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Ela Orleans – À la recherche du temps perdu

L’hantologie, le terme est un peu pompeux, mais on aimerait qu’il soit disponible pour l’inaugurer avec le deuxième album d’Ela Orleans, tant il sied à merveille à Lost et à son peuple de fantômes. Depuis dix ans, cet étrange objet me fascine comme peu de disques ont su le faire. D’ailleurs, lorsqu’un disque évoque des fantômes, que ce soit chez Nora Keyes, The Caretaker ou Caroliner, c’est généralement le signe de sa qualité. La signature d’un véritable mystère et la preuve intangible que le disque commence précisément là ou s’achève généralement les autres, par quelque chose qui relève davantage de l’intuition et de la poésie que de la chansonnette. Avec Lost, Ela Orleans a inventé une curieuse machine dont les rouages font dialoguer la musique, la littérature, la poésie, le cinéma, et détournent les repères d’espace et de temps. Les romanciers surréalistes de la vieille Europe côtoient la musique africaine, le cinéma américain et français (ici, la belle citation de Pierrot Le Fou). A l’occasion de la reparution du disque chez La Station Radar, nous nous sommes entretenus avec sa compositrice toujours aussi renversante d’honnêteté – et aussi d’humour. Continuer la lecture de « Ela Orleans – À la recherche du temps perdu »

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Tom Petty, Wildflowers And All The Rest (Warner Records, 1994)

1994. Il y a deux manières – plus complémentaires que réellement contradictoires – de resituer l’instant dans l’enchainement des années. Côté adret, Tom Petty vient d’atteindre le point culminant de la trajectoire ascendante entamée dans la seconde moitié des années 1970. Pour Full Moon Fever (1989) et Into The Great Wide Open (1991), il a consenti à reléguer certains de ses compagnons d’aventure – les Heartbreakers – au second plan, pour privilégier un travail en studio plus ambitieux. Certains d’entre eux le supportent plus mal que d’autres – le pianiste Benmont Tench peu enclin à se plier à la stricte discipline taylorienne désormais instaurée pendant les enregistrements, le batteur Stan Lynch qui critique en coulisse les nouveaux penchants pop de son leader et finit par s’exclure lui-même du mouvement. Qu’importe leurs états d’âme. Les détails du générique paraissent presque secondaires tant les deux albums présentent de similarités formelles, façonnés à quatre mains par Petty et Jeff Lynne. Continuer la lecture de « Tom Petty, Wildflowers And All The Rest (Warner Records, 1994) »

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Simon Reynolds, Le choc du glam (Editions Audimat)

Depuis maintenant six ans, la revue Audimat permet à un discours critique et théorique ambitieux sur les musiques populaires de se développer. Un espace singulier dans le monde francophone, remarquable par son exigence et son ouverture, au sein duquel peuvent se côtoyer des articles aux thématiques aussi variées que le grime, l’auto-tune, Anne Sylvestre ou encore le Field Recording. Une aventure qui se poursuit logiquement aujourd’hui avec la création d’une maison d’édition, et la traduction de l’ouvrage désormais définitif de Simon Reynolds sur le glam rock. Un choix qui n’a rien d’étonnant dans la mesure où Reynolds incarne une figure tutélaire pour toute une tradition d’écriture sur l’objet pop. On pense bien évidemment ici à son monumental Rip It Up and Start Again sur le post-punk, ou encore à Retromania, formidable réflexion sur la crise d’un certain modernisme et la nostalgie post-historique qui l’accompagne – pour ne pas évoquer d’autres ouvrages non encore traduits comme Energy Flash sur l’explosion rave britannique ou The Sex Revolts sur la politique musicale des sexualités. Avec Le choc du glam, nous retrouvons une approche caractéristique d’une démarche qui entend saisir un phénomène culturel comme un fait social total, et qui lui permet de creuser ce qui semble être l’une de ses grandes obsessions : l’interrogation sur l’histoire et la modernité, comme si la pop, en tant que forme imbriquée dès son origine aux techniques de production des industries culturelles, offrait un lieu privilégié pour appréhender les mutations du contemporain. Continuer la lecture de « Simon Reynolds, Le choc du glam (Editions Audimat) »

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Nicolas Sauvage : « Damon Albarn a posé les fondations de la britpop »

Week-end consacré à Damon Albarn, avec un décryptage de son parcours par l’auteur d’une biographie sur l’anglais.

