Kali Malone, Stephen O’Malley et Lucy Railton, Does Spring Hide Its Joy (Ideologic Organ)

Living Torch, son précédent disque paru en 2022 , nous avait définitivement convaincu de l’importance de l’œuvre de Kali Malone. Sa prestation au festival Akousma x Présences électronique en 2021 aussi, impressionnante par sa manière de s’approprier le double héritage des musiques électro-acoustiques et du minimalisme drone.  Une inscription revendiquée au sein d’une filiation précisément déterminée : on pense à La Monte Young évidemment, mais aussi à Eliane Radigue et Phill Niblock, comme trois figures matricielles d’un travail autour du son et de son étirement temporel. Et c’est ce qui frappe lorsque l’on aborde les pièces de la compositrice et musiciennes américaine, aujourd’hui établie entre la Suède et la France, à savoir la radicalité d’une approche visant une certaine sensibilité méditative.

Kali Malone
Kali Malone

C’est aussi et surtout un parcours déjà important, relevant d’une précocité et d’une prodigalité remarquables, qui impose Kali Malone comme une personnalité décisive pour ce qui concerne les musiques de recherche  : pièces pour orgue, travail autour de la synthèse analogique (le fameux Arp 2500 notamment), multiples projets et collaborations avec Caterina Barbieri, Ellen Arkbro, ou certaines institutions prestigieuses (GRM, EMS Stockholm).

Avec Does Spring Hide Its Joy, Kali Malone convie deux figures centrales de la scène expérimentale, Stephen O’Malley (Sunn O)))) et Lucy Railton, pour ce qui s’avère d’ores et déjà être l’un des points hauts d’un parcours pourtant peu avare en enregistrements marquants. Avec trois pièces d’une durée de près de 3 heures, l’ambition esthétique de Malone s’exprime de manière particulièrement frappante. Issues de sessions d’enregistrement à Berlin au cours du printemps 2020, en pleine période de confinement, ces pièces convoquent le violoncelle de Railton, la guitare de O’Malley et le générateur de formes d’onde de Kali Malone (un méta-oscillateur produisant des formes d’onde sinusoïdales), pour imposer un bloc massif de textures fréquentielles. La richesse des timbres, frappante de beauté, se déploie comme rapport distendu à la durée. L’impact émotionnel est précisément celui d’une suspension du temps, instaurant un rapport à l’écoute fondamentalement autre. Ce qui s’avère au final ici de l’ordre d’une expérience quasi-inédite par la force d’expressivité de ce fameux « son tenu » : par-delà la seule dimension hypnotique du drone, c’est sa capacité à nous relier à un fil narratif spectral qui singularise ce que nous n’hésiterons pas à qualifier d’œuvre majeure.


Does Spring Hide Its Joy par Kali Malone (feat. Stephen O’Malley et Lucy Railton) est sorti sur le label Ideologic Organ.

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