S’évanouir pour mieux revenir. C’est curieux comme les fantômes qui nous hantent le plus intensément sont ceux qui pratiquaient déjà, lors de leur passage terrestre, une forme d’effacement préliminaire. La disparition progressive avant la mort, comme pour ménager une phase de transition aux vivants, mieux les préparer à être hantés sur le long terme. « Barrett, Walker, Drake« énumérait autrefois Martin Phillips de The Chills – Song For Randy Newman (1992). Chacun poursuivra l’inventaire comme il lui convient. Lorsque Ollie Halsall est mort à Madrid, le 29 mai 1992, il n’avait évidemment laissé derrière lui aucun testament musical qui lui permette de prétendre accéder à la dimension mythologique des figures susmentionnées. A quarante-trois ans, il est sans doute déjà trop tard pour abandonner aux embaumeurs de légende un cadavre vraiment présentable. Et pourtant, il subsiste dans les jalons hétéroclites de la non-carrière de ce guitariste anglais sous-estimé – cité en référence à la fois par Rick Nielsen de Cheap Trick ET par Andy Partridge de XTC : voilà qui vous pose une momie, et pas qu’un peu – suffisamment de matière pour entretenir bien davantage que les souvenirs nostalgiques ou les regrets rétrospectifs d’une poignée d’érudits. C’est ce que confirment en ce début d’année deux rééditions simultanées et bienvenues. Continuer la lecture de « Ollie Halsall, Lovers Leaping (1979, Think Like A Key Records) »
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Comment mon groupe préféré m’a mis mal à l’aise – Can, Live in Stuttgart 75
La première fois que j’ai écouté Can, c’est comme si j’avais marché sur la Lune. Mon ami d’alors avait préparé cérémonieusement le moment de cette écoute, sûr de l’effet que cette musique aurait sur moi, et très excité de me la faire découvrir. Il a commencé par le début en insérant le CD de Monster Movie (1969) dans le lecteur. You Doo Right concentre déjà quasiment toute leur musique : l’intensité du chant, le groove de la basse, le cosmique de l’orgue et des claviers, la progressivité du morceau, le sens mélodique de la guitare et la rythmique hypnotique de la batterie. Je n’ai jamais rien entendu d’aussi parfait pour ma psyché et ma sensibilité. Je suis scotchée au canapé, partie dans un voyage qui durera toute une nuit. Continuer la lecture de « Comment mon groupe préféré m’a mis mal à l’aise – Can, Live in Stuttgart 75 »
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Spearmint, A Week Away (hitBACK, 1999)
Le premier contact avec ce disque est une phrase. “Ça devrait te plaire”, m’avait prévenu mon ami Nicolas P. en me tendant le CD – et quand je repense à cet emploi du conditionnel, je ne peux m’empêcher de sourire. Je me souviens bien de ces mots-là, et pourtant, je ne me souviens pas de la période, ni de l’année exacte – mais c’est bien sûr 1999, il suffit aujourd’hui parfois d’un clic pour étayer sa mémoire. Et puis, je me souviens aussi du lieu, les bureaux de la RPM du boulevard Ménilmontant, ceux d’un septennat qui aura vu l’arrivée de la couleur, du rythme mensuel, des piges enfin payées et des salaires au lance-pierre, l’époque de l’âge de la déraison où l’avenir semblait appartenir à ceux qui se couchaient (plutôt) tard.
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The Doobie Brothers, Minute By Minute (Warner, 1978)
Minute By Minute (1978) des Doobie Brothers est un des albums emblématiques du son westcoast de la fin des années soixante-dix. Plus gros succès commercial du groupe, le disque est pourtant, un quasi chant du cygne. Il sème les graines de la discorde et scelle le destin des Californiens. En dix morceaux, le groupe arrive cependant à construire un pont entre la soul voluptueuse de Leon Ware, la country-rock cher aux Byrds et le latin-rock à la Santana, un syncrétisme aussi moelleux qu’éloigné de leurs débuts. En effet, rien ne prédestinait les frères pétard à devenir un standard des programmations Soft-Rock (AOR) des radios FM nord-américaines. Continuer la lecture de « The Doobie Brothers, Minute By Minute (Warner, 1978) »
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The Byrds, Preflyte (1969, Together)
Artistiquement, Preflyte (1969) n’est certainement pas le disque le plus intéressant des Byrds mais il n’en constitue pas moins un témoignage fascinant sur l’un des groupes américains les plus importants des années soixante. En 1964, après un set au Troubadour, Gene Clark fait la rencontre de Jim (Roger) McGuinn. Tous les deux issus de la scène café folk californienne, les musiciens partagent un amour inconditionnel pour les Beatles. David Crosby rejoint à son tour le duo qui commence à répéter à trois, aux studios World Pacific, sous la houlette de Jim Dickson, devenu leur manager. The Jet-Set n’a alors pas encore de batteur ni de bassiste. Ils arrivent cependant à convaincre Elektra de publier un 45 tours sous le nom de The Beefeaters, mis en boite avec l’aide de musiciens de studio. Continuer la lecture de « The Byrds, Preflyte (1969, Together) »
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Todd Rundgren, Something/Anything? (Bearsville, 1972)
Si l’art de la musique pop est né dans les sixties des mains des Beatles, Beach Boys, Love et autre Zombies, la décennie suivante ne fut pas pour autant avare de grands disques à même de perpétuer cet héritage. Parmi eux, figure en bonne place Something/Anything? (1972) de Todd Rundgren. Le musicien de Philadelphie possède alors, derrière lui, une solide expérience. Il fait ses armes dans la formations garage Nazz, dont l’étrange nom fait référence à une chanson des Yardbirds (The Nazz are Blue). Avec le combo, il grave deux albums en 1968 et 1969. Nazz Nazz, le second LP, est aussi à l’origine de son départ : le double album ambitieux est amputé de moitié par le label avec l’appui d’autres membres du groupe. Curieusement, plutôt que se lancer en solo, Todd Rundgren monte Runt, un nouveau groupe avec les frangins Hunt et Tony Sales. Le temps d’un quasi dyptique, Runt (1970) et The Ballad of Todd Rundgren (1971), le compositeur américain se cache encore derrière le collectif. Pourtant, le deuxième effort est largement enregistré en solitaire par Rundgren. Continuer la lecture de « Todd Rundgren, Something/Anything? (Bearsville, 1972) »
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Wizzz!, Vol. 4 (Born Bad Records)
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Tim Boykin (Lolas) : « Où que je sois, je passe toujours pour un mec bizarre »
Pendant dix ans environ – de 1998 à 2008 – Lolas est apparu comme le condensé le plus parfaitement archétypal d’une certaine idée de la powerpop. Des mélodies immédiatement mémorables soutenues par des guitares agiles et puissantes, des refrains à tomber et des harmonies vocales capables de pourfendre les armures les plus hermétiques. Une langue morte ? Peut-être. Mais Lolas pratiquait cet idiome musical désuet avec cette insouciance naïve qui le métamorphosait, à chaque occasion, en un babil charmant. Alimenté dans une confidentialité presque scandaleuse – aucun des cinq albums publiés à cette époque n’a été distribué en dehors des USA et du Japon – le flot s’était soudain tari sans que l’on sache exactement pourquoi. Continuer la lecture de « Tim Boykin (Lolas) : « Où que je sois, je passe toujours pour un mec bizarre » »