Climats #44 : Fontaines D.C., Giovanni Bellini

Aurore boréale en forme de dragon en Islande.

Peut-on écouter Richard Hawley sous la chaleur du port de Bandol ?
Et Nick Drake en version zouk, c’est souhaitable ?

Climats met en avant disques et livres selon les aléas de la météo.

Des aurores boréales à l’envers

Pour une fois, leur discussion portait sur le classique. C’était pourtant venu d’une remarque de Paul sur la reprise du ‘Cello song par Fontaines D.C. Que restait-il de l’amour de Nick Drake, pour Bach, dans cette interprétation ? Pas grand chose pour Paul.
Sergio commença donc sa leçon : « Pendant longtemps, pour moi, le rock et le classique possédaient des frontières infranchissables. D’ailleurs, je ne me posais pas la question. C’était des airs à respirer différents. Toi, Paul, tu ne regardes que les différences de formes. Mais tu ne te poses pas la bonne question : qu’est-ce qui, chez Bach, a intéressé Nick Drake ? Et qu’est-ce qui, chez Nick Drake, a fait résonner Fontaines D.C ? L’aura mon pote. L’aura pop ! Bach est, sans aucun doute, le premier compositeur de power pop – c’est le Big Star du classique. »
Paul se mit à sourire. Il prit pour une plaisanterie – ce qui était un argument de cœur. Voilà, la source, des nombreux malentendus entre eux. Évidemment, Rachel intervint pour mettre un disque. La musique aura toujours un avantage sur les idées et c’est tant mieux.
Sergio demanda ce que l’on écoutait et Rachel ricana : « Des êtres peu connues de la musique indé – des femmes. » Ainsi, sagement, on écoutait Compositrices, une compilation sortie chez l’excellent label Palazzetto Bru Zane.

Les étoiles contraires

Tu sais, dit Paul, lorsque j’irai voir l’exposition de Giovanni Bellini à Jacquemart André, je me serai remis à relire le Sacher Masoch de Gilles Deleuze.
Pourquoi, demanda Sergio ?
Pour Picasso et Cocteau, suggéra Paul.
Ils se mirent à rire de leur Kamoulox culturel.
Explique-moi donc ça, demanda Sergio.
À son tour, Paul commença sa leçon : « Je viens de lire un livre épatant. Picasso tout contre Cocteau de Claude Arnaud. En lisant ces histoires parallèles, je me suis posé cette question : qui encule qui ? D’un côté, il y a un Cocteau ambivalent, attendant les coups de griffes de l’espagnol. De l’autre, il y a cette force vive et dominatrice de Picasso. Force dévorant tout. À tour de rôle, l’un perd – l’autre gagne. » 
Quel rapport avec Bellini et Deleuze ?, questionna Sergio.
Il était temps de se resservir du vin.
Il y a chez Bellini cette soumission du corps au voile, au recouvrement. Passivité sensuelle comme promise. J’ai retrouvé cela chez Cocteau et Picasso. L’aspect protéiforme de leur œuvre recouvre leur pudeur. Cocteau ressemble à ces Christ chez Bellini, recouverts de vêtures et pourtant crus, nus – à découverts.
Sergio grilla une clope, il pensa à cette idée renversante que deux salauds pouvaient former une belle histoire.


‘Cello song par Fontaines D.C. est le premier extrait de la compilation The Endless Coloured Ways: The Songs Of Nick Drake qui sortira le 7 juillet chez Chrysalis, distribué par Modulor.

L’exposition consacrée à Giovanni Bellini vient de débuter au Musée Jacquemart-André à Paris, elle s’y tiendra jusqu’au 17 juillet.

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