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Loop, Sonancy (Reactor/Wagram)

Loop SonancyIl est parfois bon de rappeler que l’un des plus authentiques diamants brut du rock anglais a souvent et bien évidemment à tort, souffert d’une réputation pas forcement flatteuse. Dès son premier album, Heaven’s End (1987) Robert Hampson et ses sbires se sont fait taxer de suceurs de roue des Spacemen 3. Et si précisément sur ce premier album, qui malgré ses défauts a pris une sacrée patine avec le temps, la comparaison peut jouer en leur défaveur, il faut impérativement réécouter Fade Out (1988) qui lui succède impérialement et énonce clairement ce que sera Loop, un groupe à la fois sauvage et lettré. Sur la face B du single Black Sun, grand morceau convoquant les noces tout à fait admissibles entre Joy Division et Hawkwind*, Loop reprenait, avec les honneurs, et c’était pourtant pas gagné, Mother Sky de Can. Il n’en fallu pas plus pour changer nos vies d’une manière absolue et définitive**. Continuer la lecture de « Loop, Sonancy (Reactor/Wagram) »

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Telefís, A hAon (Dimple Discs)

Premiers souvenirs partagés. Ils remontent au tout début des années 1980 : l’un est sur scène, l’autre l’écoute. Cathal Coughlan est le chanteur de Microdisney ; Garret Jacknife Lee n’est encore qu’un adolescent dans le public et c’est son premier concert. Ils échangent quelques mots, sans doute des encouragements adressés par l’aîné à son cadet admiratif. En tous cas, ils portent rapidement leurs fruits : le second étrenne même ses galons de musicien tâtonnant en se produisant en lever de rideau du groupe du premier à Cork. Deux brèves rencontres comme autant de signes précurseurs d’un destin commun, et puis plus rien pendant plus de trois décennies. Deux histoires parallèles, divergentes même. Coughlan construit son œuvre majeure dans des marges musicales de plus en plus confidentielles ; Jacknife Lee, après le bref épisode néo-punk de Compulsion, devient un producteur à succès, au cœur de l’industrie musicale, pour R.E.M., U2, Taylor Swift et bien d’autres. Qu’ont-ils pu conserver de commun ? D’abord une amitié partagée avec Luke Haines qui est à l’origine, en 2019, de ces retrouvailles inattendues. Continuer la lecture de « Telefís, A hAon (Dimple Discs) »

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The Simps, Siblings (Lex)

Ceux qui connaissent The Simps ont sans doute d’abord entendu parler d’Eyedress ; sur TikTok, où certains de ses titres sont devenus viraux, ou par King Krule et Dent May par exemple, avec qui le musicien a récemment collaboré. Une rumeur confirmée : Idris Vicuña de son vrai nom, dont le quatrième album, Mulholland Drive, paraissait l’été dernier, se retrouve depuis quelques mois dans la fameuse liste des artistes émergeants de l’hebdomadaire américain Billboard.

C’est lors de l’un de ses concerts en 2018 que Zzzahara fait sa connaissance. Ces enfants d’immigrés philippins se retrouvent autour d’une histoire culturelle commune, mais aussi d’un certain goût pour la bedroom pop lo-fi, le post-punk et la new wave. De fil en aiguille, elle devient sa guitariste sur scène. Ils jamment, utilisent des samples d’Eyedress, improvisent des paroles. Zzzahara a tendance à évoquer sa rupture récente, Idris est tout aussi sentimental. En étalant leur vulnérabilité d’êtres amoureux, ils admettent en rigolant faire ce qui se caractérise, dans l’argot et de manière assez péjorative, du simping. Les jeunes trentenaires prennent le parti d’assumer leur sensibilité : ensemble, ils sont The Simps. Continuer la lecture de « The Simps, Siblings (Lex) »

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Jacques, LIMPORTANCEDUVIDE (Recherche & Développement)

 

« Quand on m’demande ce que je fais
dans la vie, j’me le demande aussi »

Cher Jacques,

                    Évacuons d’emblée cette histoire autour de ta coupe de cheveux qui peut en incommoder plus d’un : j’ai toujours pensé qu’elle faisait de l’ombre à ta musique, même si elle m’a fait réfléchir à ce que sont les normes physiques et à ce qu’on attendait d’un homme et d’un musicien, la transgression, le rapport au ridicule, tout ça. Je me doute qu’elle te sert aussi à créer une image que tout le monde peut facilement mémoriser et instantanément identifier. Les casques de Daft Punk, les lunettes d’Elton John (je repense toujours à cette fabuleuse fin d’un numéro du Muppet Show dans lequel il était invité, entouré par les marionnettes qui portaient toutes des lunettes multicolores en plumes), les globes oculaires géants des Residents ou, bien sûr, les tonsures des Monks. Mais peut-être que je fais fausse route, peut-être que tout le monde s’en fiche de cette coupe de cheveux, je me dis juste que tu devrais profiter que tu en as, parole de cinquantenaire décati. Continuer la lecture de « Jacques, LIMPORTANCEDUVIDE (Recherche & Développement) »

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Studio Electrophonique, Happier Things (Violette Records)

