Watter, History Of The Future (Temporary Residence / Import)

Pour bien inaugurer cette rubrique, commençons par un disque qui remonte à la nuit des temps, vieux d’une éternité impalpable. Il date d’octobre dernier. Si au gré de sa fantaisie, section26 vous fera part de ses véritables pépites de grenier selon les envies de ses rédacteurs, nous nous efforcerons également (mais sans courir, la marche rapide nous sied très bien) de parfois laisser l’actualité immédiate de côté pour mieux la faire réapparaître à l’occasion. Comme ici, lorsque nous apprenions il y a peu que Watter honorerait la scène peu visible, mais nécessaire de l’espace B le jour du Disquaire Day. Et pour vous donner une idée de l’importance de la chose, voici ce que j’écrivais, il y a quatre ans, en juin 2014. 

Watter, This World (Temporary Residence)

Bien qu’omniprésent sur le front de la nostalgie avec la réédition de Spiderland et la concomitante tournée reformatoire de Slint, Britt Walford, batteur d’exception s’il en est, en profite pour sortir son premier album depuis presque vingt ans. Et ce, en compagnie de Zak Ryles (Grails) et Tyler Trotter sous le nom de Watter, avec deux t comme si l’eau ne mouillait pas assez. Sans compter trois invités de marque, en la personne de Tony Levin (vous savez, cet affreux chauve moustachu qui joue d’une basse à 18 cordes chez King Crimson ou Peter Gabriel), Rachel Grimes (Rodan, Rachel’s) et Todd Cook (Shipping News, The For Carnation). C’est d’ailleurs au grand disque de silence éponyme de ces derniers (The For Carnation, 2000) que This World fait d’abord écho. Comme si Walford et Brian McMahan (Slint, The For Carnation) ne communiquaient plus que par messages vides interposés, à la façon d’un jeu d’adolescents d’aujourd’hui (in)adapté à ceux qui l’étaient hier. Même ampleur, mêmes paysages de désolation tranquille, This World est un constat pré ou post apocalyptique d’une violence parfois redoutable, rappelant les motifs angoissants du Guerrier Silencieux (Walhalla Rising, de Nicholas Winding Refn, 2010). Rustic Fog pose le décor en ne contournant aucun obstacle, tandis que Lord I Want More donne dans le folk pastoral, tout comme Bloody Monday qui y appose une rythmique soutenue sous forme de mise au point, rappelant les circonvolutions acoustiques du III de Led Zeppelin (1970). Dans la même veine harmonique et contemplative, This World y mêle des arpèges de piano d’une beauté parfaite. Mais ce sont les deux pièces de résistance tirant toutes deux vers les treize minutes qui remportent définitivement le morceau. Small Business, longue montée vers un chaos métallique qui évoque bien entendu King Crimson – Tony Levin oblige – à son plus brutal, Seawater, plus proche d’Om que le batteur de Grails, Emil Amos, avait rejoint en cours de route, ou le Pink Floyd encore un peu expérimental d’avant la face cachée de la lune. Les conjurés ont donc remis ça à l’automne dernier, et même si le casting varie peu (on se passera très bien de Tony Levin mais on salue le revenant Bundy K. Brown- Tortoise), et que le disque est un peu plus hermétique avec des ajouts électroniques discrets, avec un côté Tubular Bells au cimetière étrusque (Depth Charge), son charme insidieux nous fait parvenir aux mêmes conclusions. Macho Milano nous rend à nouveau indispensable la frappe fracturée et répétitive de Britt Walford sur une digression antique et le Final Sunrise, avec ses copeaux ensoleillés, qui orchestre la rencontre entre Robert Kirby et Jim O Rourke, fera un très beau principe actif de saison.

Watter sera en concert ce Samedi 21 Avril à l’espace B.

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