Forever Pavot, L’Idiophone (Born Bad Records)

Mine de rien, cela faisait six longues années qu’Émile Sornin ne nous avait pas donné de nouvelles sous la forme d’un long format. Après Rhapsode en 2014, un début tonitruant, Forever Pavot revenait trois ans plus tard avec l’excellent et plutôt intrigant La PantoufleL’Idiophone, publié ces jours-ci (le 3 février 2023 pour être précis), chez Born Bad (Bryan’s Magic Tears, Star Feminine Band, Pleasure Principle …), semble formé le troisième jalon d’une trilogie. Depuis Le Passeur d’Armes, les obsessions de Forever Pavot pour les bandes originales françaises des années 60/70 se sont précisées. Il y a du François de Roubaix, du Michel Legrand, peut être même du Vladimir Cosma là-dessous.

Emile Sornin / Forever Pavot
Emile Sornin / Forever Pavot

S’il a quelque peu délaissé les morceaux plus psyché et garage de ses débuts, il a, en revanche, affiné ses envies de construire le squelette sonore d’un polar imaginaire. Il pourrait même en être l’un des protagonistes avec son look actuel à la moustache fournie ! Nous imaginons ainsi aisément L’Idiophone devenir la transcription sonore de plans tournées dans un Paris interlope et trouble, où la morale change de bord régulièrement. En effet, tout dans cet album rappelle l’ambiance crépusculaire d’un film comme Dernier Domicile Connu (La Main Dans Le Sac). Paranoïa, jeu d’argents, mort ou vif, trahison, magot, tous les ingrédients d’un scénario suffocant sont là. Entouré de fidèles (Maxime Daoud, Arnaud Sèche, Vincent Taeger, Samy Osta) et d’un orchestre symphonique, Émile Sornin s’est donné les moyens de coucher sur bandes ses marottes. Celles-ci tournent souvent au cauchemar tant l’ambiance est ici lugubre (Décalco). De ces ténèbres émergent pourtant de délicates mélodies (Les Enjambées, Or et Argent). Forever Pavot a gagné en profondeur et maturité, son écriture n’a jamais été aussi précise et élégante. Sa voix est aussi, plus assurée.

Entièrement en français, L’Idiophone est presque un concept album. Le disque fonctionne comme un voyage dont il est difficile de sortir indemne. S’il nécessite plusieurs écoutes pour être appréhendé à sa juste valeur, le jeu en vaut la chandelle. Chaque écoute révèle de nouveaux détails, le soin porté aux arrangements frôle la perfection. Au-delà des totems, L’Idiophone convoque (indirectement) des références plus étonnantes. Au Bal Des Traitres imagine la rencontre entre DJ Shadow et I Monster quand Les Informations actualise la collaboration entre Yves Mourousi et Paul Hardcastle (Dix-Neuf). L’album se termine en apothéose sur la flippante Dans Mes Cordes et la contemplative Au Fond. L’Idiophone est une expérience, un album sensible et ambitieux. Son propos dépasse largement l’exercice de la BO imaginaire tant chaque moment est source de son propre univers.


L’Idiophone par Forever Pavot est sorti chez Born Bad Records.

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