Climats #33 : Sam Burton, Amelia Gray

Lee Scratch Perry sous la grêle, on dirait encore du reggae ?
Et si on dit que les premiers albums de Laurent Voulzy ressemblent à du Elliott Smith, on conserve ses ami•es après ?

Climats met en avant disques et livres selon les aléas de la météo.

Automne indien

Il y a des signes qui ne trompent pas. Quand on tape un nom – que l’on attend – dans la barre de recherche, qu’on rôde sur Google Actualités, que l’on fait le grand tour des sites de streaming – on sait que l’on est en plein crush musical. Et tant que rien ne se passe, que pas le moindre signe de présence désiré ne se manifeste – c’est la grande frustration. Mais l’attente et la musique forme un couple merveilleux. Il n’y a que là que se cache, précieusement, le désir. Bon, après cette petite introduction métaphysique, venons-en à l’objet du désir : la dernière chanson de Sam Burton. On le connait excellent accompagnateur dans le projet Sylvie avec son comparse Ben Schwab. On l’avait aussi rencontré, magnifique, le temps d’un premier album remarquable, I Can Go With You. Voilà un pedigree qui a suffi à créer, en nous, cette attente incommensurable. Burton revient avec Leaving Here Still. D’emblée, on se dit que notre cher Sam déconne un peu quand même sur la réverb. Mais la beauté est ailleurs, certainement dans cette mélancolie pleine de langueur et de fièvre qui rappelle le meilleur de Gene Clark « écrit sans un c, connaud de Sasso » comme le dirait mon cher Greib. Bref, on a pas grand chose à rajouter sur quelque chose d’aussi beau. On a juste à faire rejouer cette galette numérique encore et encore jusqu’à épuisement.

Lune inépuisable

Une silhouette répète les mêmes gestes ou, plutôt, ces mêmes gestes deviennent différents une fois répétés. La savoure cette chorégraphie solaire. Elle assiste à cette danse qui se crée, pourtant, essentiellement afin de survivre. Car la danseuse se nomme Isadora Duncan. Tiens, en écrivant Duncan, je ne saurais trop vous conseiller d’aller écouter la chanson toute en nerf de Vic Chesnutt qui porte son nom. Le roman d’Amelia Gray, Isadora, revient sur le sommet de la carrière de la danseuse et cette chute vertigineuse – la mort de ses deux enfants dans un accident de voiture. Cette déflagration, cette bascule portera Isadora a surmonter sa détresse en laissant parler son corps. C’est un texte charnel où une femme saisit sa liberté, une liberté grave et lourde, qui envahit l’espace et toutes les heures du jour. On se rapproche de la folie parfois car après le drame – la vie est autre. Cela forme les belles pages de ce roman, lorsque Isadora en funambule oscille jusqu’à en perdre la raison. Petite, Isadora Duncan, quand elle était malade, avait l’habitude de voir sa chambre constellée de jasmin. Elle en respirait les effluves pour mieux combattre le mal mais, aussi, pour rechercher en elle le parfum d’un désir nouveau.


Isadora par Amelia Gray est sorti aux Editions de l’Ogre
Leaving Here Still par Sam Burton est visible sur sa chaîne YouTube.

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