Il y a le rose des lettres qui sent bon le parfum du bubblegum. Il y a l’élégance de la typographie qui évoque quelques autres disques que l’on chérit depuis longtemps – des disques de Factory, oui, mais de Tamla Motown aussi. Il y a des notes de pochette au verso – et depuis les premiers disques de The Style Council, on sait qu’au même titre qu’une chanson, une mélodie ou quelques mots glissés dans un refrain, elles peuvent changer une vie (ou au moins quelques années d’une vie et entre nous, ce n’est déjà pas si mal). Il y a les titres de chansons qui semblent en annoncer la couleur (et parfois la douleur), mais on ne l’apprendra qu’un peu plus tard, ce sont souvent des chausse-trappes. Il y a toujours ces titres de chansons qui, croit-on, font des clins d’œil appuyés à un univers qu’on croyait être le seul à partager – parce que dès avoir lu All-Time Biggest Fans, sont venus à l’esprit ces quelques mots-là : I’m your biggest fan cos’ you don’t give a damn”… Il y a, de part et d’autre de la Manche, ces ainés qui ont baissé la garde dès les premières notes, deux types pas nés de la dernière pluie et auxquels (après tout) on a le droit de reprocher beaucoup mais sans doute pas la presque perfection de leurs gouts musicaux et de leurs coups de cœur – Étienne Daho et Richard Hawley. On a connu pire comme thuriféraires. Et il y a James Leesley. Continuer la lecture de « Studio Electrophonique, Happier Things (Violette Records) »

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Cheap Star, Wish I Could See (Kool Kat)

Bien sûr qu’il est essentiel de faire des listes. L’énumération n’a pas que du dérisoire : la lecture de Haute Fidélité de Nick Hornby (1995) n’a rien révélé sur ce point ; elle n’a fait que confirmer à l’âge adulte ce que l’on savait depuis l’enfance. Le désir est toujours passé par là : des traces écrites, comme une manière de hiérarchiser pour minimiser les frustrations potentielles, donner une profondeur de champ aux envies avant même de les assouvir, et surtout trouver un plaisir à part entière dans ces préliminaires qui laissent en suspens, le plus longtemps possible, l’acte éphémère de consommation sous contrainte budgétaire plus ou moins stricte. Les listes comme étape essentielle vers la jouissance. Cela a bien sûr commencé par les cadeaux – Noël, les anniversaires – mais les plus marquantes sont vite devenues les plus ciblées lorsque se sont succedées – ou entassées – les passions pour les collections et leur horizon jamais atteint d’exhaustivité : les numéros de Special Strange manquants qu’on allait parfois exhumer chez les bouquinistes des quais de Seine, les vignettes autocollantes des albums Panini, les timbres, les boîtes en métal. Et puis les disques – beaucoup, trop, encore aujourd’hui – qui ont rapidement supplanté à peu près tout le reste. Continuer la lecture de « Cheap Star, Wish I Could See (Kool Kat) »

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Jonathan Fitoussi et Clemens Hourrière, Möbius (Transversales disques / Obliques)

Les musiciens utilisateurs du système modulaire Buchla constituent une famille singulière. Tissant un réseau affinitaire (en témoigne la récente compilation K7, Buchla Now sortie chez le label Ultraviolet Light l’an dernier), les praticiens de ce synthétiseur ont toujours emprunté des chemins buissonniers qui précisément ont su rompre avec certains gestes trop convenus ou entendus. Le plus souvent mobilisée du côté des musiques expérimentales, ou électro-acoustiques/acousmatiques (Morton Subotnick, Todd Barton), cette forme de synthèse dite « West Coast » (par opposition à celle « East Coast » de type Moog, plus connue) est aussi très présente au sein d’une scène que l’on pourrait circonscrire par les termes de planant ou d’ambient : Suzanne Ciani, Kaitlyn Aurelia Smith ou encore par exemple Caterina Barbieri, incarnent chacune à leur manière cet art de la rencontre entre boucles électroniques et psychédélisme répétitif. Assurément, les disques de Jonathan Fitoussi et de Clemens Hourrière s’inscrivent au sein de cette filiation. Continuer la lecture de « Jonathan Fitoussi et Clemens Hourrière, Möbius (Transversales disques / Obliques) »

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David Christian & The Pinecone Orchestra, For Those We Met On The Way (Tapete)

J’ai toujours les miquettes* quand la musique que j’ai toujours aimée et défendue se voit à nouveau magnifiée au détour d’un album qui aurait pu échapper à ma vigilance. Au début du siècle, Fred Paquet m’avait convoqué d’autorité pour une écoute (fatale) du premier album de The Tyde, grâce lui en soit rendue. Il m’a été moins dictatorial pour ce disque mais assez incitant, j’ai laissé couler un moment, j’ai été un peu retors, c’était le début de l’hiver ça n’est jamais bien agréable, eh bien je n’aurais pas du.
Un seul morceau, le premier In My Hermit’s Hours, devrait mettre tout le monde d’accord. Ça peut vous foutre un tournis fatal, ce genre d’introduction. Croiser les frères Godfrey (soit Epic Soundtracks ET Nikki Sudden prix de maigres mais golden trophy du songwriting) ET The Chills (pour résumer en un groupe une idée des antipodes – mais les amateurs des Go-Betweens et autres Apartments vont prendre cher pareil) ET The Tyde (donc Felt) ET PUIS QUOI ENCORE ? ! Continuer la lecture de « David Christian & The Pinecone Orchestra, For Those We Met On The Way (Tapete) »