Damon Albarn
Damon Albarn / Photo : Linda Brownlee

Après un premier ouvrage sur Paul Weller, Nicolas Sauvage publie Damon Albarn : L’échappée Belle aux éditions du Camion Blanc. Contrairement à ce que clame haut et fort Peter Hook, il n’a pas été le seul à avoir marqué au fer rouge l’histoire de la musique avec deux groupes différents. C’est ce que nous raconte avec passion et érudition Nicolas Sauvage en retraçant le parcours atypique d’Albarn. Peu ont réussi au long de leur carrière à se frotter à des styles aussi différents que le baggy, la pop, la musique africaine ou le hip hop sans se ridiculiser. En plaçant systématiquement l’œuvre d’Albarn dans le contexte de l’époque, Nicolas Sauvage réussit la prouesse d’accrocher le lecteur comme dans un roman. À aucun moment, il n’impose sa connaissance pourtant encyclopédique du sujet. Il préfère aller à l’essentiel, suggérer, partager modestement. Les fans hardcore y apprendront quelques informations et les néophytes rentreront aisément dans l’univers d’Albarn. Au-delà de la référence à la carrière du musicien, titrer son livre L’Echappée Belle est également un excellent résumé du plaisir que l’on prend à le lire.


A écouter ce soir sur section26 : Le Club du Samedi Soir #26 consacré à Damon Albarn.
Bonus à la fin de l’article : quelques bonnes feuilles de l’ouvrage de Nicolas Sauvage.
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Pop Filter, Donkey Gully Road (Bobo Integral/Spunk Records)

POP FILTERA l’origine, il y avait donc The Ocean Party. Ce groupe australien d’indie-pop approximative qui s’est inscrit, pendant sept années – de 2011 à 2018 – dans le sillon commun qu’il a contribué à tracer en compagnie de The Twerps, The Goon Sax ou Dick Diver pour ne citer que les moins inconnus. Plus prolifique que la plupart de ses camarades – huit albums et même davantage, si l’on inclut les productions marginales et dispersées de cassettes et autres singles – le groupe possédait la particularité d’abriter pas moins de six songwriters répartis géographiquement entre Melbourne et Wagga Wagga. En 2018, le plus jeune d’entre eux est brutalement décédé d’un kyste au cerveau et la première partie de l’histoire s’est achevée. C’est dans ce contexte dramatique que Pop Filter a fini par resurgir, toujours aussi prolixe. Continuer la lecture de « Pop Filter, Donkey Gully Road (Bobo Integral/Spunk Records) »

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Deerhoof, Love-Lore (autoproduit)

Love-Lore DeerhoofC’est une constante rassurante de l’existence : quoiqu’il arrive, il y a toujours un disque de Deerhoof qui vient de sortir. Et privé de ses habituelles tournées mondiales, le groupe a été fort occupé cette année : un live, une compilation de raretés, et, au printemps dernier, leur album Future Teenage Cave Artists, sympathique retour aux affaires du quatuor après une légère traversée du désert – et encore, à peine un désert, plutôt un terrain vague. Mais avec leur second LP de 2020, Love-Lore, sorti en totale indépendance fin septembre, c’est sans aucun doute l’une de ses plus incroyables démonstrations de force que balance comme si de rien n’était Deerhoof, sa plus belle réussite depuis des lustres (Breakup Song en 2012, plus loin que ça si vous faites la fine bouche). Et c’est un… album de… reprises ?!? Continuer la lecture de « Deerhoof, Love-Lore (autoproduit) »

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Good Sad Happy Bad, Shades (Textile Records)

Good Sad Happy BadPour une formation aussi habituée à la transmutation, la réapparition de Micachu & The Shapes sous le nom de Good Sad Happy Bad (entamée dès 2016 pour ceux qui suivent) donne presque l’impression d’une évolution naturelle. Ayant toujours préféré faire valdinguer son centre de gravité, passant tout naturellement de projet semi-solo électronique maniaque à organisme punk flou à trois têtes, le groupe formé par Mica Levi, Raisa Khan et Marc Pell n’a fait que dériver tête baissée vers l’incertain et le vaporeux au fil des années (avec quelques merveilles en chemin, comme ce Never en 2012, niché haut dans notre top décennal). Et ce retour inattendu derrière un patronyme chipé au titre de leur dernier album sorti en 2015 (et avec une personne de plus dans l’équipe, CJ Calderwood au saxophone) est donc l’occasion rêvée pour eux d’être autre chose, ailleurs, différemment, encore une fois. Continuer la lecture de « Good Sad Happy Bad, Shades (Textile Records) »

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Jack Name, Magic Touch (Mexican Summer)

Nombreux sont, ces temps-ci, les amoureux séparés. Les amoureux confirmés, ou ceux qui n’ont pas eu le temps de se l’avouer. Pour tromper l’isolement imposé par leur mère, les sœurs Lisbon, dans une scène inoubliable du Virgin Suicides de Sofia Coppola, dialoguent avec les garçons en chansons, le téléphone contre la platine. Todd Rundgren chante  Hello, it’s me et Gilbert O’Sullivan, en la voix des adolescentes, soupire : Alone again, naturally. Sur Magic Touch, Jack Name est cette âme esseulée au bout du fil. A la place du tourne-disque, sa guitare, mais avec une même urgence à rétablir, par la musique, une certaine proximité.

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