent disque. Malgré l’ampleur du son déployée, les chansons d’Eugene Kelly gardent cette nostalgie un peu désuète des Vaselines. Il ne pouvait pas au final s’en empêcher. Kelly mettait toute sa vie dans ses chansons alors que ses contemporains mettaient toutes leurs chansons dans leur vie. Trente ans plus tard, les chansons de Kelly n’ont pris aucune ride. On aimerait en dire autant de certains autres.


Mary Queen of Scots par Eugenius est sorti le 13 janvier 1994 sur le label August Records.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *