The Vaselines, Enter the Vaselines (Sub Pop/PIAS)

Alors que que les activistes de la boutique de disques de Glasgow, Monorail, menés par le toujours pertinent Stephen Pastel, lancent une collection baptisée The Glasgow School (les plus érudits d’entre nous se souviennent alors du disque compilant les brillants balbutiements d’Orange Juice publié par Domino) avec une nouvelle compilation de The Vaselines chez Sub Pop, voyons ce qu’Étienne Greib pouvait bien dire du tandem écossais en 2009 dans notre bien-aimée maison mère, la RPM. Après les déjà séminales compilations The Way Of The Vaselines (1992) et All The Stuff And More (1995), voici enfin la somme définitive des exploits du groupe écossais, qui se reforme au gré des propositions (le festival Mo’Fo à Saint-Ouen en 2006, les vingt ans de Sub Pop à Seattle en 2008, Primavera Sound à Barcelone cette année – 2009, ndlr). Il faut dire que la discographie sommaire du duo tient dans un mouchoir (souillé) de poche, mais qu’en deux singles (Dying For It et Son Of A Gun, classiques instantanés) et un album (le bien nommé Dum-Dum, 1989), The Vaselines a su, a posteriori, atteindre une place de groupe culte que beaucoup lui envieront à jamais.

Mais replaçons, historiquement, les faits dans leur époque. En 1986, Frances McKee et Eugene Kelly gravitent autour de la scène embryonnaire de Glasgow (The Pastels, Shop Assistants) et des incontournables soirées Splash One, organisées par Bobby Gillespie (The Wake, The Jesus And Mary Chain, Primal Scream). Elle joue dans The Child Molesters avec Norman Blake (futur Teenage Fanclub) et Duglas T. Stewart (BMX Bandits), lui fait ses armes au sein de sa formation de lycée, The Famous Monsters. Leur rencontre autant musicale qu’intime sera explosive, et leur première démo ne tardera pas à tomber dans l’oreille du grand frère Stephen McRobbie (The Pastels). Non content de les baptiser, ce dernier les signe aussitôt sur le label qu’il tient avec David Keegan (53rd & 3rd Records), et les aide en studio à coucher sur bande ces merveilles de pop saturée, immédiate, juvénile, impatiente, brillante, sexuelle, digne des Ramones – les solos de guitares et la finesse en plus. Le duo se transforme en groupe avec l’arrivée du frère d’Eugene, Charles, derrière les fûts, et du bassiste James Seenan. L’album Dum-Dum, plus américain dans ses influences (Sonic Youth, Pussy Galore), paraît en 1989 sur une obscure structure germanique (Constrictor) et ne rencontrera pas le succès escompté – le groupe, comme le couple, n’y survivra pas.

Sur une courte durée de vie, The Vaselines ne grava donc que dix-neuf morceaux, mais tous sont encore et pour l’éternité, ô combien chérissables. Ce double CD propose, en sus, deux concerts d’époque (enregistrés à Bristol en 1986 et à Londres deux ans plus tard), qui sont aussi dispensables que touchants, ainsi que la toute première démo. Le tout est agrémenté de notes de pochettes sublimes signées par Stephen Pastel et du grand Everett True qui retracent, sous la forme d’une interview (nostalgie et humour tordu compris), l’histoire. La suite fut moins glorieuse puisque Frances McKee ne sortira qu’un album sous le nom de Suckle en 2006, et qu’Eugene Kelly foirera inexplicablement la carrière de son Captain America devenu Eugenius (dont on retiendra quand même le fameux premier album Oomalama, 1992), partie pourtant sous les meilleurs auspices avec le soutien de Nirvana.

Les échanges Glasgow-Olympia (53rd & 3rd sortira en Europe le deuxième album de Beat Happening, le groupe de Calvin Johnson, fondateur du label K) feront qu’un jeune Kurt Cobain s’entichera durablement des petites chansons sales d’Eugene et Frances, alors que le reste appartient, selon la formule consacrée, à l’histoire… On n’oubliera jamais les images de Frances fouettant Eugene dans un clip des Pastels. Plus encore qu’un hommage naïf à la célèbre danse du fouet chère à Gerard Malanga, on y vit la complicité des Vaselines. Soit des gens qui s’aiment, baisent et regardent dans la même direction, un grand sourire aux lèvres. Ils furent ainsi magnifiques, personnifiant tout le sel et l’ambiguïté de l’idiome garçon-fille, autant que Nancy Sinatra et Lee Hazlewood, Tammi Terrel et Marvin Gaye, Bobbie Gentry et Glen Campbell. Mieux que ça, ils furent les Cramps de la tweepop. Des angelots aux mains très sales.


Enter the Vaselines par The Vaselines est sorti chez Sub Pop/PIAS

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