Fleetwood Mac, Rumours (1977, Warner)

Fleetwood Mac Rumours1977, la révolution punk gronde, pourtant le soft rock se porte merveilleusement bien et continue de se vendre par palette entière. Si les Ramones ou Talking Heads font vibrer les petits cœurs fragiles de critiques extatiques, le grand public américain se précipitent sur les disques de Steely Dan ou des Doobie Brothers. En France, le rock d’avant le punk se porte aussi très bien. De Dire Straits en passant par Supertramp ou Alan Parsons Project, les Français ne sont pas franchement convertis aux épingles à nourrice. Longtemps considérés avec une certaine défiance, les gros vendeurs des seventies ont, ces dernières années, été largement réhabilités. Cité par de nombreux artistes (Best Coast, Haim etc.) comme une référence, Fleetwood Mac est incontestablement une des têtes d’affiche de la décennie. Rumours bat tous les records de vente en 1977. Au delà des millions d’exemplaires, l’album est aussi devenu un classique. Avec d’autres, il démontre la possibilité de faire une musique populaire de qualité. Ce n’était pourtant pas gagné pour Fleetwood Mac. À l’origine, groupe du british blues boom, au coté de Cream ou des Bluesbreakers de John Mayall, la formation se constitue autour de la section rythmique constituée par le batteur Mick Fleetwood et le bassiste John McVie associée aux guitaristes Jeremy Spencer et le génial Peter Green. Le groupe écrit quelques tubes (Albatross, Black Magic Woman) mais ne semble pas s’imposer dans les artistes les plus populaires du genre. Christine Perfect (future Mme McVie), pianiste, membre de Chicken Sack, les rejoint officiellement en 1971 avoir été invitée sur leurs précédents disques. Ce relatif anonymat leur permet de complètement se réinventer au milieu des années soixante-dix. Fleetwood et le couple McVie tentent leur chance en Californie. En visitant des studios ils entendent les bandes de l’album du groupe Buckingham Nicks. Charmés par la guitare de Lindsey Buckingham, les trois musiciens proposent à ce dernier de les rejoindre. Il accepte à la condition que sa petite amie Stevie Nicks en soit aussi. Le line-up classique du groupe est désormais en place et signe un premier album en 1975. Le succès commercial est au rendez vous.

Fleetwood Mac
Fleetwood Mac

Un an plus tard, Fleetwood Mac retourne en studio et enregistre Rumours. Les deux couples se désagrègent et écrivent leurs chansons en conséquence. L’album offre alors une thérapie de couple devant des millions de personnes. Disque de divorce, Rumours devient un des plus grands succès américains de l’année. Il comporte de nombreux tubes du groupe. Dreams, écrite par Stevie Nicks, donne son seul single numéro 1 à Fleetwood Mac. La chanson, passée dans l’imaginaire collectif, a récemment connu une deuxième vie en devenant la bande son d’une vidéo virale sur Tik Tok.

Elle n’est pas la seule cartouche en or massif du disque. Don’t Stop (de Christine McVie) est une cavalcade pop irrésistible, Bill Clinton la fera sienne pendant sa campagne présidentielle de 1992. Quant à elle, Go Your Own Way (Lindsey Buckingham) nous plonge dans la powerpop. Si elle n’est pas sortie en single, The Chain est devenu, depuis, un des morceaux les plus emblématiques de Fleetwood Mac. Seul morceau écrit par tous les membres, elle démarre en acoustique avant un final frénétique et explosif. Elle matérialise l’ambivalence de Rumours : l’album oscille entre titres rock enlevés et chansons acoustiques introspectives (Songbird). À l’inverse d’Aja de Steely Dan ou Minute by Minute des Doobie Brothersle soft rock de Fleetwood Mac ne se pare pas de blue eyed soul et de groove. Le groupe, malgré ses origines britanniques, reste fidèle à un certain son américain, mêlant influences country et folk à leur pop carrossée pour les charts. Leur musique convoque les grands espaces, les routes à perte de vue au milieu du désert ou les néons des diners désuets.  Rumours complète cependant idéalement cette trilogie de disques soft rock de la fin des seventies. L’album démontre l’efficacité commerciale de ces formations (souvent) californiennes; des machines à faire du fric certes, mais du genre à avoir un âme et une indéniable profondeur. Ce n’est pas un hasard si Rumours reste si significatif sur un plan culturel de nos jours, le groupe, malgré ses déboires amoureux, y est touché par la grâce.


Rumours de Fleetwood Mac est sorti en 1977 chez Warner.

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