Dwight Druick, Tanger (Bobinason, 1980)

Historiquement, les États-Unis et l’Angleterre inspirent de très nombreux courants musicaux de la musique pop. Chaque pays interprète ces tendances à l’aune de sa propre culture et ses préférences. Il est passionnant de constater les différentes versions d’une même idée, notamment dans la francophonie. Le Soft Rock californien (aussi appelé AOR, Westcoast ou Yacht Rock) n’échappe pas à la règle. Apparu au début des années soixante-dix dans le sillon du mouvement hippie, le genre connaît sa forme la plus aboutie et élégante à la fin de la décennie avec Fleetwood Mac ou Steely Dan. La France comme le Québec s’y sont bien sûr essayés, de même que de nombreux autres pays (la City Pop japonaise). Du coté de l’Hexagone, Véronique Sanson, France Gall, Michel Berger, Weekend Millionnaire ou encore le duo Grimaldi/Zeiher ont fantasmé sur la côte ouest américaine. Dans la Belle Province, ils s’appellent Diane Tell, Gilles Rivard ou encore Dwight Druick. Une différence nette apparaît très rapidement entre les deux continents : la France a souvent adapté plus librement le genre, le mêlant à la chanson française, déjà existante. Au Québec, le modèle original semble un peu mieux respecté. Si la situation géographique peut expliquer en partie la divergence, aucune des approches n’est mieux que l’autre. Au fond, seul le résultat compte ; la forme ne reste qu’un moyen. Tanger (1980) du Québécois Dwight Druick célèbre ainsi parfaitement les codes du genre. Sophistiqué, il excelle dans cette pop urbaine élégante, à la croisée du rock, de la pop, de la disco et de la modern soul. Peu d’informations circulent cependant sur le musicien canadien. Il démarre sa carrière discographique en 1974 par un album (anglophone) de folk en duo avec le musicien Kirk Lorange. À la fin de la décennie, il participe au groupe Minuit (ou Midnight) dans un registre disco (La Couleur de mes Rêves) avec un long-jeu publié à la fois en français et en anglais, une pratique assez courante à l’époque au Québec (Patsy Gallant). Enfin, il se lance en solo, en 1979, en interprétant Georgy Porgy de Toto, épaulé par Boule Noire aux percussions. Cette reprise n’est pas la seule du futur disque, Dwight Druick pioche également dans le catalogue des Doobie Brothers l’excellente Open Your Eyes (Ouvre tes Yeux). Tanger explore gracieusement le soft rock du tournant de la décennie. Enregistré avec autant de soins que les grosses productions rutilantes étasuniennes, accompagné d’excellents musiciens, Dwight Druick co-signe six excellentes compositions, à la hauteur des covers. Parmi les temps forts, Voudou aurait certainement du être un tube. La chanson est, en tout cas, un irrésistible appel à la danse. Quand Tu Le Laisses Aller ou Prends Ton Temps confirment l’orientation funky tandis que Tanger ralentit le tempo pour mieux nous séduire. En huit chansons, Dwight Druick se hisse avec Tanger dans les albums cultes du genre. Malheureusement passé inaperçu à à l’époque, le disque a heureusement été réédité en 2019 par les têtes chercheuses de Favorite, déjà à l’origine de plusieurs sauvetages mémorables (Googie & Tom Coppola, Byrne & Barnes, etc.). Il constitue, aujourd’hui, un formidable témoignage de la richesse du catalogue pop francophone à travers les âges et les courants esthétiques.


Tanger de Dwight Druick est originalement sorti chez Bobinason en 1980 et a été réédité par Favorite en 2019.

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