Wookie, Wookie (S2S Recordings, 2000)

La dance music se prête historiquement mal au format album. Elle semble s’épanouir en maxi ou sur les mixes CD, désormais quasi-disparus. Logique si nous tenons compte de sa qualité première : elle est là pour faire battre le cœur des écumeurs de clubs et les garder le plus longtemps sur la piste. Cette fonctionnalité première du genre s’accommode ainsi difficilement d’un format porté par le jazz puis le rock, à partir du milieu des sixties. La narration n’est tout simplement pas la même. Wookie (2000), l’unique album de Wookie, est une des exceptions à cette règle. Il offre une expérience gratifiante, sans s’éloigner des qualités dancefloor qui ont fait connaître son producteur. Jason Chue est issu d’une famille de musiciens, ses frères Leon et Simon font de la musique. Son père, Paul Chue, possède un label de reggae (Fu-Manchu) et un studio de mastering et cutting de dubplates. Il démarre sa carrière de producteur au début des années 90 au côté du chanteur Wayne Marshall, puis se rapproche du collectif Soul II Soul au milieu de la décennie par l’intermédiaire de Jazzie B. Déjà bien versé dans la dance music britannique, notamment la Jungle / drum & bass, Wookie se prend la vague 2-step en pleine tête et contribue très vite à celle-ci. En 1999, il sort le classique maxi underground Down on Me / Scrappy qui le fait connaître sur la scène. L’année suivante, Wookie publie donc son premier, et unique à ce jour, album. Loin de délayer la même formule sur onze titres, il offre un captivant artefact du son anglais au tournant du siècle. Basses lourdes, voix soul, claviers rhodes, breakbeats, mélodies pop, Wookie ne s’interdit rien et développe une approche personnelle du 2-step. Il s’éloigne ainsi des influences house – R&B de certains de ses contemporains (Artful Dodger, MJ Cole) et y injecte une dose de noirceur, contrebalançant le chant suave de Lain. Jason Choe préfigure les futures orientations de la bass music à venir : l’éphémère breakstep et le plus durable dubstep. Au delà d’un style de production singulier, Wookie écrit bien. Battle, entré au top 10 singles britannique, est un tube élégant et unique. Synthétiseur menaçant, pizzicato de cordes, beat marqué et basse pesante forment un parfait écrin pour le chant incarné de Lain. Construite à l’ancienne, sous forme de couplet/refrain, la chanson irradie encore vingt et un ans après. Au delà des missiles pour les clubs, Wookie soigne les autres morceaux. Bien plus que des fillers pour garnir le panier, ils permettent à Wookie de s’éloigner du formatage club. Joy My Pride et Time sont ainsi deux merveilles de délicatesse. Idéalement placées en milieu et fin de parcours, elles aèrent un album dense et puissant. Toute la force de Wookie réside dans ces subtiles équilibres. Jason Chue conjugue underground et pop, ne choisit pas entre le club et l’écoute domestique. Son album en est le parfait reflet et constitue de fait un des meilleurs albums du 2-step.


L’album éponyme de Wookie est sorti sur S2S Recordings en 2000.

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