John Bramwell, The Light Fantastic (autoproduit)

Il a souvent été question de lumière dans les chansons de John Bramwell. L’éclat solaire impromptu saisi au détour d’un nuage, le scintillement discret d’une étoile dans un ciel nocturne, la lueur du matin qui colore la grisaille sans pour autant la dissiper totalement. La métaphore pourrait sembler convenue mais elle condense, en l’occurrence, quelque chose de bien plus substantiel dans cette écriture qui, depuis les premiers titres de I Am Kloot découverts il y a près d’un quart de siècle, s’attache à restituer le plus honnêtement possible les contrastes entre les trivialités éphémères et moroses du quotidien et la beauté que leur insuffle les formes poétique et musicale.

 John Bramwell / Photo : Anthony Harrison
John Bramwell / Photo : Anthony Harrison

Bramwell a plusieurs fois raconté, avec une fierté manifeste, comment il avait découvert l’une de ses punchlines les plus fameuses – « You’re like the clouds in my hometown/You just grow fat and hang around  » dans Avenue Of Hope (2005) – sur le mur des toilettes d’un club de Manchester. Des pissotières vers l’éternité : le chemin est long et souvent escarpé. Particulièrement depuis que les aventures du trio en ont fini de s’effilocher, au milieu des années 1990, dans une indifférence regrettable. Désormais condamné à poursuivre, tant bien que mal, une non-carrière en nom propre, Bramwell semble en avoir payé le prix fort : ce second album solo a été conçu peu de temps après la mort de ses parents, alors qu’il résidait sur une péniche et que les confinements successifs le privaient de ses principales sources de revenu – les quelques concerts dénichés sans le soutien du moindre tourneur. Des circonstances qui tranchent, en tous cas, avec les tonalités relativement enjouées de ces douze morceaux, parmi les plus spontanés et ouvertement optimistes de leur auteur.

 « I wanna go where no one knows my name anymore » entend-on sur A World Full Of Flowers. L’acceptation fataliste de l’anonymat se mue pourtant, quelques mesures plus loin, en une aspiration bien plus ambitieuse et vitale. « I want to run where the sunset breaks/Make beauty for its own sake. » Le programme est limpide et appliqué à la lettre et à la note. Entouré d’un quatuor de musiciens – The Full Harmonic Convergence – qui se plient avec une justesse et une sobriété parfaites aux exigences austères de ces mélodies, Bramwell démontre une fois encore qu’il demeure incontestablement l’un des songwriters britanniques les plus injustement sous-estimés. Trop soucieux, sans doute, de se consacrer exclusivement à ses chansons plutôt que de vivre les péripéties anecdotiques qui constituent trop souvent la substance des mythes de la rédemption. Certainement pas assez déglingué pour bénéficier d’un retour de flamme à la Michael Head. Et pourtant, il y aurait de quoi. En trente-six minutes chrono, le vétéran mancunien aligne les moments de grâce mélodique et de perfection folk en clair-obscur : les harmonies vocales et les rythmes bancals et chaloupés de It’s Like You, comme si Paul Simon s’était égaré dans le Cheshire ; le classicisme impeccable de A Sky Full Of Thunder Of Lightning et son jeu d’assonances introductives, comme un clin d’œil à l’une des scènes les plus célèbres de Chantons Sous La Pluie ; le récitatif dylanien de Nobody Left But You. Une piqure de rappel salutaire pour résister à l’oubli et une promesse plus qu’esquissée des chansons à venir.


The Light Fantastic par John Bramwell est disponible sur les plateformes, dans les bonnes échoppes, et sur son site.

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