The Caretaker, Everywhere at the End of Time, Stage 4 (History Always Favors The Winner)

The Caretaker - Everywhere at the End of Time, Stage 4Il n’y a aucun plaisir à tirer de cet album. Aucune joie. Aucun contentement. Il n’y a rien à y faire, rien à y vivre, si ce n’est y errer sans but dans la tempête. Un très mauvais moment à passer seul, les yeux flasques et la gueule ouverte, pour mieux subir l’irrespirable odeur de décomposition qui s’en dégage. Dans le noir, évidemment. Qui voudrait contaminer le soleil d’un tel poison ?

Dans les précédents épisodes de Everywhere at the End of Time, work-in-progress autodestructeur dédié, rappelons-le, à recréer l’expérience de la démence sénile le long de six albums, The Caretaker s’était attelé à détraquer, fragments par fragments, la petite musique de son turntablism rétro (entièrement basé sur des samples lointains de chansons big band des années 20) pour y créer des cassures, des vertiges, des déjà-vus. Troublante, lugubre, la première moitié de ce long naufrage restait encore dans le domaine du tangible, du dark ambient déliquescent. Avec ce Stage 4, une frontière est franchie, derrière laquelle il ne reste plus que des déserts de confusion grisâtre et bruitisme nihiliste aléatoire. Le format même annonce ce basculement dans l’horreur tranquille. Finies les successions de morceaux brefs aux dénominations poétiques des stages précédents, voici quatre gros blocs de plus de 20 minutes chacun, dont les titres ont des allures de catégories médicales glaciales : Stage 4 Post Awareness Confusions, répété trois fois, et un Stage 4 Temporary Bliss State doucement ironique. Rien de plus. Un territoire hostile et inhumain qui s’étend à perte de vue, peuplé de glitchs étouffants, de bruits difformes et de crissements bruts. Un pathétique magma de noise flasque et difforme qui vient s’écraser contre vous pendant 87 minutes de pur cauchemar. Dans la masse, on distingue encore certains samples familiers venus des étapes précédentes. Ils sont hideux, écartelés, en miettes, comme une monstrueuse collection de souvenirs qui n’en finissent pas de crever péniblement. Et pourtant, impossible de détourner le regard.

Poussant son concept dans ses ultimes retranchements, The Caretaker nous perd pour mieux nous abandonner sans un regard. C’est de cela qu’il s’agit. De notre incompréhension nue face à une déconnexion inexorable, située quelque part entre la vie et le néant. Et il n’y a absolument rien à en apprendre. Encore deux autres albums à subir. Jamais fini. Jamais.

5/6

 

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