Uranium Club, Infants Under the Bulb (Static Shock Records / Anti-Fade Records)

L’air de rien, cela va bientôt faire dix ans que Brendan Wells, Harry Whol, Ian Stemper et Matt Stagner ont commencé à se produire sous la bannière d’Uranium Club (ou parfois de The Minneapolis Uranium Club), devenant sans débat possible l’un des groupes de post-punk américain les plus excitants de ces dernières années. Mais après une poignée de singles, de E.P., et avec trois albums au compteur – dont l’incontournable All Of Them Naturals, sorti en 2017 -, on aurait pu croire que les quatre agités du Minnesota se seraient essoufflés. Leur plus récent album The Cosmo Cleaners et leur dernier single en date – l’excellent Two Things at Once – nous avaient définitivement démontré que le quatuor en conservait encore beaucoup sous la pédale, pourtant presque toujours poussée à fond.

Leur nouvel album Infants Under the Bulbcertainement ce qu’ils ont fait de mieux depuis All of Them Naturals –, vient confirmer qu’Uranium Club n’entrent pas dans un studio pour acheter du terrain.

Le disque commence presque en douceur avec le single Small Grey Men – en écoute sur les plateformes de streaming depuis janvier dernier -, qui se hisse d’emblée au niveau des meilleurs titres de leur catalogue. Plus lente qu’à l’accoutumée mais néanmoins tout aussi tendue que leurs morceaux les plus sauvages, cette chanson donne à l’auditeur l’impression d’être assis sur un à baril de poudre près d’exploser à tout instant, baril dont on voit ont avec effroi la mèche se consumer sous nos yeux.

On est agréablement surpris d’y découvrir la présence de cuivres, innovation réjouissante qu’on retrouvera sur le titre suivant, Viewers Like You, avec notamment des passages de saxo carrément free à la Ornette Coleman  / James Chance particulièrement bien sentis. Mais cette incursion jazzy, qu’on avait déjà remarquée sur le très très bon single Thow Things at Once et qu’on retrouve avec plaisir sur ce nouvel album, avec la très enthousiasmante Big Guitar Jack Off, ajoute des couleurs inattendues à la musique du groupe minnesotain et montre sa capacité à se renouveler sans altérer le noyau de son identité. Avec The Wall pt.1&2, The Wall pt.3 et the Well pt.4, le disque est également agrémenté de plages sans aucune guitare ni basse, ni batterie, constituées exclusivement de sons électroniques oniriques, servant d’écrin à du spoken word scandé par une harmonieuse voix féminine, fleur délicate au milieu des ronces qui permet à l’auditeur de reprendre son souffle.

Uranium Club
Uranium Club

Après la relativement plus calme mais toujours âpre Viewers Like You, l’excellente instrumentale Game Show repart sur les chapeaux de roues, montrant à travers une myriade de parties l’impressionnant niveau de jeu et d’inspiration du quatuor. On se surprend à tomber sur Tokyo Paris L.A. Milan, qu’on pourrait presque qualifier de morceau « pop », ce à quoi on était loin de s’attendre de la part d’Uranium Club. J’avoue avoir été un poil moins convaincu par ce morceau que par ceux du reste de l’album, qui m’ont emporté sans aucune réserve, même si celui-ci reste loin d’être honteux. Avec 2-600 Lullaby, Abandoned by the Narrator, et Big Guitar Jack Off les quatre compères reviennent à leur atmosphère de prédilection, faite de guitares cinglantes, dissonantes et hystériques, aiguisées comme des cimeterres, de chant parlé-chanté voire hurlé et de tempos frénétiques. Abandonned by the Narrator, un des sommets de ce nouveau disque, s’impose comme le titre le plus radicalement punk et le plus frappadingue du groupe depuis ses débuts, invitant irrépressiblement à pogoter, même tout seul chez soi. Mention spéciale au batteur, plus impressionnant que jamais avec sa frappe métronomique, puissante et précise, qui fait montre d’un maîtrise hors du commun. Après la plus relâchée mais très habitée et pleine de surprises The Avent, Big Guitar Jack Off revient sur des choses plus tendues, mais à la structure complexe et à l’évolution progressive. On apprécie particulièrement ici l’ajout graduel de couches instrumentales de plus en plus intéressantes, ainsi que la présence de cuivres stylés. Le morceau se termine de façon épique, dans une hybris punk ou le batteur délivre à nouveau une performance jubilatoire qu’on peut raisonnablement qualifier de morceau de bravoure. Au final, un disque abouti et riche de nouvelles dimensions, qui montre que les quatre de Minneapolis ont encore plus d’un tour dans leur sac et sont loin d’avoir épuisé leur filon.


Infants Under the Bulb par Uranium Club est disponible chez Static Shock Records / Anti-Fade Records.

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