J’ai été réveillé par le fantôme d’Ari

Ari Boulogne Päffgen et sa mère, Nico / Photo : Antoine Giacomoni

Il était 5h55 quand j’ai ouvert les yeux, horaire tout à fait inattendu pour un dimanche matin. Il était encore trop tôt pour me lever aussi, inspiré par l’actualité de la veille, j’ai retrouvé L’amour n’oublie jamais, l’autobiographie d’Ari parue en 2001 chez Pauvert. L’ouvrage a la particularité de n’être signé que son prénom, ce dont il s’explique en préambule : “Finalement, de Päffgen ou de Boulogne – mon nom d’adoptivité – seul celui d’Ari est resté, comme si même les noms de mes familles pouvaient résister à la corrosion de mon existence.” En page 18, j’ai lu : “Le 11 août 1962, à 5h55 du matin, je suis mis au monde par césarienne, cicatrice sur un corps parfait”. 5h55, l’heure précise de mon réveil. J’ai été réveillé par le fantôme d’Ari. 

Je n’ai jamais rencontré Ari mais son prénom tient une place particulière dans mon éducation musicale. En 1986, mon père m’offre mon premier exemplaire des Inrockuptibles : c’est le numéro 3, la couverture est consacrée à Chrissie Hynde, la revue est encore bimestrielle et est éditée par l’association Intra-Muros, 11 avenue des USA, 78000 Versailles. Je n’ai jamais entendu parler des Smiths, ni de Dream Syndicate, ni encore des Housemartins ou de That Petrol Emotion, qui sont tous au sommaire. Mon seul point d’ancrage est le blind-test auquel est soumis Etienne Daho. Qui confie au journaliste qu’il a passé des nuits entières à écouter les disques du Velvet Underground avec Ari, le fils de Nico. C’est un article auquel je vais souvent revenir, parce qu’il me donne des pistes à explorer : XTC, Nick Cave and The Bad Seeds, Joy Division, New Order, Talking Heads… J’ai continué à lire Les Inrockuptibles. Et j’ai fini par découvrir le visage d’Ari quelques années plus tard dans le numéro double consacré au Velvet Underground & Andy Warhol : sur la photo de Stephen Shore qui ouvre le dossier, c’est l’enfant en marinière aux pieds de sa mère, assistant à la répétition du groupe

D’Etienne Daho, il est question à la page à la page 188 de L’amour n’oublie jamais : “En 1982, j’ai rencontré Etienne Daho rue de Marignan chez Benoit Delafon, alors qu’il enregistrait son premier 45 tours, Mythomane. Immédiatement le courant est passé entre nous ; il m’invita à passer avec lui un week-end à Rennes, chez sa mère. Il me présenta toute la faune locale…. Un jour, j’emmenai Etienne chez ma tante. Je le présentai à toute la famille. Etienne, très à l’aise, dormit sur le canapé du salon. Il avait cette étonnante capacité à se fondre dans n’importe quel décor, jusque dans la foule. Il occupait un petit appartement dans une des rares rues de Paris où on pouvait trouver un distributeur automatique de cigarettes. Plus tard, il s’installa à Londres dans un quartier chic.” 

Je reviens à la source de mes souvenirs et je retrouve le numéro 3 des Inrockuptibles. Page 21, je me rends compte de ma méprise : ce ne sont pas les disques du Velvet Underground qu’Etienne écoute avec Ari, mais ceux de Joy Division. Le fantôme d’Ari est passé ce matin à 5h55. Et je me suis souvenu du texte qu’il chantait sur l’album Desertshore…

Je suis le petit chevalier
Avec la terre dessous mes pieds
J’irai te visiter
J’irai te visiter.

Répétition du Velvet Underground avec Nico et Ari au premier plan. Photo : Stephen Shore

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